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Pêche: le Cameroun parmi les pays spoliés par la pêche illicite en Afrique

Avec la vingtaine d’autres pays ayant des côtes sur l’Atlantique et qui subissent des pertes annuelles de 28 000 milliards FCFA par an, le pays vient d’assister à une rencontre pour déterminer les voies et moyens de combattre la pêche illicite, encore appelée pêche INN.

Du 26 au 28 août 2018, Abidjan a abrité la 10e session ordinaire de la Conférence ministérielle sur la coopération halieutique entre les Etats africains riverains de l’Océan atlantique (COMHAFAT). Cette session a eu pour tâche d’évaluer l’état de la coopération halieutique entre ces pays, d’examiner les questions d’actualité relatives à la nouvelle éthique de gouvernance des mers et océans, et d’adopter le plan d’action pour les deux prochaines années de l’organisation.

L’une des principales informations que l’on retient de cette rencontre est que les Etats africains concernés accusent des pertes importantes du fait des pratiques de pêche illicites. « Ces pratiques représentent, selon certaines études, un manque à gagner annuel de près de 50 milliards de dollars (27 986 milliards Fcfa), soit une perte non négligeable d’opportunités de croissance et de solutions à la pauvreté pour nos pays », a indiqué le ministre ivoirien des Ressources animales et halieutiques, Kobenan  Kouassi  Adjoumani. L’on note que dans cette région qui compte « plus de 450 millions d’habitants », le secteur de la pêche va jusqu’à 18% du produit intérieur brut (Pib) national et 25 à 30 % des revenus à l’exportation. Il emploie plus de 7 millions de personnes et constitue une source majeure de sécurité alimentaire.

20 milliards FCFA de pertes annuelles

Au large des côtes camerounaises, pays qui fait partie des membres de cette organisation, la pêche illicite est monnaie courante. Depuis quelques années en effet, de nombreux bateaux sont régulièrement arraisonnés avec des centaines de tonnes de poissons pêchés de manière illicite.  Selon les sources, plus de 35 bateaux ont été arraisonnés au large des côtes camerounaises au cours des trois dernières années. L’activité, selon les données, est dominée notamment par les Chinois, les Indo-pakistanais, les Russes, les Ghanéens et les Nigérians.

Les responsables du ministère de l’Elevage, de la pêche et de l’industrie animale (Minepia), indiquent à cet effet que la pêche illicite fait perdre au Cameroun plus de 20 milliards FCFA chaque année, tandis que la surpêche contribue à une forte dégradation de l’écosystème marin. Ils mentionnent une prolifération constante de nouveaux acteurs qui ne respectent pas toujours la réglementation en vigueur, d’où une crainte que les conséquences de la pêche illicite n’aillent grandissantes.

Pour atténuer le phénomène, différentes mesures sont prises. Il y a par exemple la nécessité d’installer des satellites dans la zone côtière longue d’environ 300 kilomètres, ce d’autant plus que les eaux camerounaises sont réputées très poissonneuses. Le pays vise également à accentuer cette lutte pour empêcher le développement des techniques de pêche inappropriées, parmi lesquelles le « chalut-bœuf » dont le danger vient de ce que tous les poissons, y compris les alevins, tombent dans les filets.

Mais, outre la fraude qui y sévit, le Cameroun doit également faire face à l’inorganisation du secteur de la pêche. En effet, cet autre facteur accentue l’incapacité du pays à satisfaire sa demande intérieure qui, dans le même temps, ne cesse de croitre. D’après les chiffres officiels, la demande de la consommation nationale est d’environ 400 000 tonnes par an. Seulement, les quantités produites localement oscillent entre 180 000 et 200 000 tonnes par an. En 2013, indique l’Institut national de la statistique (INS), la production maritime était d’un peu plus de 54 000 tonnes tandis que la pêche continentale avait produit environ 169 000 tonnes. Le gap, important, est atteint grâce aux importations, ce qui demande des dépenses en devises de plus de 100 milliards FCFA chaque année.

Actions encore insatisfaisantes

La situation de la filière pêche au Cameroun est donc loin d’être satisfaisante, malgré quelques actions entreprises par les dirigeants. Certains projets sont en effet lancés, avec des partenaires comme la Banque mondiale ou la FAO, pour tenter de renverser la tendance. Notamment en ce qui concerne l’aquaculture. Outre la production locale des alevins, le gouvernement a lancé la construction des centres de production intensive qui abritent des étangs modernes pour la production du poisson. Les agropoles, sous la coupole du ministère de l’Economie, sont développés à travers le pays, avec des capacités de production annuelle d’au moins 1 000 tonnes chacun. L’objectif visé, apprend-on du Minepia, étant de porter la production aquacole du pays à 100 000 tonnes de poissons par an, contre un peu plus de 1 000 tonnes actuellement.

Des experts pensent cependant que pour résoudre ce problème de la production, il faut développer le secteur de la pêche maritime en attirant des investissements privés, mais aussi en assurant un meilleur contrôle des côtes. En cela, le Cameroun peut s’appuyer sur la coopération entre les Etats dans le cadre de la COMHAFAT, qui estime que  « La pêche INN reste la plus grave menace pour la durabilité des ressources halieutiques » dans la  zone et constitue un problème pour lequel les pays riverains de l’Océan Atlantique devraient davantage coopérer pour trouver des solutions. Des initiatives ont été prises au niveau des Etats, de la région et du continent, mais « tardent à produire les effets escomptés et restent en deçà des ambitions ». Et ce, en dépit de la convention des pays membres qui inscrit la lutte contre la pêche INN au chapitre des actions.

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