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Règlementation des changes : les compromis entre la Beac et les industries extractives

Réhabilitation des sites pétroliers et miniers, rétrocession des devises, comptes en devises, domiciliation des exportations… EcoMatin fait l’économie des allègements consentis par la banque centrale aux acteurs du secteur extractif pour une application juste et équitable de la règlementation des changes dès janvier 2022.

« Historique ». Le terme n’est pas exagéré pour qualifier la rencontre du 17 septembre 2021 entre la Banque des Etats de l’Afrique centrale(Beac) et les représentants des industries pétrolières et minières opérant dans la zone Cemac. Historique d’abord parce qu’elle est l’aboutissement d’une centaines d‘autres qui l’ont précédé entre 2018 et 2021 et au cours desquelles les industries ont eu l’opportunité de présenter à la Beac les spécificités liées à leurs activités, leurs contraintes ainsi que d’autres facteurs dont la règlementation des changes n’aurait pas tenu compte et qui ont permis de trouver des compromis entre les deux parties au sujet d’une application juste et équitable de ce règlement communautaire. Historique également pour la consolidation de la position extérieure de la Cemac. Au 31 décembre 2018, avant l’entrée en vigueur du nouveau règlement, la Beac évaluait le volume de réserve de change de la sous-région à 3776,6 milliards de FCFA. Ce chiffre est passé à 4 609,88 milliards (+22,06%) au 31 octobre 2021 sans les rétrocessions du secteur extractif qui constitue pourtant un poids important dans les économies sous régionales. S’il se réjoui de l’adhésion de tous les acteurs à cette réforme qu’il a lui-même engagé, Abbas Mahamat Tolli refuse toute estimation que leur participation pourrait apporter sur les réserves de changes de la sous-région. « Je ne vais pas conjecturer sur ce que cela va représenter lorsque tous les acteurs se conformeront à la réglementation des changes… Ce qui est quand même possible de dire avec peu de risque de se tromper c’est que ça va substantiellement augmenter le volume des devises de la banque centrale pour la communauté et consolider notre position extérieure » a-t-il déclaré au sortir de la rencontre.

Lire aussi : Abbas Mahamat Tolli : « Avec la règlementation des changes, la Beac ne veut pas causer des dommages aux entreprises du secteur extractif »

Ainsi, au 1er janvier 2022, la Beac attend des 211 industries pétrolières et minières en activité dans la sous-région, une régularisation de leur situation dans des conditions tout au moins particulières. A la place d’exemptions, l’institut d’émission commune aux pays de la Cemac préfère parler de souplesse et de flexibilités pour rendre opérationnel ce texte. Celles-ci sont regroupées en 6 points.

Comptes en devises 

 Selon l’instruction N°005/GR/2019 relative aux conditions et modalités d’ouverture et de fonctionnement des comptes en devises des résidents et non-résidents, l’ouverture des comptes en devise offshore et onshore (au sein des établissements de crédit de la Cemac) est interdite aux résidents. Toutefois, la banque centrale peut, après sollicitation accorder une autorisation d’ouverture mais seulement pour une durée ne pouvant excéder 2ans. Si les autres acteurs sont à jour de cette disposition, ceux du secteur extractif la trouvaient particulièrement contraignante pour le financement et l’exploitation de leurs activités. Pour eux, la durée de 2ans n’est pas compatible avec la durée des contrats de leur secteur qui s’étalent généralement sur de période de 30 à 50 ans. Des craintes qui ont été prises en comptes par la banque centrale.  A compter du 1er janvier prochain, cette catégorie d’assujetti sera autorisée à détenir des comptes en devises ouverts dans les livres des établissements de crédits de la zone en sus des comptes en devises détenus à l’étranger. La Beac précise néanmoins que tout cela sera régi par des dispositions spécifiques donnant la possibilité à ces industries de continuer leurs activités tout en lui permettant d’effectuer les contrôles requis par la règlementation en vigueur.

Rétrocession des devises

L’un des points d’achoppement entre la Beac et les acteurs du secteur extractif au sujet de la nouvelle règlementation des changes est celui du rapatriement des recettes d’importations des biens et services consacrée par l’article 36 du règlement. Le taux de rétrocession, fixé à 70% est jugé trop énorme par ces acteurs qui estiment que la conservation de ces recettes à l’extérieur leur permet de faciliter l’accès à des financements des banques internationales et minimiser les coûts notamment dans le cadre des pools de disponibilités financières au sein des groupes, de garantir les emprunts et d’assurer le service de leur remboursement et régler les fournisseurs dans les délais requis. A défaut d’obtenir un démantèlement de cette disposition à leurs égards, pétroliers et miniers ont consentis à rapatrier au moins 35% des devises générés par leurs activités dans les comptes onshore. Mais à la banque centrale on parle d’un assouplissement temporel ; l’idée étant de parvenir à un rapatriement total sinon plus conséquent des recettes en devises issues de l’exportation de ces produits.

Domiciliation des importations et exportations de biens et services

La domiciliation des importations et exportations de biens et services lorsque le montant de la transaction est supérieur à 5 millions de FCFA est considéré comme une lourdeur administrative par les acteurs du secteur extractif. Ils estiment à environ 6200 factures par mois que cette disposition les obligerait à déclarer auprès de la banque centrale. La crainte est que la mise en œuvre de ce dispositif ne permette pas un règlement à temps des fournisseurs, ce qui occasionnerait des défauts de paiement, compromettant ainsi le bon fonctionnement des activités. Face à cela, la Beac leur concède un dispositif allégé caractérisé par des déclarations à postériori périodiques. L’institut d’émission annonce d’ailleurs avoir pris des dispositions en interne pour faciliter sa mise en œuvre dans un délai raisonable. « Tout cela se fait aujourd’hui 24 et 48h. pour rendre cela possible, nous avons dû renforcer nos équipes, recruter beaucoup de personnel et mettre en place des outils pour permettre que ce travail se fasse avec sérénité » a déclaré Abbas Mahamat Tolli.

Remise en état des sites extractifs

Pour les entreprises extractives, la réhabilitation des sites qu’ils exploitent n’a jamais été l’objet d’une contestation. Leur revendication est de continuer à loger ces fonds à l’étranger pour des raisons de « sécurité » plutôt que dans la Cemac comme le prévoit le nouveau règlement. « Les préoccupations étaient essentiellement liées à la sécurité de leur domiciliation dans les banques de la Cemac notamment en termes de risques de saisie ainsi qu’à la monnaie des comptes et l’accessibilité à ces fonds à l’échéance » commente un opérateur. Après des garanties de la Beac, ces derniers devront à partir de janvier 2021, l’obligation de rapatrier sous trois ans les fonds de remise en état de ces sites. En lieu et place des banques commerciales, ces fonds seront logés dans des comptes séquestres à la banque centrale.

Règlement entre entreprises résidentes

Jusqu’ici interdite, les paiements en devise aux fournisseurs locaux est désormais autorisée par la banque centrale aux acteurs du secteur extractif dans les comptes en devises ouverts dans la Cemac. Elles estimaient qu’elles faisaient usage de ces paiements en devises aux fournisseurs locaux en raison de leur dépendance à la technologie et l’expertise non disponible dans la Cemac offerte par ceux-ci.

Salaire des travailleurs étrangers

La règlementation des changes inscrit en effet des contraintes liées au règlement et au transfert des revenus salariaux des travailleurs étrangers. Boudé par les opérateurs, la Beac a consenti au transfèrement de ces montants à partir de leurs comptes onshore en devises.

Lire aussi : Règlementation des changes : un cadre opérationnel pour les industries extractives en gestation

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