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Répression : Comment l’Etat veut réduire 500 milliards de créances douteuses

Le gouvernement prépare un avant-projet de loi portant répression du non-remboursement du crédit bancaire et de la microfinance.

Le Cameroun bat des records en termes de créances douteuses : 500 milliards FCFA en 2017. Dans l’avant-projet de loi actuellement en préparation par le gouvernement, ce qui frappe c’est le durcissement des peines prévues à l’encontre les mauvais emprunteurs. L’article 28 (1) dispose par exemple que : « Est punie d’un emprisonnement de six mois à cinq ans et d’une amende de cent mille à dix millions de francs CFA ou de l’une de ces deux peines seulement, toute personne qui, de mauvaise foi, n’a pas remboursé le crédit qui lui a été accordé par un établissement assujetti ».

Au sens de l’article 29 (1) du texte, la mauvaise foi s’entend notamment comme le but de tromper l’établissement assujetti, dont on est débiteur, sur sa situation financière. Ou encore, « donner, livrer, transférer, grever, soustraire ou dissimuler tout ou partie de ses biens pour ne pas s’acquitter de la dette contractée à l’égard d’un établissement assujetti ».

L’article 30 propose un emprisonnement de six mois à trois ans et une amende de cent mille à cinq millions de francs CFA, ou de l’une de ces deux peines seulement, à l’encontre de toute personne qui, avec l’intention de porter atteinte aux droits, fait usage ou tente de faire usage de faux documents, en vue de la conclusion d’une opération de crédit. Même sanction pour celui qui conclut une opération de crédit au mépris d’une interdiction de crédit qui lui a été dûment notifiée.

L’article 31 prévoit un emprisonnement de six mois à trois ans et une amende de cent mille à cinq millions de francs CFA ou de l’une de ces deux peines seulement, contre toute personne dont l’accès ou le maintien frauduleux entraîne la suppression ou la modification des données contenues dans le système de traitement automatisé de données relatives au crédit ou encore une altération du fonctionnement du système.

Du côté du prêteur, le texte dispose en son article 36 que : « Est passible d’une amende d’un million à quatre millions de francs CFA, l’établissement assujetti qui conclut une opération de crédit avec une personne frappée d’interdiction de crédit ». L’article suivant précise que : « Est passible d’une amende de cinq cent mille à quatre millions de francs CFA, l’établissement assujetti qui, en connaissance de cause, encourage de manière directe ou indirecte une personne en situation de surendettement à se livrer à un système de cavalerie en lui accordant de nouveaux prêts dont la finalité est de rembourser les anciens ».

Règlementation en vigueur

Sans préjudice de l’application des astreintes prévues par la règlementation en vigueur, l’article 38 prévoit une amende de cent mille à un million de francs CFA, à l’encontre de l’établissement assujetti qui n’a pas déclaré le non-remboursement de crédit dans les conditions fixées par le présent avant-projet de loi.

Une conséquence de la situation actuelle sur le marché du crédit, c’est que les banques commerciales répercutent cette hausse du coût du risque sur les clients individuels et entreprises. Malgré un taux d’inflation est assez bas et anticipé à 0,7% pour 2017, et des taux d’intérêt créditeurs de comptes bancaires autour d’une moyenne de 3%, ces sociétés financières, continuent de prêter aux individus à des taux de plus de 10% en moyenne, et en contrepartie de solides garanties.

Des experts estiment que davantage de régulations contraignantes en matière de crédit ne résoudront pas vraiment le problème des créances en souffrance. Exiger plus de garanties pour l’obtention de prêts pourrait selon eux, négativement impacter l’inclusion financière et alourdir les charges financières des entreprises individuelles, grosses clientes des banques camerounaises.

Un fichier national des mauvais payeurs à l’ordre du jour

En dehors des cas de restructuration et/ou de rééchelonnement, le non-remboursement de crédit donne lieu, à l’expiration de la mise en demeure prévue à l’article 16 alinéa de l’avant-projet de loi et non suivie d’effet, à une interdiction de crédit prononcée par un établissement prêteur, sous réserve de sa régularisation dans les conditions prévues dans la présente loi. L’interdiction de crédit emporte interdiction de conclure une opération de crédit auprès d’un établissement assujetti.

L’interdiction de crédit se matérialise par une lettre notifiée à l’emprunteur par tout moyen laissant trace écrite, indiquant les mesures prises, les motifs qui ont conduit à la prise de telles mesures. Cette lettre doit également indiquer à l’emprunteur qu’il recouvrera la faculté de conclure une opération de crédit auprès d’un établissement assujetti, s’il justifie avoir régularisé la situation en remboursant en principal et intérêts, la créance objet de l’incident de crédit. L’établissement assujetti est tenu de notifier à l’emprunteur par une lettre, dans un délai de 72 heures dès la commission de l’interdiction de crédit. Lorsque le non-remboursement de crédit est le fait d’un quelconque des obligés pour la même opération de crédit, l’interdiction de crédit s’applique à chacun d’eux.

En cas d’interdiction de crédit, l’établissement assujetti prêteur est tenu, dans un délai de quarante-huit (48) heures, d’informer le Secrétaire Général du Conseil National du Crédit pour  l’enregistrement de cette information dans le Fichier National de Non-remboursement de crédit (FNNC).

En cas de régularisation de l’interdiction de conclure une opération de crédit, l’établissement assujetti délivre, sur demande de l’interdit, une attestation de régularisation dans les quarante-huit (48) heures suivant la réception de la preuve de la régularisation, et en informe le Secrétaire Général du Conseil National du Crédit.

Les contestations relatives à l’interdiction de conclure une opération de crédit, sont préalablement soumises à l’établissement assujetti concerné qui dispose d’un délai de quinze (15) jours, dès réception de ladite contestation, pour statuer et notifier sa décision au requérant.

Au cas où le requérant n’est pas satisfait de la décision de l’établissement assujetti, il peut référer celle-ci au Secrétaire Général du Conseil National du Crédit, qui dispose d’un délai de quarante-cinq (45) jours pour notifier sa décision au requérant. Si l’emprunteur estime que l’interdiction de crédit prononcée à son encontre par un établissement assujetti et confirmée par le Secrétaire Général du Conseil National du crédit est abusive, il a la possibilité de saisir la juridiction compétente pour en demander la mainlevée. L’interdiction de crédit peut également être prononcée à titre accessoire par une juridiction saisie d’une infraction de crédit prévue par la présente loi.

Les tribunaux sont tenus de communiquer au Secrétaire Général du Conseil National du Crédit :

  • Les jugements d’interdictions de conclure des opérations de crédit ;
  • Les jugements de mainlevées d’interdiction de conclure des opérations de crédit ;
  • Les jugements de levées ou de suspensions d’interdiction de conclusion des opérations de crédit.

Le parquet est informé d’office par le Secrétaire Général du Conseil National du Crédit et les établissements de crédit de toutes les violations d’interdiction de conclure une opération de crédit qui sont portées à sa connaissance par les établissements de crédit, ou constatées par ses soins lors du rapprochement d’informations centralisées dans le Fichier National de Non-remboursement de crédit.

Franck Ebassa

Franck Ebassa

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