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Marshall Mc Luhan : prophète des temps modernes

Herbert Marshall Mc Luhan était un intellectuel canadien. Il avait enseigné la littérature anglaise à l’université de Toronto, capitale de la province de l’Ontario, située sur la rive nord-ouest du lac éponyme. Il est né le 21 juillet 1911 à Edmonton, capitale de l’Alberta. Parallèlement à ses enseignements universitaires, il se passionnait des sciences liées aux médias. Son champ d’observation embrasse : l’imprimerie, le message, les supports de l’information et les effets que produisent les médias sur la population consommatrice.

Mc Luhan dénombre 26 médias. Le premier selon lui est « la parole ».  La particularité de Mc Luhan est de faire ses recherches exclusivement avec ses étudiants et deux de ses cinq enfants. Ils vont ainsi contribuer à enrichir les nombreuses publications de leur professeur, tout en explorant de leur côté, d’autres aspects des médias et de la communication. Nous avons choisi deux livres de Mc Luhan pour examiner ses prophéties. Ces livres sont : « Galaxie Gutenberg » et « Pour comprendre les médias ».

Première prophétie : la mort de l’imprimerie et du papier.

« Galaxie Gutenberg » sort en 1962. L’auteur segmente son propos en trois stades :

Stade 1. Il est qualifié de stade primitif.  On communiquait en ce temps-là avec les médias premiers qui sont « la parole et l’ouïe». Naturellement, ni l’écriture, et encore moins les alphabets n’existaient pas.

Stade 2. Il naît avec la typographie inventée par   Gutenberg. Cette invention fut la plus importante de l’époque. Grâce à elle, la « communication de l’ouïe » se déplace vers celle de l’œil. On lit, on découvre l’univers. Avec l’imprimerie, l’imprimé est dupliqué en fonction des besoins. C’est le règne du papier.

Stade 3. C’est l’ère de la radio. Mc Luhan la qualifie de « Galaxie Marconi ». Nous entrons dans la civilisation de l’audiovisuel.  La radio réintroduit la communication de l’oralité et de masse sans frontière. La télévision rejoint la radio. Internet est en embuscade.  Le numérique innove le son et l’image dans l’audiovisuel. Mc Luhan avait prédit ces mutations. Elles bouleversent complètement le monde de l’information et de la communication. Elles modifient notre manière de vivre.  Une des prophéties de Mc Luhan s’accomplie. Il avait prédit que « la typographie de Gutenberg sera reléguée dans les musées. Elle sera remplacée par les joyaux de Marconi. Le papier n’a pas d’avenir ». Nous y sommes !

Deuxième prophétie : Le monde de demain sera un « village planétaire ».

« Pour comprendre les médias » est l’autre ouvrage prophétique du chercheur canadien. Il est publié en 1964, deux ans seulement après « Galaxie Gutenberg ». Dans cet essai à succès, l’auteur faits deux affirmations : la première : selon lui, « le message, c’est le médium ».Dans la deuxième affirmation, il dit que : le monde de demain sera un « Village planétaire ».

« Le message, c’est le médium » : pour l’auteur, ce qui importe, ce n’est pas le contenu du du message, mais la façon dont celui-ci est transmis. Plus encore, le média grâce auquel le message est transmis. Dans un sens plus large, cela signifie que le mode de transmission d’une information ou d’une culture, influe sur cette information ou sur cette culture. Ce mode de transmission transforme le message.

En d’autres termes, cela implique par ailleurs que les moyens de diffusion d’une information ou d’une culture ne sont jamais totalement neutres. Ils influencent le récepteur, voire toute une société. Mc Luhan brise ainsi le cercle vicieux dans lequel les pères fondateurs des sciences de l’information et de la communication avaient enfermé les études sur les médias, en attribuant aux seuls messages une place exorbitante dans la communication.

« Le village planétaire » est une expression que l’auteur a utilisée dans son ouvrage pour qualifier les effets de la mondialisation, des médias et des technologies de l’information et de la communication. Selon l’essayiste, «les moyens de communication audiovisuelle modernes, la communication instantanée, l’information, mettent en cause la suprématie de l’écrit».

Le monde est désormais unifié. L’’information est rapidement véhiculée par les médias de masse. Cette information transforme des micro-sociétés en une seule. Mc Luhan affirme que « désormais il n’y aura plus qu’une seule culture, le monde n’étant plus qu’un seul et même village, une seule et même communauté où on vivrait dans un même temps, au même rythme et par conséquent dans un même espace ». Nous y sommes !

Aujourd’hui, une personne a la capacité de récupérer des informations rapidement de n’importe quel point de la planète ; il suffit d’être raccordé à un réseau. Les informations et les images traversent la planète entière à la seconde. Cette circulation rapide et abondante donne l’impression d’être dans le même lieu virtuel, dans le même village en somme, le « village planétaire », vu par Mc Luhan. Nous y sommes !

« Les 4 grands M »

Les études sur la communication et les médias ont imposé des réflexions diverses. Certains travaux ont produit des résultats unanimement admis ; je pense notamment à la « question-programme » de Lasswell. Tout le monde est resté accroché aux travaux de ces pères fondateurs, frimant quelque peu les résultats des recherches de Mc Luhan. Pourtant, il a porté loin la réflexion sur les médias. Il a rappelé à la société mondiale la place de l’imprimerie dans la civilisation mondiale. Un message de bouche à oreille est altérable, volatile et peu crédible. C’est l’imprimerie qui a crédibilisé le message. Il fallait y penser.

Affirmer 50 ans avant l’avènement d’Internet et des réseaux que le monde sera un « village planétaire » par la circulation rapide de l’information, il fallait une grosse dose de courage pour risquer une pareille prophétie. Je suis de ceux qui pensent que la communauté scientifique mondiale ne rend pas suffisamment hommage à ce chercheur.

Les livres de Marshall Mc Luhan ont été traduits dans de nombreuses langues. Ils ont également pulvérisé les ventes dans les librairies nord américaines au point où, l’Office américain de vérification de ventes des livres avait observé à la fin des années 1970, que Mc Luhan faisait désormais partie des « grands M », c’est-à-dire les auteurs dont le nom commence par cette lettre, et qui ont eu les ventes les plus élevées de livres. Il s’agit de :

Karl Marx : le CapitalMao Tse Toung : Le Petit livre rouge, Herbert Marcuse : L’homme unidimensionnel, Marshall Mc Luhan :Pour comprendre les médias.

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