Opinions

Par Xavier Messe
-WhattsApp : quand la rumeur tue

Un jour que je dispensais un cours en licence des sciences de l’information et de la communication, je demandais aux étudiants l’adresse e-mail de chacun afin de leur acheminer par ce canal un enseignement que je n’avais pas eu assez de temps pour le dupliquer sur support papier.

Deux étudiants réagirent : le premier dit qu’il n’a pas une adresse électronique. Le second avait fermé la sienne car dit-il : « il y avait trop de messages sans intérêt et le reste, des fausses nouvelles… » Le reste de la classe avait rit de « ces deux ringards qui ne parviennent pas à s’arrimer à la modernité… », S’esclaffaient certains étudiants.
Aujourd’hui, un débat qui n’est pas prêt de se refermer oppose deux camps : d’un côté, ceux qui affirment que les réseaux sociaux sont un propulseur indéniable de la démocratie. De l’autre côté, ceux qui disent que ces nouveaux moyens d’information et de la communication sont un dangereux ennemi des moyens d’expression.

Nous nous contentions de Facebook qui a abattu encore plus que la Poste et le Téléphone, les frontières quand, du coup, les créateurs de ce nouveau moyen d’échange ont inventé son dérivé : WhatsApp

Revenons à ces deux étudiants réfractaires pour des raisons différentes, d’appartenir au flot grégaire de la nouvelle société de consommation de masse de l’information. Ils sont des marginaux, c’est évident. Ils sont même des obstacles dans la nouvelle chaine des échanges entre individus et entre groupes sociaux. Mais il faut leur reconnaitre une force de caractère sans pareille : pouvoir résister à l’embastillement de toute la planète des consommateurs béats, par une infirme minorité des génies chercheurs, qui ont décidé de modifier nos modes de vie et de pensée, en répandant chaque jour de nouvelles trouvailles du Net pour communiquer.
Nous nous contentions de Facebook qui a abattu encore plus que la Poste et le Téléphone, les frontières quand, du coup, les créateurs de ce nouveau moyen d’échange ont inventé son dérivé : WhatsApp. Ce voyeuriste fait mieux que les Manantis au 17ème siècle. Il partage les messages vrais et faux, beaucoup plus faux que vrais.
Lorsque les agences de presse avaient encore seules la mission de collecter, de vérifier, de recouper et de vendre des informations aux organes de presse, les nouvelles n’étaient pas aussi nombreuses et diligentes, c’est vrai.  Mais elles étaient au moins vraies. Aujourd’hui elles sont abondantes, elles sont gratuites. Il faut le déplorer : certaines sont dégradantes et dangereuses et pour la paix.

Les réseaux sociaux sont devenus la raison de vivre de certaines personnes. Si vous les combattez avec leurs « fake news », vous serez traité d’antidémocrate, opposé au progrès technologique.


Les inventeurs de WhatsApp sont surpris par le volume et la rapidité avec laquelle les nouvelles (fausses) circulent sur leur réseau. Les « fake news » ont provoqué 25 meurtres en 2018 en Inde. Les créateurs de WhatsApp sont inquiets pour la tournure que prennent les choses. Depuis lundi 21 janvier dernier, ils ont mis sur pied une nouvelle version de WhattsApp. Celle-ci ne permettra plus aux usagers de partager à plus de 5 personnes un message émis ou reçu. Pour eux, « c’est pour lutter contre les contenus viraux des messages ». Difficile de croire à cette mesure !
Les réseaux sociaux sont devenus la raison de vivre de certaines personnes. Si vous les combattez avec leurs « fake news », vous serez traité d’antidémocrate, opposé au progrès technologique. Si vous déplorez la mort lente des agences de presse, on vous taxera de ringard nostalgique des bibelots.
Pourtant, les inventeurs de ces joyaux des Tic et du numérique interdisent à leurs enfants d’utiliser leurs créations ! Ils en mesurent les conséquences. Devrions-nous être plus royalistes que les rois ?

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