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Réforme: le Crédit foncier du Cameroun dans le viseur de la Banque mondiale

La possibilité de restructurer cette banque en charge de l’habitat a été évoquée par Elisabeth Huybens, directrice des opérations de la Banque mondiale au Cameroun, au cours d’une audience, le 25 janvier, à Yaoundé, avec la ministre de l'Habitat et du Développement urbain, Célestine Ketcha Courtès.

Le Crédit foncier du Cameroun pourrait bientôt connaître une restructuration. C’est l’une des informations majeures de l’audience accordée 25 janvier, à Yaoundé, par la ministre de l’Habitat et du Développement urbain (Minhdu), Célestine Ketcha Courtès, à Elisabeth Huybens, directrice des opérations de la Banque mondiale au Cameroun. Au cours de cette rencontre, Elisabeth Huybens a affirmé que la Banque mondiale a toujours été un partenaire important pour le secteur urbain au Cameroun. Elle a précisé que ce partenariat se situe dans un contexte caractérisé par une urbanisation galopante, source de nombreux défis (dont l’habitat spontané) qui ne sont pas toujours corrélés par les efforts déployés pour le structurer.

Pour remédier aux défis du secteur de l’habitat au Cameroun, Mme Huybens a indiqué l’intérêt de la Banque mondiale concernant le financement de l’accès au logement. Selon elle, la BM pourrait envisager le partenariat public-privé, à la suite du diagnostic qui révèle la nécessité de réformer le Crédit foncier du Cameroun (CFC), la Société immobilière du Cameroun (SIC) et la Mission d’Aménagement et d’Equipement des Terrains Urbains et Ruraux (Maetur).

Selon les experts du Crédit foncier, les fonds disponibles couvrent à peine 10% de la demande qui est sans cesse croissante

Pourquoi le Crédit Foncier du Cameroun? La réponse à cette interrogation trouve très peu de réponses auprès des autorités compétentes. Mais, l’on se souvient qu’au cours d’une session de formation de ses cadres par des experts de la Cobac, le régulateur du secteur bancaire dans la zone Cemac, Jean Paul Missi, le DG de cette institution financière avait déploré le fait que, «Les usagers ne comprennent malheureusement pas l’importance de rembourser les crédits». Cette situation est d’autant plus préjudiciable à la conduite des missions du Crédit foncier du Cameroun que, fait remarquer M. Missi, «si un crédit n’est pas remboursé, il est difficile d’en octroyer à un autre usager et d’appliquer efficacement la politique de l’habitat social». Selon les experts du Crédit foncier, les fonds disponibles couvrent à peine 10% de la demande qui est sans cesse croissante. Ce constat vient d’être fait au sortir d’un colloque de deux jours sur le financement de l’immobilier, au cours duquel, les contraintes environnementales et la compétence des professionnels ont également été cités parmi les freins à la production massive de logements au Cameroun.

Après 38 années d’existence, le Crédit foncier du Cameroun avait octroyé des crédits d’un montant total de 261 milliards de FCFA. Ce qui a permis de construire 69 500 logements et d’aménager plus de 15 700 parcelles constructibles. Le déficit en logements sociaux dans le pays est, quant à lui, officiellement estimé à 1,3 million d’unités. Pour essayer d’être compétitif, le Crédit foncier du Cameroun a confié, en 2015, au groupe Foyo, un cabinet qui offre des services financiers au Canada, le statut de bureau de représentation, afin d’intéresser les membres de la diaspora camerounaise vivant au Canada, aux produits de la banque publique de l’habitat. C’est dans cette optique qu’une délégation du CFC, conduite par son directeur général, Jean Paul Missi, a donné une conférence le 19 mai 2015 à Montréal, afin de rassurer la diaspora camerounaise sur l’existence du partenariat avec le groupe Foyo, de même qu’il a présenté les missions du Crédit foncier, qui se résument à la mise en place de produits devant faciliter aux Camerounais l’accès à un logement décent.

Plaidoyer : en attendant un fonds spécial pour l’habitat

Au terme d’un atelier de renforcement des capacités, organisé par le ministère de l’Habitat et du Développement urbain (Minhdu) à leur intention, il y a quelques jours à Yaoundé, les promoteurs immobiliers privés du Cameroun ont plaidé pour la mise en place d’un fonds spécial dédié au financement de l’habitat social et d’agences d’habitat pour appuyer le montage de projets immobiliers. Ces opérateurs économiques ont aussi plaidé pour la simplification des procédures, non seulement pour l’octroi des crédits par le Crédit foncier du Cameroun, mais aussi pour l’acquisition foncière et l’octroi de facilités aux opérateurs du secteur, à travers l’accélération et la finalisation de la réforme foncière en cours.

Une mission d’enquête « a évalué à 90,4 milliards de FCFA le total du déficit financier », enregistré au Crédit foncier du Cameroun (CFC) sur une période allant de 2002 à 2011, écrit l’organe chargé de lutter contre la corruption.

Dans le même registre, il a été demandé au gouvernement la mise en place d’un mécanisme de bonification des taux d’intérêts, pour une plus grande implication des banques commerciales dans les programmes immobiliers. Si le Minhdu dit avoir enregistré les doléances des opérateurs immobiliers, il relève que sur les 123 promoteurs privés que compte le Cameroun au 1er avril 2016 (répartis dans les régions du Centre, de l’Adamaoua, du Littoral, du Nord-Ouest, du Sud-Ouest, de l’Ouest et du Sud), seuls 40 sont actifs et à l’origine de la construction de 1200 logements et de l’aménagement de 14 500 parcelles. Parmi les raisons de cette faible productivité figure en bonne place la méconnaissance quasi-générale des techniques de recherche de partenaires d’affaires techniques et financiers internationaux.

Le Crédit foncier est un établissement qui a connu de multiples péripéties. La Commission nationale Anticorruption (Conac) camerounaise a épinglé cette banque dans un rapport le 25 novembre 2015. Une mission d’enquête « a évalué à 90,4 milliards de FCFA le total du déficit financier », enregistré au Crédit foncier du Cameroun (CFC) sur une période allant de 2002 à 2011, écrit l’organe chargé de lutter contre la corruption. Selon le rapport, ce déficit financier est constitué de « sommes détournées au sens strict du terme » mais aussi de « dépenses engagées au mépris des textes et des procédures en vigueur ». La Conac dénonce « les détournements et les pratiques de corruption à tous les niveaux », avec une situation financière « minée par le non-respect des procédures d’octroi des prêts, l’octroi d’importants crédits à des personnes ayant des accointances avec la classe dirigeante ».

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