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Loi de Finances 2022 : controverse entre Experts-comptables et fiscalistes autour du marché de conseil fiscal

Le Gouvernement consacre désormais aux conseils fiscaux l’exclusivité de l’assistance des contribuables lors des procédures fiscales, à travers le projet de budget 2022 en examen à l’Assemblée nationale. Une mesure qui sera profitable aux inspecteurs des impôts qui justifient d’au moins 10 ans d’expérience. Les Experts-comptables se voient ainsi subtiliser quelques parts de marché et crient à l’injustice. Et pourtant, la réglementation Cemac qui régit cette profession est sans équivoque.

Dans le projet de Loi de Finances 2022 en examen à l’Assemblée nationale, le Gouvernement autorise aux conseils fiscaux d’assister désormais les contribuables lors des procédures fiscales. Cette innovation résulte en effet d’une volonté du ministère des Finances, lequel a instruit à la Direction générale des Impôts, en liaison avec le conseil de l’Ordre national des conseils fiscaux du Cameroun (Oncfc), « d’étudier la possibilité de consacrer la compétence exclusive des conseils fiscaux dans l’assistance des contribuables lors des procédures fiscales, comme c’est le cas pour les experts en Douane et les autres ordres, afin de mieux garantir la protection des droits des contribuables, la sécurisation des recettes de l’Etat et la professionnalisation prescrite par le nouveau règlement Cemac », renseigne une correspondance de Louis Paul Motaze, adressée le 12 novembre dernier au président de l’Assemblée générale du l’Oncfc. Un privilège consacré par le projet de loi des Finances 2022, qui bénéficiera désormais aux inspecteurs des impôts justifiant d’au moins dix années d’expérience, si jamais cette disposition est amendée par les députés. Une mesure qui ne semble pas faire les affaires des Experts-comptables, qui crient à l’injustice.

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Certains Experts-comptables l’ont fait savoir à travers un mémo parvenu à la rédaction d’EcoMatin, dans lequel ils accusent le Gouvernement d’être de connivence avec la Direction générale des Impôts, pour exhumer d’anciens inspecteurs des impôts de leur retraite et leur permettre de rebondir. Ils estiment que cette mesure n’est « pas dans l’intérêt de l’Etat, mais dans l’unique but de donner des marchés aux anciens fonctionnaires de l’administration des impôts, devenus conseils fiscaux. En effet, la modification de l’article L13 (nouveau) du Livre des procédures fiscales proposée par le gouvernement attribue au conseil fiscal agrée, l’exclusivité ou le monopole des marchés d’assistance du citoyen lors des contrôles effectués par l’administration fiscale », vitupèrent-ils.

En effet, les modifications envisagées aux articles L13 et L120 du Livre des procédures fiscales via le projet de loi de finances, n’offre plus la possibilité pour les contribuables de se faire assister par un conseil au choix, mais désormais par par « un conseil fiscal agréé Cemac et inscrit au tableau de l’ordre, ou un centre de gestion agréé de son choix ».

Deux poids deux mesures

Les Experts-comptables y voient une menace sérieuse pour les droits de la défense face au contrôle fiscal ; une volonté de soigner et d’engraisser les anciens inspecteurs d’impôts sous le dos du contribuable trahi par l’administration fiscale ; et dénoncent la corruption généralisée de l’administration fiscale qui constitue la première menace au système fiscal camerounais. En attendant de se prononcer officiellement sur cette actualité en temps opportun, sous réserve de l’amendement de cette disposition du projet de Loi de finances 2022, les Experts-comptables alertent déjà sur les parts de marché qui risqueraient d’échapper à leur contrôle à l’avenir dans le cadre de la profession de conseil fiscal. Ils accusent clairement le gouvernement d’une politique de deux poids deux mesures alors même que le règlement N°13/09-UEAC-051-CM-20 du 11 décembre 2009, portant révision du statut spécial de la profession de conseil fiscal, en tant que loi supranationale, autorise en ses articles 7 et 8, l’exercice de la profession de conseil fiscal aux professionnels des ordres nationaux des Experts-comptables d’une part, et des fiscalistes d’autre part.

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L’on apprend de nos confrères d’Investir au Cameroun que le président de  « l’Ordre national des experts-comptables du Cameroun (Onecca) (…) mène en toute discrétion une intense activité de lobbying auprès des pouvoirs publics camerounais et des responsables de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) pour essayer d’infléchir la position du gouvernement sur le sujet.

Pour un haut cadre de l’administration fiscale camerounaise qui s’est confié à EcoMatin, il s’agit ni plus ni moins que des jérémiades d’Experts-comptables qui ne cachent plus leurs appétits gargantuesques. « Que chacun reste dans son métier. La Cemac organise ça pour que ce soit des choses différentes. Le problème, c’est que les comptables veulent toujours traverser pour aller du côté de la fiscalité. Ils (comptables) ont le Commissariat aux comptes, ils ont les Audits, et même le volet juridique. Maintenant, il faut que les conseils fiscaux aient aussi quelque chose à faire », confie-t-il. Pour ce dernier, cette mesure consacrée par la loi des Finances se résume simplement en la mise en conformité (partielle) de la loi camerounaise avec la réglementation Cemac. Il importer se rappeler que les opérations de contrôle du fisc consistent en la vérification de la comptabilité générale des entreprises, laquelle est validée par les experts-comptables, lesquels peuvent se prévaloir d’être mieux outillés pour défendre les intérêts des contribuables face à l’administration fiscale.

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