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L’Etat forme les instituteurs pour rien

Formés à grands frais de dotations budgétaires et de subventions, des milliers d’instituteurs passent entre 5 et 7 ans à se tourner les pouces au quartier, dans l’attente d’un recrutement dans la fonction publique.

Pour l’année scolaire 2020-2021, 3000 nouveaux instituteurs seront déployés à travers le pays. Selon le ministre de l’éducation de base, Pr Laurent Serge Etoundi Ngoa, la liste des candidats retenus n’attend plus que le quitus du Premier ministre, après leur sélection par la commission centrale de recrutement. Cette vague, est la première d’une série prévue jusqu’en 2024. « Nous allons privilégier ceux qui ont été formé depuis des années mais qui n’ont pas pu avoir un emploi. La fonction publique ne recrutant que les personnes âgées de 32 ans, nos partenaires ont voulu qu’on trouve une solution à ce problème social, en allant jusqu’à 40 ans. (…) enseignants ayant de l’expérience sont en première ligne. »

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C’est qu’au fil des années, le gouvernement forme plus d’instituteurs qu’il ne peut en recruter dans les écoles publiques. Pour la prochaine année scolaire par exemple, 11 230 places d’élèves maîtres sont prévus pour le concours d’entrée dans les écoles normales des instituteurs de l’enseignement général (Enieg) publiques. De 2012 à 2019, les 62 écoles normales d’instituteurs d’enseignement général (Enieg) ont produit 104 982 instituteurs d’enseignement général tandis que les 11 écoles de l’enseignement technique (Eniet) ont formé 32 357 instituteurs d’enseignement technique. Le problème, c’est qu’en moyenne l’état ne recrute pas plus de 4 000 instituteurs par an. A peine 9 000, de 2015 à 2019. Pour l’intégration de 1 000 instituteurs à la fonction publique en 2018, l’on a enregistré 51 000 candidats.

Et il n’est pas exclu que d’autres instituteurs, formés, ne se soient pas présentés. Ce qui montre qu’au terme de ce recrutement, il y avait encore au moins 50 000 instituteurs formés sans emploi. La formation dans les Enieg/Eniet est payante. Les frais de scolarité sont la charge de l’apprenant. Dans le privé, la formation revient entre 160 000 FCFA et 200 000 FCFA l’an soit près du double du prix pratiqué dans le publique. Il n’existe aucune donnée officielle sur la structure des coûts de la formation dans les Enieg/ Eniet publiques mais ils ne couvrent pas le coût de la formation. Qu’il s’agisse d’Enieg/ Eniet publiques ou privées, l’Etat supporte une partie du coût de la formation sous la forme de subvention ou de dotation budgétaire.

En 2016, le ministère des Enseignements secondaires avait budgétisé 24,229 milliards de FCFA pour la gestion des écoles normales secondaires (Enieg-sp, Enieg, Eniet) dont près de 60 millions de subvention pour les Enieg/Eniet privées.

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 Capital humain

Selon la stratégie sectorielle de l’éducation, les frais de scolarité ne représentent que 23% du cout de la formation. Le gap (77%) étant supporté par l’Etat. D’une manière générale l’Etat prend en charge au moins 150 000 FCFA de frais de formation par élève-maître. Pour les 137339 instituteurs formés entre 2012 et 2019, cela représente une charge financière de 20,6 milliards de FCFA. Pourtant, un nombre des bénéficiaires passe entre 5 à 7 ans avant de trouver le travail et pour une frange non négligeable, la seule issue est de s’occuper à autre chose. Pour tous ceux-là, il n’est pas exagéré de dire que l’Etat investi à perte. Or, rappelle la Banque mondiale, une amélioration de 20% des résultats scolaires des filles et des garçons à l’école permettrait à terme d’augmenter de 13% la productivité de la future génération de travailleurs. L’atteinte de ce résultat dépend en grande partie de la qualité du personnel enseignant. En effet, « les dépenses investies dans la formation initiale et continue d’un individu, et les dépenses investies dans sa santé, permettent de développer ses capacités productives, et d’accroître sa contribution à la production économique », explique Bédoumra Kordjé ancien vice-président de la Banque Africaine de Développement (BAD).

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