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Notation souveraine : un organisme de l’Union africaine remet en cause les notes de Moody’s et S&P attribuées au Cameroun

Le Mécanisme Africain d’évaluation des pairs (MAEP) estime que les agences internationales n’auraient pas dû déclasser, en août 2023, les notes de crédit du Cameroun car ces dernières se sont appuyées sur des informations inexactes. Cela n’exonère pas pour autant Yaoundé à qui la branche de l’Union africaine suggère de lisser son profil émetteur en évitant d’accumuler des arriérés de paiement sur sa dette commerciale.

Moody’s et S&P ont-ils été sévères en déclassant, en août 2023, les notes de crédits du Cameroun ? sept mois après, cette interrogation continue d’alimenter les débats. Dans un récent rapport qui analyse la notation de crédit souverain en Afrique, le MAEP (Mécanisme africain d’évaluation des pairs), branche de l’Union Africaine en charge d’analyser les progrès de gouvernance des pays africains, remet en cause les décisions des agences américaines, estimant qu’elles ont été prises sur la base « d’informations non vérifiées »

Retards de paiements/Défaut de paiement

Petit rappel de circonstance.  Le 10 août 2023, Standard & Poor’s a abaissé de six crans la note de crédit souverain à long terme en devises du Cameroun de B- à « Défaut sélectif ». Motif : Yaoundé a accusé des retards de paiement sur sa dette commerciale entre 2022 et 2023. L’appréciation de S&P va s’inverser deux jours plus tard puisque l’agence, dans une nouvelle évaluation, va rehausser la note du pays à CCC+ (perspective stable) après qu’il lui ait été signalé que le Cameroun s’était acquitté de cette dette et était désormais à jour de toutes ses obligations de service de la dette. Pour le même événement, Moody’s s’est contentée d’abaisser la note du Cameroun de B2 (Stable) à Caa1 (Stable) alors que Fitch Ratings n’a pas considéré ce retard dans le paiement comme un défaut. «Nous n’avons pas traité cela comme un défaut car nous avons appliqué un délai de grâce présumé de 30 jours », a précisé Fitch dans son communiqué publié le 17 novembre 2023.

D’après le MAEP, ces différences d’interprétations des agences de notation sur un même événement est le reflet de « faiblesses méthodologiques qui ne tiennent pas compte des éléments de base comme le délai de grâce pour les paiements du service de la dette , ce qui pousse certaines agences de notation à prendre des mesures de notation plus rapidement que d’autres ».

Revenant sur le rétropédalage de S&P et l’abaissement de Moody’s, le bras séculier de l’Union Africaine évoque « une faiblesse du mécanisme de vérification des information » car au moment où ces décisions sont prises, le pays n’avait plus d’impayés et donc un abaissement de sa note ne s’imposait plus, soutient l’agence. « Les rapports des agences de notation sur les retards de paiement du service de la dette du Cameroun suggèrent que les agences de notation ne disposaient pas en temps opportun d’informations officielles factuelles sur l’état des remboursements du pays sur toutes les obligations liées au service de la dette commerciale».

Sur le fait, le MAEP invite donc le big tree de la notation internationale à se référer à « des informations officielles factuelles et des données les plus récentes » car « malgré les inexactitudes des avis de crédit, les investisseurs réagissent à la publication de ces informations ». Le Cameroun n’est pas l’unique pays africain avoir souffert de ces « lacunes » des agences américaines. Le MAEP évoque notamment des « commentaires spéculatifs » sur la note du Kenya qui ont eu des conséquences « préjudiciables » sur le programme de refinancement des euro-obligations du pays, mais aussi le Nigéria où Moody’s aurait manifestement commis une erreur en abaissant la note du pays au 2e trimestre de l’année 2023.

Au-delà des erreurs, la question de la gouvernance

Les analystes du MAEP n’élaguent pas pour autant les difficultés rencontrées par les souverains africains pour rembourser leurs dettes. Pour ce qui est du Cameroun, par exemple, le gouvernement reconnaît des pressions accrues sur la trésorerie. Celles -ci sont liées à des besoins de dépenses plus élevés, des conditions de financement difficiles sur les marchés intérieurs et extérieurs, des faiblesses structurelles dans la gestion des finances publiques… A cela, Moody’s ajoute une mauvaise gestion de la dette et des liquidités dans un environnement de resserrement des conditions financières nationales et mondiales ce qui exacerbe de nouveaux retards de paiement envers les créanciers, et par ricochet un nouveau déclassement de la note du pays.

Au titre des recommandations, le MAEP suggère au Cameroun d’améliorer la gestion de sa trésorerie. « Il est important que le gouvernement renforce sa capacité à gérer la dette et évite d’accumuler des arriérés de paiement, notamment envers les créanciers privés. Le maintien d’un historique de respect des obligations de paiement extérieur, d’apurement des arriérés intérieurs et de dépenses hors budget limitées serait le signe d’un profil de liquidité et d’une capacité de gestion de la dette améliorés».

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