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«Nous avons déjà réglé les factures des fournisseurs locaux à hauteur de 9 milliards Fcfa » Eric Mansuy, DG Eneo

Redressement fiscal d’Eneo, tensions avec l’Aseelec, Estimation des index, impact du Covid-19 sur le secteur de l’électricité… le Directeur général de Eneo Cameroun S.A se livre dans cette interview exclusive accordée à votre journal.

Vous reprenez vous-même dans la correspondance que vous avez adressée le 27 août 2020 au Directeur Général de l’ASEELEC, les griefs qu’ils formulent contre vous : délais de paiements et de délivrance des éléments de facturation, mécanisme de régularisation des éventuels impayés cumulés, actualisation de l’ensemble des mercuriales…ces récriminations sont-elles fondées ?

Cette situation n’est pas nouvelle et fait partie de la vie normale des entreprises, au même titre que les cadres de dialogue apaisé, comme celui de ce vendredi 4 septembre 2020 entre Eneo et une délégation de l’ASEELEC. Pour faciliter l’interaction avec nos partenaires, nous avons déjà mis en place deux outils qui ont vocation à permettre de fluidifier la relation entre Eneo et ses partenaires dans un délai très court : un Guichet Unique dédié à la réception des partenaires, le Vendor One Stop Shop (VOSS) où ils peuvent déposer toutes leurs requêtes, leurs factures et retirer les documents tels que les bons de commande ; une plateforme digitalisée interactive pour leur permettre de nous saisir 24/7 en ligne et en toute transparence, sans se déplacer. Cet outil, le Supplier Management System (SMP), permet de suivre l’évolution des requêtes. Lors de notre rencontre du 4 septembre 2020, nous avons invité chacun de nos partenaires à soumettre ses requêtes documentées. Nous y apporterons des réponses appropriées dans les meilleurs délais. Ensemble, nous sommes convenus d’un assainissement de la situation d’ici au 31 décembre 2020.

Les résultats de cette rencontre vous ont-ils satisfait ?

Nous avons particulièrement apprécié l’esprit de dialogue avec lequel nos partenaires sont venus nous voir. Je pense que nous nous sommes compris, et que nous sommes globalement d’accord pour travailler ensemble pour assainir durablement nos relations d’affaires dans l’intérêt particulier de toutes les parties et du secteur de l’électricité en général. L’ASEELEC avance le chiffre de six milliards de créances dues. Ce chiffre est-il exact selon vous ? A ce stade, il nous est difficile de confirmer un chiffre, qui, par définition change tous les jours. Nous sommes convenus avec l’ASEELEC de procéder aux réconciliations nécessaires et de répondre de manière précise et individuelle à chaque requête.

Comment et suivant quel échéancier comptez-vous apurer cette dette ?

Concernant la dette ancienne antérieure à 2020, nous devons d’abord passer par quelques étapes préalables pour s’accorder sur les montants de dettes validées et échues. Ensuite, nous sommes convenus d’apurer les dettes reconnues dans un délai raisonnable, en fonction des liquidités disponibles dans le secteur. En ce qui concerne les dettes de l’année 2020, il est vrai que nous avions accumulé quelques dettes à cause de la crise financière du secteur. Des dispositions ont été prises dès la fin du mois de juin, grâce aux 45 milliards Fcfa de dettes anciennes réglées par l’Etat. Nous avons déjà réglé les factures des fournisseurs locaux à hauteur de 9 milliards Fcfa.

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Vous avez lancé des appels à manifestation pour la préqualification des entreprises en vue de deux contrats de sous-traitance. Pourquoi ?

Les appels à manifestation sont destinés à tous les partenaires intéressés, y compris les sous-traitants membres de l’ASEELEC. Ces appels inclusifs portent sur les activités commerciales de Relève-Distribution, et de Recouvrement (coupures-remises, pertes non-techniques, pose de compteurs). Les objectifs poursuivis par ces appels sont de mettre à jour notre liste des fournisseurs en accordant la priorité aux plus performants, d’accroitre le chiffre d’affaires des partenaires sélectionnés pour les aider à professionnaliser leurs activités, et leurs permettre d’accroitre leurs capacités d’investissement et financières.

Selon nos informations, vous seriez en négociation avec l’Etat au sujet d’un différend fiscal avec la Direction générale des Impôts. Qu’en est-il ?

Le GICAM, dont Eneo Cameroon SA fait partie, a largement communiqué sur le différend qui oppose les entreprises industrielles et la Direction Générale des Impôts… Permettez que je ne revienne pas sur la question.

Vous avez fait l’objet d’un redressement provisoire de la CNPS qui portait sur les années 2015-2017 d’un montant de 5,5 milliards Fcfa, montant que vous contestiez déjà. Où en est le dossier ?

Vous parlez certainement d’un redressement provisoire dans la mesure où le chiffre définitif est très en deçà de celui que vous annoncez. Dans tous les cas, ce contrôle est définitivement clôturé depuis longtemps.

Vous aviez pris l’engagement de finaliser en 2019 les travaux de réconciliation des progiciels CMS et SAGE. Où en êtes-vous ?

Eneo a d’ores et déjà lancé un programme ambitieux de remplacement de ses progiciels, qui devrait aboutir, à partir de 2021, à la modernisation progressive de tous ses systèmes.

Avez-vous à ce jour consolidé le stock de vos créances et emplois assimilés? En particulier, quel est le stock de vos créances sur l’Etat ?

Concernant notre stock de créances, nous avons déjà communiqué sur le problème des impayés de l’Etat. Sous l’impulsion de Son Excellence Monsieur le Président de la République du Cameroun, et le leadership de Son Excellence Monsieur le Premier Ministre du Gouvernement, la situation est en train de s’améliorer. Les choses avancent rapidement pour revenir à un équilibre financier dans le secteur. Les discussions sont permanentes.

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La question du paiement des factures est cruciale au Cameroun et vous aussi vous en souffrez. Comment la régler selon vous ?

Ce problème sera réglé quand chacun règlera ses consommations d’électricité : Etat, grandes entreprises, particuliers. Par ailleurs, les opérations déployées par notre entreprise concernant la lutte contre la fraude, la réduction des pertes, etc., sont critiques pour la survie du secteur. Tout ceci permettra d’améliorer les performances opérationnelles du secteur.

Sur le plan social, votre dette sociale est passée de 6,9 milliards Fcfa en 2017 à 8,3 milliards Fcfa en 2018. Une situation peu appréciée par vos employés. Comment comptez-vous apurer cette dette?

Je suis surpris de cette question. Eneo a toujours accordé une attention particulière à la situation de ses employés.

Selon les calculs effectués par EcoMatin, depuis 2015, globalement, vos dettes ont augmenté plus vite que vos créances. De plus, ENEO reste une entreprise rentable, en témoigne la progression de son résultat net et en particulier celle de son Excédent brut d’Exploitation au cours des dernières années. Dans le même temps, vos investissements ont peu évolué et ont même baissé entre 2017 et 2018. Pourtant vous peinez à payer vos dettes. Ces calculs sont-ils exacts ? Si oui que faites-vous de vos bénéfices ?

Vous avez raison. Les résultats d’Eneo sont en progression depuis des années. Comme vous le savez par ailleurs, les difficultés rencontrées par l’entreprise sont essentiellement liées à des problèmes de liquidités et des dettes croisés accumulées dans le secteur. Maintenant que la situation du secteur s’améliore, notre société est en pourparlers avec des préteurs nationaux et internationaux pour le financement de notre vaste programme d’investissements pour la nouvelle période à venir. Avez-vous déjà produit vos comptes de 2019 ? Le Conseil d’Administration de notre entreprise se réunira avant la fin d’année, pour clôturer les comptes 2019. Nous sommes en attente de la finalisation de certaines opérations, en particulier, le transfert des actifs du transport à la SONATREL, toujours en cours de finalisation depuis 2018.

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Vous annoncez, pour la période 2020-2031, des investissements d’un montant de 521 milliards Fcfa. Peut-on savoir quels sont les projets retenus dans ce plan d’investissement ? Et quel est le plan de financement d’un tel programme?

 Les projets sont nombreux. Ils sont discutés régulièrement et validés par notre ministère de Tutelle (ministère de l’Eau et de l’Energie, ndlr). Il s’agit notamment des extensions de réseaux, l’amélioration de la qualité du service, le renouvellement et la pose de nouveaux compteurs chez nos clients, la modernisation, réhabilitation des ouvrages de production, etc. Le Conseil d’administration vous a autorisé, en début d’année, à contracter un prêt bancaire de 100 milliards de FCFA pour financer, en particulier, les investissements de 2020.

Où en êtes-vous avec la mobilisation de ces ressources?

Concernant le financement de 100 milliards Fcfa, les négociations sont actuellement en cours avec les banques locales et internationales. Nous espérons boucler ce projet dans les prochains mois.

L’exploitation de centrales thermiques dont l’empreinte écologique reste forte, est de moins en moins acceptée dans le monde. Le Cameroun a d’ailleurs pris des engagements ciblés en matière d’amélioration de la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique. Votre stratégie en matière de transition énergétique est-elle arrêtée ?

Le plan solaire d’Eneo est au cœur de cette transition dont vous parlez, avec l’hybridation des centrales thermiques. Aujourd’hui, nous avons déjà deux centrales hybrides solairesthermiques à Djoum (369 kWc) au Sud et Lomié (125 kWc) à l’Est. Dans le Grand Nord, Eneo a signé avec un consortium de développeurs un protocole d’accord pour la construction de deux centrales photovoltaïques au sol, d’une puissance de 25 MWc (10 à Guider et 15 à Maroua). Outre la contribution à la réduction des émissions des Gaz à Effet de Serre (GES), l’objectif d’Eneo est d’offrir un service de meilleure qualité que celui d’un système classique basé sur une source unique, d’amortir l’impact de la hausse des prix des carburants, et de réduire les coûts d’exploitation.

Il y a quelques semaines, à un de nos confrères, vous présentiez les contraintes que la crise à Coronavirus faisait peser sur votre activité. Ces contraintes sont-elles toujours à l’œuvre ?

La crise du la COVID 19 a des répercussions importantes sur l’activité économique nationale et internationale. Les effets s’enchaînent et impactent de façon significative les entreprises et les ménages qui sont des clients d’Eneo et les fournisseurs d’Eneo aussi, notamment à l’étranger. Ce qui a induit des retards énormes sur la chaine d’approvisionnement.

Auriez-vous déjà procédé à une première évaluation financière de l’impact de cette crise pour votre entreprise ?

A date, Eneo, a dépensé environ 1 milliard de FCFA pour la protection de nos clients, la prévention et le traitement du personnel afin de garantir la continuité d’exploitation dans cette période difficile de pandémie.

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