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Recensement: le gouvernement enquête sur le secteur informel

Le secteur est le premier employeur et occupe avec 90% de la population active du pays. Il représente aussi 60 milliards de FCFA d’impôts par an et un investissement annuel de 120 milliards de FCFA.

Selon une étude menée sur le marché du travail au Cameroun par le bureau local de la Banque Mondiale, « les exploitations familiales et les entreprises du secteur informel non agricole resteront les plus gros pourvoyeurs d’emplois pendant les deux prochaines décennies au moins. » En effet, le secteur structuré occupe moins de 10% de la main d’œuvre depuis les années 90. En raison de cette très faible proportion, « même des taux de croissance rapide ne permettront pas de répondre à la demande des nouveaux entrants sur le marché du travail », poursuit l’étude. Par ailleurs, «si le taux de chômage au Cameroun est relativement bas, le sous-emploi par contre touche plus de 70% de la main d’œuvre. Le sous-emploi est principalement associé à l’informel agricole et non agricole», concluent les analystes de la Banque Mondiale.

D’après la deuxième enquête sur l’emploi et le secteur informel au Cameroun (EESI-2) menée en 2010, 86% des unités de production informelle (UPI) sont unipersonnelles et seulement 3,6% emploient plus de 3 personnes. La taille moyenne des UPI est de 1,3 personne. 70,6% de la main-d’œuvre des UPI est composée des travailleurs pour compte propre et 51,4% des actifs occupés du secteur informel sont des femmes.

Le revenu moyen des actifs occupés du secteur informel est de 48 400 FCFA par mois. Il varie de 58 600 FCFA chez les actifs occupés du milieu urbain à 38 200 FCFA chez ceux du milieu rural. Cette valeur moyenne cache de fortes variabilités. En effet, le revenu médian est de

24 000 FCFA; en d’autres termes, la moitié des actifs occupés gagnent au plus ce montant par mois. Le revenu médian chez les hommes (38 000 FCFA) est plus de deux fois celui des femmes (15 000 FCFA). Une heure travaillée dans ce secteur rapporte en moyenne 297,9 FCFA comme revenu à l’actif occupé. Le revenu mensuel moyen des patrons (105 100 FCFA) est pratiquement le double de celui des salariés (56 000 FCFA).

Au niveau national, l’investissement total est de 120 milliards de FCFA par an. Cet investissement est principalement orienté vers l’achat du matériel roulant/motopompe (65,4%), l’acquisition des terrains et des locaux (16,3%) et l’acquisition de l’outillage et d’autres petits matériels (10,3%). La structure de production montre que le commerce, qui réalise 51,0% du chiffre d’affaires du secteur informel, dégage 33,7% de la production totale. L’industrie quant à elle génère 27,5% du chiffre d’affaires et dégage la production la plus importante (34,1% de la production totale). Enfin, le secteur des services avec 21,4% présente le plus faible niveau de chiffre d’affaires, tout en dégageant 32,3% de la production totale.

L’industrie génère 71,6% de la valeur ajoutée du secteur informel, loin devant les services (17,2%) et le commerce (11,1%). 9,3% de cette valeur est affectée à la rémunération des employés, 2,4% aux impôts, taxes et frais financiers et 88,3% à l’excédent brut d’exploitation (EBE) ou bénéfices. Selon l’INS, l’EBE d’une UPI est en moyenne de 84 500 FCFA par mois. De même, les UPI payent mensuellement un peu plus de 5 milliards d’impôts en moyenne. En outre, le secteur informel alloue plus de 260 milliards de FCFA par mois à la consommation intermédiaire (valeur de l’ensemble des biens et services transformés ou entièrement consommés au cours du processus de production.).

Lire aussi : 500 000 emplois: des chiffres interrogateurs alors que le sous-emploi gagne du terrain

La bête noire de l’Etat et du secteur privé

Du côté du ministère de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire (Minepat), l’on aime rappeler que la nouvelle politique de développement du Cameroun fait du secteur privé le moteur de la croissance, laquelle est projetée à 5,5% sur la période 2010-2019. Ce qui requiert un climat des affaires propice au développement des activités des entreprises. C’est dans ce cadre que le gouvernement, le patronat et les partenaires au développement ont conçu l’enquête sur la Perception des entreprises sur le Climat des Affaires au Cameroun (BCS) [Business Climate Survey, en anglais], pour le suivi-évaluation du climat des affaires et l’identification de nouvelles réformes nécessaires à son amélioration.

Depuis l’année 2000, le BCS a identifié le secteur informel comme une entrave au développement des entreprises formelles. Dans l’ensemble, 72,4% des chefs d’entreprises décrient la concurrence de ce secteur, et comparativement à 2008 où les opinions négatives ne représentaient que 58% des réponses, la situation s’est aggravée. Le secteur informel est perçu comme un terreau fertile de la contrebande, la fraude et la contrefaçon.

Dans l’ensemble, près de 9 unité de production informelle (UPI) sur 10 n’ont pas de numéro de contribuable, ne sont pas inscrits au registre de commerce, ne possèdent pas de carte professionnelle et ne sont pas affiliées à la CNPS. La deuxième enquête sur l’emploi et le secteur informel au Cameroun (EESI-2) menée en 2010 a révélé que « 46,3% des promoteurs d’UPI ne sont ni prêts à payer l’impôt sur l’activité menée ni prêts à enregistrer leurs unités de production auprès de l’administration. »

En juin  2015, Bureau international du Travail (BIT) s’est alarmé de la menace du secteur informel dans le monde, appelant ses Etats membres à des actions vigoureuses pour le circonscrire. De par son ampleur, « l’économie informelle, sous toutes ses formes, constitue une entrave de taille aux droits des travailleurs, y compris les principes et droits fondamentaux au travail, à la protection sociale, à des conditions de travail décentes, au développement inclusif et à la primauté du droit, et qu’elle a un impact négatif sur l’essor des entreprises durables, les recettes publiques, le champ d’action de l’Etat, ainsi que sur la solidité des institutions et la concurrence loyale sur les marchés nationaux et internationaux.»

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