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Les pistes de Camercap pour implémenter la couverture santé universelle au Cameroun

Le Think-Tank gouvernemental fixe les étapes à franchir pour assurer une couverture optimale des soins de santé des populations et propose des solutions pour le financement innovant de cette initiative du gouvernement qui piétine.

Les analystes du Think-Tank Camercap logé au ministère de l’Economie, articulent leurs propositions autour de plusieurs points. Aussi commencent-ils par fixer les étapes préalables à la mise en place de la Couverture santé universelle (CSU) au Cameroun. D’après eux, il faut commencer par la structuration du système de santé afin qu’il réponde aux attentes des populations; le renforcement de l’offre des soins; l’amélioration de la performance du système de santé ainsi que et la mise en place d’une couverture maladie universelle.

Le profil des outils et des sources de financement de la CSU constitue l’épine dorsale de cette étude dans laquelle les experts identifient dans un premier temps les pesanteurs au financement de l’initiative ainsi que les besoins nécessaires à l’allègement des dépenses de santé des ménages qui investissent 70% de leurs revenus dans les besoins de santé. Pour inverser cette tendance, l’étude qui estime à 1400 milliards de Fcfa les ressources nécessaires au financement à l’horizon 2030 de la CSU, propose d’associer les forces vives de la nation à la résolution de la question. «Les coûts ne seront pas seulement à la charge des malades, mais devront être supportés par l’ensemble de la population et de l’État. Ceci se fera par le biais du pré-paiement et de « la mise en commun du risque (…) Trois acteurs devraient participer à son financement: l’État, les ménages et les partenaires », révèle Camercap.

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La ventilation de cette enveloppe fait appel aux concours de l’État à hauteur de 1000 milliards, 350 pour les ménages au travers des cotisations, soit un tiers de la cagnotte tandis que les promesses des bailleurs se chiffrent à 50 milliards FCFA. En dehors des cotisations directes des individus, des ressources additionnelles devraient être trouvées à travers des niches  de financement à même d’apporter un souffle nouveau pour financer la contribution attendue de l’État.

Aussi le Think-Tank fait-il un mix de différentes approches comprenant les économies sur les dépenses actuelles, les gains de productivité grâce aux actions menées, et/ou des prélèvements nouveaux. Toutes choses qui appellent selon le Think-Tank, « une utilisation plus efficiente des ressources publiques, une production optimale des soins de qualité et un accès à ces soins de santé de qualité en mettant un accent particulier sur la prévention ». Car en pondérant les ressources budgétaires allouées au ministère de la santé à 2630 milliards de Fcfa à l’horizon 2030, il faudra rechercher 740 milliards de Fcfa pour combler le gap de la contribution de l’Etat. D’où la mise en place d’un système de maîtrise des coûts en réduisant les effets de la concurrence.

Ainsi comme approches innovantes de financement de la CSU pouvant permettre de combler le gap des concours étatiques, il y a les transferts sociaux et le programme de filets sociaux dont le programme de transferts monétaires ordinaires directs sans condition doté de mesures d’accompagnement ; le programme de transferts monétaires d’urgence, le programme de transferts monétaires d’urgence Covid-19 ou encore le programme de travaux publics à haute intensité de main d’œuvre. Ces instruments institutionnels  peuvent être actionnés et subir une restructuration afin d’optimiser la contribution de l’Etat. «Une évaluation du projet pilote a montré que les transferts d’argent liquide ont permis d’améliorer les besoins sociaux de base des populations », souligne l’étude.

De plus, assure les experts du cabinet, parti de 2000 ménages entre 2013 à 2022, soit 15100 individus, le Projet Filet Sociaux bénéficie actuellement d’un financement additionnel qui va permettre de toucher près de 291 500 ménages en 2022, choisis dans l’ensemble du pays, soit 2 200 825 personnes directement touchées. Le Projet devrait atteindre d’ici la fin de 2022, un total de 375 500 ménages, soit environ 2 835 025 individus. «Avec cette expansion, la couverture des filets sociaux devrait atteindre 25% de la population pauvre au Cameroun», relèvent les experts de Camercap.

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Financement de la CSU : des approches innovantes

En plus des transferts directs et des filets sociaux mis en place par la Banque mondiale en 2014, Camercap propose neuf autres solutions de financement dont l’intervention des tontines et autres assurances empiriques notamment les caisses de secours de ces associations, comme source de financement de la CSU au Cameroun. Le Think Tank qui chiffre ses estimations étalées sur trois ans, pense que, « au regard de la dimension sociale et de solidarité ancrée dans l’esprit des camerounais quelle que soit la région du pays, le projet CSU devrait s’en inspirer et capitaliser ces acquis de «mise en commun du risque» pour lever un mécanisme innovant du fonds de financements de la CSU».

Le cabinet met également en valeur la solidarité communautaire, la philanthropie, le mécénat ainsi que le bénévolat pour venir à bout des insuffisances constatées dans la mobilisation de la part de l’Etat. Depuis 1993, révèle Camercap, la loi camerounaise exige que les établissements publics fournissant des soins médicaux primaires, versent 10% de leurs recettes mensuelles au Fonds de Solidarité pour la Santé. Ce fonds, qui devrait relever de la responsabilité du ministère de la Santé Publique, a été créé pour servir de réserves financières d’appoint lors des urgences sanitaires. Cependant, aucune information au sujet des règles de gestion de ce fonds ou de ses activités n’a jamais été publiée. «Cette forme de financement pourrait faire l’objet d’une meilleure organisation avec plus de traçabilité pour une efficacité certaine en termes de contribution à l’objectif de CSU.»

L’étude convoque aussi la dynamique du secteur informel au Cameroun qui, selon les experts, souffre moins d’une absence de fiscalisation mais d’une mauvaise imposition. Du coup la clé de prise en compte dans la complétude de la CSU par ce secteur, repose sur la garantie de la traçabilité, la transparence et de l’efficacité du modèle.

Parce que le médicament fait partie des postes de dépenses qui font peur aux ménages, en raison de l’atrophie de l’industrie pharmaceutique et de la dépendance aux importations de médicaments, il importe selon le Think Tank, d’intégrer la pharmacopée traditionnelle dans le processus de la CSU. Ainsi, compte tenu du foisonnement des initiatives locales de traitement du Covid-19 et des propositions de solutions thérapeutiques contre le virus, il serait important, malgré les réticences des uns et des autres sur ces protocoles traditionnels, que les tradi-thérapeutes fassent partie du processus. «La dimension et le recours à la pharmacopée traditionnelle peut apporter des gains substantiels en réduisant les quantités et les coûts des médicaments importés, parfois peu efficaces. Et le développement d’une industrie locale du médicament contribuera à créer des emplois, et donc à générer des revenus directs et indirects devant contribuer au financement de la CSU », assument les experts.

En plus de ces solutions innovantes, il y a la sécurisation des revenus agricoles pour abriter les populations rurales de la pauvreté et de la précarité, la prévention et les amendes sur les infractions routières, l’instauration de taxes sur l’alcool et le tabac ; l’hygiène, la salubrité ainsi que sur l’habitation ou encore l’optimisation des contributions obligatoires aux finances publiques sont entre autres sources additionnelles de financement de la CSU.

SPM

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