Banques et FinancesA la Une
A la Une

Interview : Henri-Claude Oyima, PDG du Groupe BGFIBank « Notre ambition, nous positionner dans le top 3 des Banques au Cameroun »

35 années passées à la tête du Groupe BGFIBank et Henri-Claude Oyima développe toujours de l’appétit pour les challenges. Ce groupe financier célèbre en 2021 son cinquantième anniversaire, année également marquée par le lancement de son nouveau projet stratégique « Dynamique 2025 ». Il y a un mois, le Président Directeur Général du premier groupe bancaire d’Afrique centrale était ainsi en République centrafricaine pour négocier l’acquisition partielle des parts de l’Etat centrafricain dans le capital de CBCA, la première banque du pays en termes de financement de l’économie. Passé cette étape, le Tycoon vise le marché tchadien ce qui lui permettra de conforter son assise dans la sous-région Afrique centrale. L’ambition est à la hauteur d’importants investissements qu’il entend consentir dans les années à venir afin de franchir d’ici 2025, la barre de 5000 milliards de total bilan annuel. Pour y parvenir, le Groupe bancaire panafricain veut s’appuyer sur la première économie d’Afrique centrale qu’il a déjà identifié comme élément pivot de sa stratégie. En visite au Cameroun, le patron du Groupe BGFIBank a accepté de s’exprimer dans les colonnes du journal EcoMatin sur la gouvernance au sein de son Groupe, ses rapports avec les autorités camerounaises et le régulateur bancaire, le déploiement du Groupe dans la sous-région, la BVMAC… Le verbe facile mais mesuré, Henri-Claude Oyima se livre sans protocole sur les contours de la stratégie du Groupe BGFIBank.

EcoMatin : Vous êtes au Cameroun depuis 2 jours déjà. Quelles sont les raisons de votre présence ici ?

Henri-Claude Oyima : Comme vous le savez, nous sommes implantés au Cameroun depuis bientôt 10 ans et depuis le début de la pandémie du Covid-19, l’opportunité de visiter notre filiale camerounaise ne s’était pas présenté. Aujourd’hui, la situation sanitaire semble mieux contrôlée, nous sommes vaccinés et pouvons mieux circuler. C’est pourquoi j’ai décidé de venir à la rencontre de nos collaborateurs Camerounais, l’occasion également de rencontrer les autorités du pays.

En dépit de la pandémie du coronavirus qui a frappé les économies à travers le monde et fragilisé le secteur financier, le Groupe BGFIBank a fait preuve de résilience en terminant l’année avec un résultat net de 44 milliards de FCFA en hausse de 114%. Quel a été le secret de cette résilience ?

Le secret du Groupe BGFIBank, c’est que nous disons ce que nous faisons, nous faisons ce que nous disons et nous contrôlons ce que nous faisons. C’est notre maxime. Lorsque la crise est intervenue, nous avons rapidement mis en place deux comités. Le premier était celui de la sauvegarde des actifs et le second celui de la gestion des opportunités. S’agissant des actifs, les premiers que nous avons cru bon de sauvegarder était le capital humain. Nous avons mis en place un dispositif visant à sécuriser nos hommes. Puis nous avons déployé des outils pour conserver la fluidité dans les relations et garantir le fonctionnement normal du Groupe. S’agissant de la gestion des opportunités, nous avons identifié des secteurs que nous avons considérés comme étant  « moins impactés », « très impactés » et « fortement impactés » par la crise sanitaire, et à partir de là, nous avons orienté les financements du Groupe vers les secteurs les moins impactés. Autre chose que nous avons mis en place, un mécanisme de gestion de crédit qui a permis au coût de risque du crédit en 2020 de rester faible. Tous ces éléments mis ensemble font que nous avons pu assurer de bons résultats en 2020.

Quand vous parlez de sauvegarde du capital humain, vous faites référence à quoi concrètement ?

Il s’agit de renforcer les capacités des collaborateurs tout en les mettant dans les conditions qui les rassurent. La crise a entraîné avec elle un vent de panique dans l’esprit des Hommes ; donc il fallait rassurer  nos collaborateurs pour leur dire que nous sommes là et qu’on ne laisse tomber personne. Nous avons aussi mis en place un dispositif informatique qui permet d’être très proche d’eux ; toutes les réunions étaient tenues pendant cette période sur une plateforme collaborative. C’est cette proximité qui a motivé nos collaborateurs et nous a permis d’atteindre la performance que vous avez évoquée plus haut. Je tiens d’ailleurs à remercier l’ensemble des collaborateurs du Groupe d’avoir fait preuve de dynamisme, de résilience et d’agilité.

Nous sommes à moins de 4 mois de la fin d’année, que présagent les résultats du Groupe ?

Je peux déjà vous dire que les résultats que nous avons arrêtés au 30 juin 2021 sont en progression par rapport à juin 2020.

De quelle proportion ?

Je n’ai pas envie de vous donner les chiffres (sourire). Mais je peux vous rassurer et vous dire que nous serons largement en progression par rapport à 2020. C’est la 1ère année de notre nouveau Projet d’entreprise « Dynamique 2025 » et je puis vous assurer que nous sommes en forte progression par rapport à la même période il y a un an.

Depuis janvier 2021, le Groupe BGFIBank a mis le cap sur un nouveau Projet d’Entreprise intitulé « Dynamique 2025 ». Parlez-nous de ce projet. Sur quoi est-il adossé et quelles en sont les attentes ?

L’année 2021, qui marque notre 50ème anniversaire, marque aussi le lancement de notre nouveau Projet d’entreprise « Dynamique 2025 ». Ce dernier est une véritable continuité de notre vision, avec une orientation simple : la Performance et la Rentabilité. C’est notre objectif ! Par rapport à cette performance et cette rentabilité, nous devons développer notre Groupe sur les 5 prochaines années. « Excellence 2020 », le précédent projet, avait 4 axes stratégiques ; « Dynamique 2025 » a lui 5 piliers stratégiques avec un objectif de 5000 milliards de total bilan en 2025. Étant entendu que fin décembre 2020, nous étions à 3500 milliards de FCFA, il nous reste aujourd’hui 1500 milliards à réaliser pour atteindre notre objectif. Revenons aux 5 piliers que nous devons optimiser ! Le premier c’est la gouvernance ; il faut que nous puissions optimiser et renforcer la structure de gouvernance du Groupe. Le second, ce sont les ressources humaines : nous devons renforcer notre capital humain. Le 3e pilier, c’est la garantie des ressources ; je parle ici de la trésorerie, le système d’information, le patrimoine immobilier que nous allons renforcer. D’ailleurs la semaine prochaine, nous allons poser la première pierre de notre siège, ici, au Cameroun à Douala. Le 4e pilier concerne la maîtrise des risques, le contrôle interne. Le 5e et dernier, c’est le développement ; ici, nous entendons développer des métiers, des produits, des process et les prix. Voilà donc les 5 processus qui nous amèneront vers les 5000 milliards de total bilan en 2025.

Tout cela a un coût. A combien évaluez-vous ce plan ?  

Nous avons évalué le coût et les mécanismes de financements qui ne peuvent pas encore être publics mais je peux déjà vous dire qu’au niveau du développement, nous allons ouvrir de nouvelles filiales et de nouveaux métiers. BGFIBank a aujourd’hui 4 métiers : la banque d’entreprise, la banque commerciale, la banque privée et la gestion d’actifs et enfin, tout ce qui est assurances et microfinances. Ce sont ces métiers que l’on veut renforcer sur les 5 prochaines années. Vous savez par ailleurs que le Groupe est certifié ISO 9001 depuis 2005 ; la filiale camerounaise l’est depuis 3 ans. Autant d’éléments qui mettent la qualité de service au cœur de nos préoccupations, pour mieux satisfaire nos clients.

Le secret du Groupe BGFIBank c’est que nous disons ce que nous faisons, nous faisons ce que nous disons et nous contrôlons ce que nous faisons.

Dans une récente interview, vous annonciez des investissements d’au moins 25 milliards au Cameroun dans le cadre de ce plan stratégique « Dynamique 2025 ». Cela est-il toujours le cas ?

Nous comptons investir bien au-dessus de ce montant. Le siège de Douala représente un important investissement. Nous allons également investir dans les systèmes d’information et renforcer les fonds propres de notre filiale. Vous savez que dans notre métier, plus vous avez de fonds propres, plus votre limite en termes de financement est importante. Quand vous combinez les systèmes d’information, l’immobilier et le renforcement des fonds propres de la filiale, nous sommes largement au-dessus de 25 milliards de FCFA.

Quelle est la place qu’occupe le Cameroun dans ce plan « Dynamique 2025 » ?

Dans le cadre du Projet d’entreprise « Dynamique 2025 », le Cameroun a été choisi en Afrique Centrale comme étant le pôle de croissance. Il faut donc se donner les moyens d’accompagner cette croissance. C’est pourquoi j’ai mentionné le renforcement des fonds propres de notre filiale. La 2e priorité, c’est un nouveau siège qui va être construit au quartier Bonapriso à Douala et dont la pose de la première pierre est imminente. L’autre élément que nous entendons renforcer au sein de notre filiale, c’est le système d’informations, c’est-à-dire le réseau informatique. Enfin, le dernier élément, c’est le capital humain pour lequel nous comptons, bien évidemment, renforcer les compétences et la qualité.

La filiale BGFIBank Cameroun a terminé l’année 2020 avec un bénéfice net qui a doublé en un an. En êtes-vous satisfait ?

Personnellement, le mot « satisfait » ne fait pas partie de mon vocabulaire : j’en veux toujours plus. Je suis content du travail qui a été réalisé mais je suis persuadé que le Cameroun peut aller au-delà des performances actuelles  : ce pays a un énorme potentiel à exploiter. L’ensemble des collaborateurs, et particulièrement la direction générale, ont la totale confiance du Groupe et nous sommes déterminés à soutenir la filiale dans ses objectifs de développement, afin qu’elle surpasse les résultats obtenus jusqu’à maintenant. Au sein de BGFIBank, nous regardons toujours vers l’avenir.

Au Cameroun, BGFIBank oriente beaucoup de ses financements dans le secteur de l’énergie. Qu’est ce qui justifie cet engouement?

Cela vient tout simplement du fait que nous sommes Africains : nous orientons notre stratégie vers les besoins de nos pays. On ne peut pas développer un pays s’il n’y a pas suffisamment d’énergie, et les entreprises elles-mêmes ne peuvent pas se développer sans énergie donc pour nous, il faut donner à nos pays les capacités financières nécessaires pour développer ce secteur.

Quels sont vos rapports avec les autorités camerounaises ?

Nous avons de très bons rapports avec les autorités camerounaises. Nous sommes apolitiques ! Nous sommes là pour accompagner les entreprises qui en ont besoin. Nous les accompagnons, pour les structurer, leur donner les moyens de prospérité. Plus elles sont prospères, plus les financements sont garantis et pour ce faire, nous avons besoin d’un cadre macroéconomique, et ce cadre est fixé par les autorités.

L’année 2021, qui marque notre 50ème anniversaire, marque aussi le lancement de notre nouveau Projet d’entreprise « Dynamique 2025 ».

Ce cadre est-il propice ?

Oui il l’est, parce qu’il nous permet de développer nos activités et aujourd’hui nous le faisons plutôt bien. Nous le faisons même de manière tout à fait optimale.

Pourriez-vous en dire autant de la Guinée Equatoriale que beaucoup jugent un peu trop rigoureux vis-à-vis du secteur bancaire ? 

Oui nous pouvons le dire ! Notre filiale en Guinée Equatoriale est encore bénéficiaire, nos fonds propres sont préservés. D’ailleurs nous avons de bonnes relations avec l’Etat équato-guinéen qui nous a choisi comme conseiller financier pour l’accompagner afin de trouver le mécanisme de règlement partiel de la dette intérieure. 

Vous avez récemment été reçu par le président centrafricain Faustin Archange Touadéra. Au moment de l’annonce de votre visite au Cameroun, l’opinion s’est laissé emporter par la possibilité d’une rencontre avec le président Camerounais…

Le Cameroun est un pôle de croissance et en tant que tel, nous allons y développer notre stratégie afin de supplanter la concurrence. Notre objectif n’est pas de rester où nous sommes, mais d’être dans le top 3 du marché camerounais. Pour ce faire, nous avons deux techniques : l’amélioration de nos performances et les acquisitions. C’est ce que nous faisons au niveau de Bangui en rentrant dans le capital d’une filiale bancaire existante. Cette filiale, nous allons la renforcer avec notre méthodologie, notre organisation, pour que ça soit un véritable partenariat entre le Groupe et l’Etat centrafricain, mais aussi et surtout pour accompagner l’économie centrafricaine.

Dans un environnement sécuritaire difficile renforcé par la crise sanitaire liée au coronavirus qui a fait chuter le taux de croissance à -0,4 % en 2020 contre 4,5 % en 2019, la RCA a besoin des fonds pour financer son économie. Aujourd’hui, la CBCA est la première banque en Centrafrique en termes de financement de l’économie. Sur quels leviers allez-vous vous appuyer pour consolider ce financement ?

La base de tout financement, ce sont les infrastructures. S’il n’y en a pas, ça ne marche pas. En RCA nous allons investir dans les secteurs de base c’est-à-dire l’électricité, l’eau, les routes, les ports, l’alimentation… Ce sont des secteurs qui nous permettent aujourd’hui de participer au développement de ce pays. Je reste convaincu que malgré la situation difficile que vous évoquez, il y a beaucoup de belles réalisations à opérer  en RCA.

Où en sont les discussions avec l’Etat centrafricain au sujet de l’acquisition de ses parts dans le capital de CBCA?

Aujourd’hui, avec l’Etat centrafricain, nous avons déjà clôturé toutes les négociations. Il nous reste maintenant à passer par l’autorisation de la commission bancaire (Cobac, ndlr) et c’est lorsqu’elle donnera son quitus que l’opération sera définitive. Avec l’Etat centrafricain nous avons signé le protocole, vendredi prochain nous ferons la signature officielle de la cession partielle des titres détenue par l’Etat centrafricain qui permettra au Groupe BGFIBank de rentrer dans le capital. Ensuite la Cobac fera son travail de vérification nécessaire pour donner l’avis conforme qui nous permettra de reprendre le contrôle de la banque.

Quel volume de part avez-vous acquis ? 

Ça sera annoncé vendredi prochain (rire). Dès que cette acquisition sera faite, nous deviendrons actionnaire de référence et engagerons des modifications fortes au niveau de la banque. Cette dernière va changer de dénomination sociale et de charte graphique, afin de coller parfaitement aux couleurs et au fonctionnement du Groupe BGFIBank. Ce sera une banque qui sera complètement intégrée dans le Groupe et qui fonctionnera comme une filiale à part entière, au même titre que celles des 11 autres pays.

Au Cameroun, l’Etat s’est dit favorable à la cession de 51% des parts dans le capital de CBC. BGFI est-il intéressé ?

Le Groupe regarde toutes les opportunités. Si c’est une opportunité, nous la saisirons. Nous regardons tout ce qui est possible pour renforcer notre présence au Cameroun. Nous n’excluons rien.

Vous êtes déjà présent dans tous les pays de la Cemac excepté le Tchad. A quand l’ouverture d’une filiale dans ce pays ?

Nous sommes le 1er groupe financier de la sous-région. Si la commission bancaire nous donne les autorisations nécessaires pour la RCA, nous serons dans les 5 pays et à partir de ce moment, inéluctablement le 6e tombera. Cela fait partie de nos objectifs.

Vous êtes par ailleurs le président du conseil d’administration de la Bourse des valeurs mobilière d’Afrique Centrale. Malgré l’unification des deux places boursières sous régionale, l’activité sur ce marché reste encore timide. Pourquoi le marché peine-t-il à décoller ?

Le problème de la bourse, c’est que les projections en termes de performance que nous, du moins nos grands conseillers ont fait, ne prenaient pas en compte le fait que nous n’avions pas dans notre sous-région, des grandes entreprises qui sont des entreprises nationales. Les grands groupes que nous avons dans notre sous-région sont des filiales de grands groupes internationaux et ces groupes internationaux ne veulent pas être cotés en bourse chez nous. Par contre, vous avez le 2e compartiment qui démarre très bien, c’est le compartiment « Obligations ». En revanche, ce compartiment tout seul ne permet pas la soutenabilité de la bourse, il faut que les deux compartiments fonctionnement. C’est pourquoi les chefs d’Etats ont décidé que chaque pays puisse faire introduire à la bourse une ou deux entreprises pour renforcer son dynamisme.

C’est une défaillance au niveau des Etats…

Dans le cadre du plan de « Dynamique 2025 », le Cameroun a été choisi en Afrique Centrale comme étant le pôle de croissance.

C’est une défaillance au niveau des Etats et au niveau même de l’appropriation quand on a lancé le projet. La capitalisation de nos entreprises, qui de manière générale sont des PME, ne permet pas de rentabiliser la bourse. Il faut que les Etats qui sont actionnaires des filiales de ces groupes puissent y apporter une partie de leurs actions. Cela permettra de lancer de manière dynamique notre place boursière. Nous y travaillons, la Cosumaf est dessus, la banque centrale aussi, les chefs d’Etats ont déjà montré la voie à suivre.

On vous fait le reproche de vous immiscer très souvent dans la gestion de BGFIBank Gabon, où est implantée la Holding. Comment gérez-vous cette coprésence ?

Lorsque nous avons créé en 2010 la Holding financière, nous avons séparé les activités bancaires avec les activités de la Holding. Son rôle était de gérer les participations financières. Au Gabon, la banque commerciale existe et est différente de la Holding. Quand cette dernière a été créée, elle n’était pas assujettie à la réglementation. Mais le régulateur dit que puisque nous sommes une Holding financière et que le plus gros de nos actifs sont des actifs bancaires, nous serons assujettis à la réglementation bancaire sauf exception durement énoncée par le régulateur. Cependant, comme jusqu’ici la Cobac n’a pas énoncé d’exception, nous demeurons comme des banques commerciales avec toutes les contraintes en termes de gestion. En termes d’organisation, nous sommes tenus d’avoir les mêmes fonctions qu’une banque commerciale. Notre Holding, qui est une Holding légère, devient donc lourde parce qu’il faut répondre aux préoccupations de la Cobac. À partir de là, nous sommes tenus de nous assujettir.

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page