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Produits pétroliers : enquête sur les nouveaux fournisseurs du Cameroun

Les sociétés Mocoh et Trafigura Pte LTD, retenues pour l’opération, devront fournir 465 000 tonnes métriques de produits pétroliers au titre des mois d’octobre, novembre et décembre 2020. Sauf que malgré l’envergure internationale qu’on lui reconnaît, Trafigura Pte LTD présente un passif particulièrement préoccupant en Afrique.

Pour le quatrième trimestre 2020, l’approvisionnement du Cameroun en produits pétroliers sera assuré par deux entreprises suisses spécialisées dans la distribution de combustibles et de logistique à travers le monde. De source sûre, il s’agit de Mocoh et Trafigura Pte. LTD. Les deux sociétés ont été retenues par le comité de Suivi de l’approvisionnement du pays en Produits pétroliers (CSA), suite à l’appel d’offres international lancé le 17 juillet dernier par le ministre de l’Eau et de l’énergie (Minee) Gaston Eloundou Essomba.

Elles devront fournir au pays 465 000 tonnes métrique (TM) de produits pétroliers visant à approvisionner le marché national au cours du quatrième trimestre de l’année en cours. Les produits à importer sont composés de 150 000 TM de Gasoline, 210 000 TM de Gasoil, 60 000 TM de Jet A1, 15 000 TM de Fuel Oil 1500, et 30000 TM de Fuel Oil 3500. Si l’on ignore encore la date de début des livraisons, il n’en demeure pas moins qu’elles se feront exclusivement par voie maritime. « Les produits sont livrés à Douala ou Limbe dans les bacs de la Société camerounaise des dépôts pétroliers ou de la Société nationale de raffinage » avait précisé le ministre Gaston Eloundou Essomba dans l’appel d’offres.

Lire aussi : Le Cameroun veut importer 465 000 tonnes de produits pétroliers au 4e trimestre 2020

Depuis l’incendie à la Sonara, ayant conduit à l’arrêt de ses unités de production, le Cameroun a adopté un nouveau mécanisme d’approvisionnement en produits pétroliers. Il consiste en la sélection de traders pour une période donnée qui ont la charge de rendre disponibles de grandes quantités de produits finis dans les eaux du Cameroun afin de les vendre aux marketers importateurs avec un niveau de prime plus compétitif comme critère de sélection. La mise en œuvre de ce mécanisme a permis au pays de faire des économies budgétaires dans l’année de l’ordre de 150 milliards de FCFA. Cet excédent est en grande partie imputable à la baisse du niveau de prime due aux traders. Celui-ci atteignait jadis les 128 dollars/TM pour le super, 176 dollars/ TM pour le Gasoil, et 108 dollars/TM pour le Jet A1. D’après le Minee, une partie de ces économies permet de financer la remise sur pied de la Sonara. « A travers ces économies, une ligne de soutien de 47,88 F à la Sonara a été introduite dans la nouvelle structure des prix des produits pétroliers. Cette ligne permettra à ladite entreprise d’assainir ses relations avec ses partenaires financiers et ses fournisseurs et d’engager le processus de réhabilitation de la raffinerie » précisait-il. Mocoh et Trafigura Pte. LTD succèdent ainsi au nigérian Sahara Energy retenu comme principal fournisseur entre février et mai 2020.

Basée en Suisse, Mocoh est une société privée de distribution, de logistique et de négoce de pétrole à travers le monde. Créée en 1998, la société jouit d’une expérience avérée sur le continent africain. Elle a déjà opéré au Nigéria, à Madagascar et même en Afrique du Sud.  Entre 2000 et 2019, Mocoh a été actif dans plus de 25 pays dans le monde et coordonné la livraison de plus de 4 millions de tonnes de produits dans le monde en 2019. Le trader a par ailleurs affrété 130 navires l’année dernière, livrant avec succès près de 3 milliards de dollars de brut et de produits. Ses principaux produits sont LPG, Naphtha, Gasoline, Jet fuel, Gasoil, VGO et Fuel Oil.

S’agissant de Trafigura Pte. Ltd, c’est est l’un des plus grands groupes de négoce de matières premières physiques au monde. Elle s’approvisionne, stocke, transporte et livre une gamme de matières premières (y compris du pétrole et des produits raffinés, des métaux et des minéraux) à des clients du monde entier. L’activité commerciale est soutenue par des actifs industriels et financiers, dont 49,3% de la société mondiale de stockage et de distribution de produits pétroliers Puma Energy; opérateur mondial de terminaux, d’entreposage et de logistique Impala Terminals; Le groupe minier de Trafigura; et Galena Asset Management.

Lire aussi : Avis de consultation internationale ouverte pour la fourniture des produits pétroliers au Cameroun au titre des mois d’octobre, novembre et décembre 2020

Trafigura Pte. Ltd : le fournisseur au passif toxique

L’affaire a éclaté en septembre 2016. Après trois années d’enquêtes, une ONG suisse dénommée  Public Eye rendait public un rapport accablant des négociants helvétiques, accusés d’avoir délibérément fourni en Afrique, des carburants hautement toxiques. Quartes sociétés et pas des moindres étaient pointés du doigt à savoir Vitol, Trafigura, Addax & Oryx et Lynx Energy. Ils auraient produit, vendu et livré aux marchés de huit pays africains, des carburants hautement polluants, nocifs et même cancérigènes, dont la teneur en soufre est largement supérieure à la moyenne autorisée en Europe. Les pays en question sont l’Angola, Bénin, le Congo, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Mali, Sénégal et la Zambie.

Ces carburants, ajoute Public Eye, contiennent en outre d’autres substances nocives, telles que le benzène à des « niveaux généralement interdits par les normes européennes ». L’ONG ajoute que les négociants suisses fabriquaient ces carburants en additionnant plusieurs produits pétroliers semi-finis à d’autres substances pétrochimiques pour produire du carburant que le jargon de l’industrie pétrolière appelle la « qualité africaine ». Ce carburant frelaté était ensuite vendu à bas prix, livré et distribué via un réseau de stations-service que les mêmes négociants avaient acquis quelques années plus tôt.

Lire aussi : Hydrocarbures Camrail a transporté 832.000 m3 de produits pétroliers en 2019

En récupérant à la pompe différente carburante vendue dans les huit pays couverts par les traders suisses, et analysés par un laboratoire indépendant, Public Eye a mis en évidence dans les deux tiers des gasoils testés une teneur en sulfure au moins 150 fois plus élevée (1 500 parties par million ppm) que la limite autorisée en Europe (10 ppm). « Les carburants analysés présentent jusqu’à 378 fois plus de soufre que la teneur autorisée en Europe » peut-on lire dans le rapport.Une Concentration très dommageable pour la qualité de l’air et pour la santé des habitants.

Cité dans ce scandale en 2016, le Traders retenu par le Cameroun pour assurer son approvisionnement en produits pétroliers au quatrième trimestre 2020 suscite bien des interrogations au sein de l’opinion. Pour se défendre après ce scandale, Trafigura avait prétendu n’avoir enfreint aucune règle étant donné que la législation des pays en question approuvait l’importation de ces produits. « Les normes de qualité des carburants relèvent de la compétence des gouvernements nationaux, qui réglementer étroitement les prix des carburants ainsi que leur contenu. Trafigura fournit un carburant de qualité nationale dans tous les marchés où elle opère. Pour se défendre, les traders prétendaient n’enfreindre aucune loi, puisque la législation de ces pays permettait d’importer ces produits hautement toxiques. » Avait déclaré l’entreprise en réponse à l’ONG.

Lire aussi : Gestion publique : les dettes de la Sonara pourraient ne plus constituer un problème

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