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Mandats sociaux et contrats de travail : comprendre les inquiétudes de la cobac

Face au risque juridique que représente la coexistence du contrat de travail et du mandat social détenu par le dirigeant d’une banque, le régulateur du secteur bancaire demande la résiliation ou la suspension préalable du premier avant la délivrance du second.

Entre Dominique Mahend et UBA rien ne va pour le moment. La raison ? L’ancien directeur général de la filiale camerounaise du groupe bancaire nigérian United Bank for Africa (UBA) a décidé de porter plainte contre son ancien employeur pour licenciement abusif. Installé à la tête de l’établissement bancaire le 1er mars 2018, il avait été remplacé moins de trois ans après sa nomination par le Nigérian Jude Anele. Outre sa plainte, Dominique Mahend a saisi la Commission bancaire d’Afrique Centrale(Cobac) pour solliciter la non délivrance de l’agrément au nouveau DG estimant qu’il restait encore légitime à ce poste. Selon une source à la Cobac, cette saisine du dirigeant déchu serait loin d’impacter la procédure de délivrance de l’agrément du DG qui est en cours. Cependant elle pose un réel problème qui met en difficulté les établissements de crédit en activité dans la Cemac, celui de la possession par les mandataires sociaux (DG et DGA) d’un contrat de travail et d’un mandat social du conseil d’administration. Deux documents de « trop » qui altèrent la liberté du secteur bancaire.

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Le cas Dominique Mahend n’est en réalité que l’arbre qui cache la forêt. Plusieurs banques procèdent à des nominations sans respecter la réglementation en vigueur liée au mandat des dirigeants. Et c’est à juste titre que le régulateur du secteur bancaire dans la sous-région appelle les assujettis (établissements de crédit, de microfinance et de paiement) à s’y conformer. Dans une correspondance à eux adressée le 11 février 2021, Halilou Yerima Boubakary ; le Sécrétaire général de la Cobac rappelle que les fonctions de DG ou de DGA d’un établissement assujetti sont soumis à l’agrément de l’autorité monétaire, délivré après avis conforme de la Cobac. Ce dernier constate que certains contrats signés entre les établissements assujettis et leurs dirigeants ne sont pas conformes aux prescriptions légales applicables. « Dans le cadre de leurs fonctions, certains dirigeants ont conclu un contrat de travail avec l’établissement, soumis aux règles du droit du travail en vigueur dans le pays d’implantation de l’établissement. » déplore le secrétaire général.

Risque juridique

Cette situation de non-conformité dans laquelle se trouvent plusieurs banques et établissements de microfinances pourrait, selon la Cobac, avoir un risque juridique important. En effet, le mandat social se distingue du contrat de travail par l’absence du lien de subordination hiérarchique. « La protection du mandataire est limitée car il ne relève pas du droit du travail. Pas d’indemnité de chômage, pas de congés payés, pas de durée légale de travail. Il peut être révoqué à tout moment. Une banque peut donc, quand elle veut, se séparer d’un dirigeant mandaté pour une raison ou une autre sans avoir à lui verser la moindre indemnité». commente un expert du droit bancaire.

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Pour la Cobac la coexistence d’un contrat de travail et d’un mandat du conseil d’administration entrave la mise en œuvre du principe de révocabilité Ad Nutum (ce principe consacre le fait que celui qui a confié un mandat à une personne est en droit de retirer les pouvoirs qu’il lui a confiés sans avoir à justifier des motifs de ce retrait ni observer un préavis) cher aux banques. Selon le régulateur, cela a un « impact important sur la gouvernance » de ces établissements. Outre le cas UBA mentionné plus haut, l’on se souvient encore qu’en 2015, la Cobac demandait à l’administrateur provisoire de la CBC de reverser un montant de 108 millions de FCFA représentant un trop perçu au titre de sa rémunération. Martin Luther Njanga Ngoh s’était alors défendu en arguant qu’il bénéficiait à la fois des avantages d’employé de la banque et de mandataire de la Cobac.

Pour éviter ce type de « désagrément » le SG de la Cobac « invite les établissements qui seraient en marge de la réglementation à régulariser leur situation, en concluant avec leurs dirigeants des mandats approuvés par le conseil d’administration ». « Cela suppose que les assujettis devraient inclure dans leurs textes une clause qui suspend ou résilie le contrat du DG ou du DGA. Avant d’accéder à cette fonction, ces derniers seraient donc libérés de toute la protection du droit du travail » commente notre expert. Cependant cette réglementation semble jeter aux orties les dirigeants en préservant l’intérêt des banques. « Quoi qu’il en soit, nous partons du principe qu’une banque recherche la rentabilité et n’a aucun intérêt à se séparer d’un dirigeant si celui-ci fait du bon travail. La Cobac veut juste éviter que les établissements de crédit se retrouvent en permanence devant les juridictions à payer des montants indues pour indemniser untel ou untel; la banque devrait rester maître de sa stratégie » commente notre expert du droit bancaire.

Une affaire de banques locales

« Généralement, les filiales de groupes bancaires étrangers font rarement face à ce type de situation. Leurs dirigeants viennent souvent de l’extérieur et elles s’arrangent à ce que la coexistence néfaste soit supprimée ». Le cas UBA serait donc l’un des rares cas d’une situation qui concerne plus les banques locales. Et pour cause, apprend-on, les dirigeants nommés sont généralement d’anciens employés qui de par leurs performances sont propulsés à de hauts postes de responsabilité au sein de la structure. C’est le cas tout récemment d’André Alexis Megudjou qui a passé plus de 21 ans au sein de la microfinance CCA avant d’être propulsé comme Directeur général de l’établissement. L’on pourrait également évoquer le cas Alphonse Nafack d’Afriland First Bank et bien d’autres encore.

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