Conjoncture

Maturation des projets : le décret de 2018 ignoré ?

Le Budget d’investissement public continue d’être faiblement exécuté, en dépit de l’existence d’un dispositif qui fixe les modalités de préparation et de validation de l'état d'un projet.

Selon le Comité national d’exécution physico-financière du Budget d’investissement public (BIP), qui s’est réuni pour la première fois au titre de l’année 2019, il y a quelques semaines à Yaoundé, le taux d’exécution physique du BIP au 30 juin 2019 est de 42,27%, contre 52,31% sur la même période, l’an dernier. Il apparaît clairement une baisse de 10,04% en termes de taux d’exécution. Outre le non-respect des procédures de contractualisation, le comité Ayayi – du nom de la présidente de la Commission des finances et du budget de l’Assemblée nationale – a pointé principalement la maturation insuffisante d’une bonne partie des projets inscrits dans le BIP. Depuis le 21 juin 2018, pourtant, l’ex-Premier ministre, Philemon Yang, dénonçant une certaine navigation à vue en la matière, a signé un décret qui fixe l’ensemble des règles régissant le processus de maturation des projets d’investissement public. Ce texte détermine les modalités de préparation et de validation de l’état d’un projet d’investissement public réputé mature.


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Au sens de l’article 4 dudit décret, le processus de maturation des projets d’investissement public doit être mis en œuvre de manière à couvrir tout le champ des anticipations et autres mesures préalables, dont la prise en compte est indispensable pour assurer le succès du projet. De ce point de vue, les anticipations et autres mesures préalables ici visées portent sur les aspects liés à la conception du projet, la préparation de l’exécution du projet, la préparation de l’exploitation du produit de l’investissement, la préparation de la maintenance du produit de l’investissement, etc. Au stade de la préparation de l’exploitation, le maître d’œuvre est désormais tenu de mettre à disposition, les études prévisionnelles attestant de la rentabilité ou de la fonctionnalité probante du produit de l’investissement; les personnes potentiellement bénéficiaires de la réalisation dudit projet d’infrastructure ; les éléments probants indiquant l’exploitation des résultats de l’étude à réaliser; le plan prévisionnel de formation des potentiels bénéficiaires; les infrastructures connexes ou d’accompagnement, ainsi que la disponibilité des personnels qui permettront la bonne exploitation des produits du projet.

Il est à noter qu’en dehors de ce décret, le ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire a mis sur pied en 2010 un guide de maturation des projets d’investissement public. Mais, les administrations n’en ont pas toujours tenu compte. A preuve, chaque année, moins de 50% des projets et programmes inscrits dans le BIP sont matures. Selon la Caisse autonome d’amortissement (CAA), institution qui gère la dette publique,  en octobre 2017, pas moins de 4906 milliards Fcfa issus des emprunts extérieurs du Cameroun étaient oisifs dans les guichets des bailleurs de fonds. Cette enveloppe qui était en augmentation de 28,5% (1600 milliards Fcfa) pour cette seule année et qui représentait ce qu’on appelle communément les soldes engagés non décaissés (Send’s) n’avait pas été transférée dans les comptes des projets parce que ceux-ci n’avaient pas atteint la phase de maturation.


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Au cours de ces dernières années, l’Etat a multiplié des emprunts extérieurs et intérieurs pour des projets d’investissement qui n’étaient encore pour certains que des idées. Et les conséquences du phénomène de la sous-consommation des crédits d’investissement sont telles que, « non seulement, les prévisions de croissance liées à la réalisation de certains projets stratégiques ou structurants peuvent ne plus être atteintes, mais aussi, il y a un renchérissement des financements mobilisés pour les projets à travers l’accroissement des charges telles que les commissions d’engagement plus élevées, car, assises et proportionnelles aux montants des crédits non encore encaissés », analysait il y a deux ans l’ex-Dg de la CAA, Dieudonné Evou Mekou.

 

 

 

 

 

 

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