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Monnaie : la fausse rumeur sur la dévaluation du FCFA

EcoMatin apporte un éclairage sur les contrevérités relayées ces derniers temps sur les réseaux sociaux à propos de la parité FCFA-Euro.

Un ticket tiré d’un distributeur de PNB Paribas circule sur les réseaux sociaux. Sur ce ticket, on lit que le taux de change d’un euro est égal à 741,28 FCFA. Pourtant, le taux de change usuel c’est 1 euro égal à 655 FCFA. En voyant cette différence, d’aucuns ont conclu que le FCFA de la zone Cemac a subi une dévaluation en catimini. C’est faux. Il n’y a pas eu de dévaluation du FCFA par rapport à l’euro. Car, la parité entre les deux monnaies demeure fixe.

En faisant attention à ce ticket, l’on se rend compte qu’en fait, il y a renchérissement du taux de change parce qu’une commission de 6% a été appliquée. D’ailleurs, le ticket indique : « J’accepte d’être facturé en XAF conversation réalisée avec le taux de change de Alternate Solutions du 10/05/2019 & une commission de 6% ». Dans les faits, en dehors du taux de change, cette commission s’ajoute aux frais de change appliqués habituellement.  Ainsi, en appliquant une commission de 6% sur la transaction, ça a fait bondir le taux de change. Au lieu qu’un euro soit égal à 655 FCFA, on lui a ajouté une commission de 6%. Ce qui fait qu’un euro équivaut en ce moment-là à 741 FCFA.


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Sur les réseaux sociaux, l’on a attribué un éclairage au Vice-gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac), Evou Mekou, même si une authentification n’a pu pas être établie, du fait du mutisme de l’institution financière. « Naturellement, cette est information est totalement infondée.  Tout comme celle, y associée, qui semble elle aussi prospérer faisant état d’une dévaluation qui se serait faite en catimini. Où a-t-on jamais fait ça ? Nulle part. La dernière dévaluation du FCFA en 1994 avait bien été rendue publique de manière officielle à Dakar au Sénégal un certain 14 janvier…  Une information du public en cas de changement de parité avec une monnaie de référence est du reste obligatoire, afin notamment d’éviter d’inutiles contentieux dans les milieux financiers. De grâce, évitons d’alarmer inutilement les citoyens. De plus  avant d’affirmer et partager des faits supposés, d’une sensibilité certaine, prenons soin de les vérifier  à la bonne source », a-t-on pu lire.

Rebelote

Mais ce n’est pas la première fois qu’une telle rumeur est lancée. Chaque année, c’est pareil. On dirait un marronnier. Au sortir de la 3ème session du Comité de politique monétaire (CPM) de la Beac, pour l’année 2018, tenue le 31 octobre 2018 dans la capitale camerounaise, le gouverneur de la BEAC, Abbas Mahamat Tolli, a de nouveau coupé court aux rumeurs sur une probable dévaluation du franc CFA.

Après avoir révélé que la question n’a pas été évoquée lors du dernier sommet des chefs d’Etat de la Cemac de Ndjamena, « simplement parce qu’il n’était pas à l’ordre du jour », le gouverneur de l’institution d’émission des six Etats de la Cemac a indiqué qu’au « regard des fondamentaux économiques actuels, il n’y a pas de raison que la CEMAC risque une dévaluation ».

Pour preuve, a expliqué Abbas Mahamat Tolli, comme il l’avait déjà fait en 2017, au plus fort des rumeurs sur une probable dévaluation du franc CFA, il n’y a aucune commune mesure entre la situation économique actuelle de la zone Cemac, et celle qui prévalait en 1994, année de la dernière dévaluation de la monnaie usitée par les Etats de cet espace communautaire.

D’abord, a-t-il précisé, les réserves de change des pays de la Cemac affichent actuellement un taux de couverture d’environ 60%, contre 13% seulement en 1994. Ensuite, au cours de l’année 1994, la zone Cemac était en récession, avec un taux de croissance de -1%, alors que les projections pour l’année 2018 sont de 1,7%, et d’un peu plus de 3% pour l’année 2019.

Par ailleurs, a souligné le gouverneur de la Beac, la question de l’ajustement monétaire dans la zone franc a été évacuée lors du sommet des chefs d’Etat de la Cemac de Yaoundé, en décembre 2016, à la faveur de la décision commune des pays d’entrer en programme avec le Fonds monétaire international (FMI) ; programmes déjà conclus par quatre Etats (Cameroun, Gabon, Tchad et RCA, et en cours de conclusion avec un des deux derniers pays encore à la traîne.


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A la faveur de l’implémentation de ces programmes, et des mesures d’ajustement des politiques monétaire et budgétaire, prises respectivement par la Beac et les Etats, soutient Abbas Mahamat Tolli, des effets positifs notables ont été observés sur les économies de la zone Cemac ; contribuant ainsi à éloigner davantage le spectre d’une dévaluation du franc CFA.

 

Mais le spectre de la dévaluation n’est pas écarté

S’appuyant sur l’évolution de l’indice de pression des changes dans la région (EMPI), l’institution conclut que la zone reste une poche de risque pour une éventuelle dévaluation de la monnaie locale qu’est le Franc CFA. « Les réserves ont commencé à se stabiliser, mais demeurent faibles et leur évolution pourrait retrouver une tendance baissière si le FMI ne parvient pas à conclure un accord avec la République du Congo et la Guinée Équatoriale. Le risque de dévaluation du franc CFA d’Afrique centrale n’est donc pas totalement à exclure », expliquent les analystes de la Coface.


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A l’issue de la conférence de fin 2016, qui s’était tenue à Yaoundé au Cameroun, les pays de la zone s’étaient engagés à prendre un ensemble de mesures visant à reconstituer les réserves de changes, et à soutenir ainsi la stabilité qui fait la particularité du Franc CFA. Le Cameroun a été le premier pays à trouver un accord avec le Fonds Monétaire International, suivi du Gabon, de la République centrafricaine et du Tchad. Jusqu’à récemment, le Congo et la Guinée Equatoriale tardaient à se mettre sous-programme. Le premier semble avoir effectué une avancée en trouvant un accord-cadre vers un programme avec le FMI.

Dans l’ensemble, les réserves de change de la Cemac se sont reconstituées, éloignant le spectre d’une dévaluation qui surviendrait si ces réserves ne parvenaient plus à couvrir 20% des importations de la région. A la fin 2017, le taux de couverture extérieur de la monnaie était de 60% contre 57% à la fin 2016.

Mais cette embellie s’affiche comme un trompe l’œil. Elle résulte de l’amélioration des balances commerciales, et des avances accordées dans le cadre du programme économique avec le FMI, et d’autres bailleurs de fonds (Banque mondiale, Banque africaine de Développement et Agence française de Développement).

Au demeurant, ces programmes dureront trois ans et, à terme, les pays devront être capables de trouver des solutions plus endogènes. Un pari difficile, car 70% des échanges, notamment de biens et services, de la zone sont toujours réalisés avec l’extérieur. Enfin, les indicateurs font ressortir, une certaine atonie des économies.

Un défi qui concerne aussi d’autres pays en Afrique

La Cemac n’est pas la seule zone à risque de dévaluation monétaire en Afrique, selon la Coface. D’autres pays cités dans le rapport sont l’Algérie, la Tunisie, l’Angola et l’Ethiopie. « Contrairement au Nigéria, les réserves internationales de change de l’Angola ont continué à diminuer à un rythme inquiétant en 2017, malgré une dévaluation en avril 2016. Ces pressions se sont traduites par un écart sans cesse grandissant entre le taux officiel, fixé à 166 kwanza pour 1 USD, et le taux parallèle (plus de 420 kwanza pour 1 USD » indique son rapport.

Toutefois, le tableau n’est pas négatif pour l’ensemble des pays et régions africaines. Un redressement notable a été observé en 2017 dans des pays d’Afrique australe, au Nigéria, en Egypte, et dans les régions jumelles de la Cemac et de l’Uemoa. Mais, globalement, les pays africains gagneraient à jouer collectif sur ce problème.


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Le tableau global continue de montrer une tendance plus importante des risques. Ainsi, la capacité moyenne d’importation des pays africains est passée de 3,9 mois en 2016, à seulement 3,7 mois en 2017. Face à ces risques qui demeurent, on a noté comme un relâchement en zone Cemac, même si derrière, le comité en charge de la mise en place des réformes économiques, continue de travailler autant que possible.

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