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Revalorisation des salaires : le gouvernement face au défi de soutenabilité de la masse salariale

La revalorisation des salaires va certes permettre aux travailleurs d’atténuer l’inflation à la suite de l’augmentation des prix des carburants mais aura tout de même une incidence sur le seuil de soutenabilité de la masse salariale admis à 35% en zone Cemac.

Le 21 février dernier, le chef de l’Etat camerounais Paul Biya a entériné la hausse de 5%, des salaires de base des fonctionnaires. De même, les allocations familiales sont passées de 2 800 Fcfa à 4 500 Fcfa par enfant et par mois 1 700 Fcfa (+60,7%) au profit du personnel relevant du Code du travail, des fonctionnaires de la police et l’Armée ainsi que l’administration pénitentiaire. Ces revalorisations interviennent en guise de mesures d’accompagnement à la suite de la hausse des prix du super et du gasoil le 3 février 2024. Elles vont certes permettre aux fonctionnaires d’atténuer les effets de l’inflation mais elles contraignent, en même temps, le gouvernement à surpasser ses objectifs de collecte de recettes fiscalo-douanières pour pouvoir respecter le seuil de soutenabilité de la masse salariale qui va inéluctablement gonfler.

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Norme Cemac

En effet, la Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Tchad, RCA, Guinée équatoriale) admet un seuil maximum de 35% du ratio de soutenabilité de la masse salariale. Ce seuil s’obtient en établissant un rapport entre les charges du personnel et les recettes fiscales et douanières mobilisées. Dans le cas d’espèce, le Cameroun, avant la revalorisation des salaires, table (dans la loi de finances) sur une masse salariale de 1 428,3 milliards de Fcfa 2024 avec des prévisions de 2 888, 4 milliards pour les recettes fiscales et 1 079,9 milliards de Fcfa de recettes douanières soit un total de 3 968,3 milliards de Fcfa. Calculette en main, le seuil de soutenabilité de la masse salariale se situerait à 36%, en dépassement de la norme communautaire. 

Avec les nouvelles charges, le pays de Paul Biya pourrait davantage s’éloigner de 35% puisque les salaires devraient franchir voire dépasser les  1 450 milliards de Fcfa. Or, le souci du Cameroun c’est de se rapprocher de cette norme de la Cemac dont il s’est éloigné depuis au moins une décennie avant de stabiliser ces dernières années. Par exemple, le Rapport d’exécution du budget  2022 produit par la Direction générale du Budget (DGB) renseigne que le pays a respecté « pour la première fois » ce critère de surveillance en enregistrant un ratio de 34,7% pour avoir mobilisé 3 187 milliards de Fcfa de recettes et dépensé 1 106,7 milliards de Fcfa sur les salaires.

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S’il faut suivre cette dynamique, la première économie de la Cemac n’aura certainement  autre choix que d’aller au-delà des objectifs fixés dans la loi de finances. Cela semble d’autant plus impératif que les effectifs de la Fonction publique camerounaise projetés à 411 749 personnels actifs (+8, 6%) en 2024, pourraient eux-aussi, croître avec évidemment, des répercussions sur la masse salariale. De ce point de vue, si le gouvernement a pu revoir à la baisse des prévisions de recettes douanières en 2023 passant de 1 004, 4 milliards de Fcfa à la loi de finance initiale à 973 milliards dans la loi de finances rectificative (pour finalement enregistrer plus de 1 000 milliards de Fcfa en fin d’année), il n’est pas exclu qu’il revoit aussi à la hausse, les prévisions des recettes fiscalo-douanières au courant de l’année.

Pour l’heure, on n’a pas de données exactes sur l’incidence budgétaire après la revalorisation de salaires la semaine dernière. Toutefois, l’on se souvient que la hausse des salaires de 5,2% intervenue le 1er février 2023 a induit une hausse de 37,5 milliards de Fcfa sur les salaires selon le Document de programmation économique et budgétaire à moyen terme 2024-2026.  « En ce qui concerne le ministre des Finances, je peux vous dire que nous est prêts. Nous avons fait des calculs et on est prêts (sauf si on a d’autres instructions) pour cette revalorisation court à compter de ce mois de février. Tous les calculs ont été faits et nous en connaissons l’incidence », fait savoir le ministre des Finances Louis Paul Motaze.

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