A la UneBusiness et Entreprises

Rutile d’Akonolinga : le groupe français Eramet abandonne le projet faute de rentabilité

Selon les informations d’EcoMatin, le Comité exécutif du groupe n’a pas approuvé l'investissement de 180 millions d'euros, soit environ 118 milliards de francs CFA, pour continuer la phase suivante du projet en vue d’un passage en exploitation.

Le gisement de rutile identifié dans la localité d’Akonolinga, dans la région du Centre du Cameroun, vient d’être abandonné par le groupe français Eramet au même où le gouvernement camerounais menaçait de l’évincer, selon un communiqué publié ce 26 octobre. Avant, dans une correspondance adressée le 16 octobre 2023 à Fru Gentry, le ministre par intérim des Mines, de l’Industrie et du développement technologique (Minmidt), Loïse Tamalgo, administrateur général Eramet Cameroun informe de la « décision de non-investissement du groupe Eramet ».

Lire aussi : Le gouvernement ressuscite le projet rutilifère d’Akonolinga

M. Tomalgo écrit : « Il est bon de rappeler que pendant les 4 ans de présence du groupe Eramet au Cameroun, nous avons investi 13,6 millions d’euros, soit environ 9 milliards de francs CFA dans le projet en ressources humaines et techniques, et en contribution sociale, réaliser plus de 2000 sondages sur les 4 permis de rutile d’Akonolinga, mis à jour 89 millions de tonnes de ressources étendues sur 3400 hectares avec une épaisseur, relativement faible, d’en moyenne 1,7 mètre et une teneur moyenne de 0.96%. Cela est un gage de notre engagement à faire réussir le projet. Toutefois, comme tout projet minier, c’est le gisement et les résultats techniques qui dictent la marche à suivre à la fin. Les résultats économiques des études défient toute viabilité d’un projet industriel rentable : un quart seulement des ressources, soit 203 000 tonnes ont une teneur qui dépassent la teneur de coupure économique. La gestion des eaux et des particules ultrafines pouvant impacter l’environnement et la biodiversité, viennent drastiquement renforcer les coûts opératoires et les coûts d’investissements pour un projet d’exploitation ».

Lire aussi : Secteur minier : l’exploitation du gisement de rutile d’Akonolinga annoncée pour 2025

Toujours selon ce responsable, « il ressort des résultats de l’étude complémentaire de la dernière année que le projet dans les conditions actuelles de marché et de niveau de connaissance des procédés n’est pas économiquement viable ». A en croire M. Tomalgo, les études du gisement ont montré qu’il y a une présence très importante de particules ultrafines dont 75% ne décantent pas dans le gisement de rutile d’Akonolinga. Ce qui entraîne un risque environnemental qui ne peut être mitigé que par des investissements très importants qui rendent le projet non rentable. De plus, le traitement des particules ultrafines pourrait générer une modification de la qualité de l’eau et avoir un impact sur la biodiversité. Pour décanter ces fines, il est nécessaire de procéder à des ajouts massifs de produits chimiques, notamment des floculants et sels, sans que cela nous donne la certitude de pouvoir rejeter une eau propre et de qualité comparable à celle du milieu naturel initial. « Pour nous, cela constitue un obstacle majeur non résolu et, en tout état de cause, très couteux », martèle le responsable.

A cause de toutes ces contraintes environnementales, indique M. Tamalgo, « le Comité exécutif du groupe Eramet n’a pas approuvé l’investissement de 180 millions d’euros, soit environ 118 milliards de francs CFA, pour continuer la phase suivante du projet en vue d’un passage en exploitation ».

Lire aussi : Secteur extractif : focus sur les réels détenteurs des compagnies pétrolières et minières au Cameroun

Démobilisation et abandon du projet

Jugé onéreux et économiquement non-rentable, Eramet a décidé d’abandonner le projet d’Akonolinga. M. Tomalgo écrit à cet effet que, « le groupe va débuter une démobilisation responsable et respectueuse des lois locales par une réhabilitation du site au normes internationales, une restitution des permis de sables minéralisés et une transmission des études réalisées sur le rutile d’Akonolinga à l’Etat du Cameroun ». Eramet propose également à l’Etat de lui transférer par le biais d’une convention à 1 euro symbolique, la mini-usine pilote d’essai dénommé « Mbape » conçu pour le traitement du rutile d’Akonolinga. Quant aux autres permis, ils feront l’objet de finalisation de l’exploration engagée pour conclure sur l’intérêt relatif de chaque permis. Il précise qu’Eramet va réaliser une démobilisation progressive des personnels du projet au 31 décembre 2023, dont une partie sera retenue au-delà de cette date pour finaliser le programme de réhabilitation environnementale. L’ensemble des primes prévues par la loi camerounaise et la convention collective nationale des hydrocarbures sera versé au personnel démobilisé. Le plan de démobilisation prévoit de s’achever en fin mars 2024.

Espoirs perdus ?

Le projet de rutile d’Akoloninga était pourtant prometteur. Mais des doutes ont commencé à naître quand, au début du mois d’octobre courant, le ministre des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique (Minmidt) par intérim, Fuh Calistus Gentry, a menacé, au cours d’une réunion par visioconférence, de rompre toute relation avec Eramet Cameroun S.A et de l’évincer du projet d’exploitation du rutile d’Akonolinga, pour lequel la filiale de l’opérateur minier français Eramet a obtenu 5 permis de recherches par appel d’offres en novembre 2019, pour une durée de 3 ans renouvelable. Il a même donné jusqu’à la fin du mois d’octobre en cours à cette entreprise pour lui produire un chronogramme clair pour ce qui est du démarrage effectif de l’exploitation. Faute de quoi, il se verrait dans l’obligation de demander à la Primature l’autorisation de conclure un accord avec d’autres partenaires capables de démarrer le plus rapidement possible ce projet.

C’est en décembre 2019 que le feu ministre des Mines, Gabriel Dodo Ndoke, a signé pour le compte du gouvernement, le cahier de charges relatif aux travaux de recherches de la société Eramet Cameroun sur le bloc rutilifère d’Akonolinga (près de 500 000 tonnes). D’une durée de trois ans, les travaux devaoent permettre aux équipes du groupe minier de réaliser les travaux de terrain et les études de faisabilité nécessaires à l’obtention d’une convention minière d’exploitation. Car, indiquit le ministère des Mines, les permis situés dans la région Centre du Cameroun ont fait l’objet par le passé de campagnes préliminaires d’exploration minière qui ont identifié un fort potentiel en rutile. C’est un minéral titanifère de sables minéralisés utilisé essentiellement dans la production de pigments.

Lire aussi : Exploitation des mines : ces juniors minières qui vendent du bluff au Cameroun

Le groupe Eramet, un des leaders mondiaux des métaux d’alliages (notamment le manganèse et le nickel) et de la métallurgie, avait obtenu des permis de recherches sur le bloc rutilifère d’Akonolinga à l’issue d’une procédure d’appel d’offres lancée en septembre 2018. Il a ainsi décroché ce contrat devant BWA Group, dont le siège se trouve à Lisbonne au Portugal.

Le rutile est connu au Cameroun depuis le début du siècle. Mais il n’a été exploité qu’entre 1935 et 1955. Selon le ministère camerounais des Mines, la production totale de rutile recensée depuis le temps est de près de 15 000 tonnes avec une exploitation essentiellement artisanale. Pourtant, le Cameroun estime son potentiel rutilifère à 2 849 000 tonnes. Ce qui fait du pays, la deuxième réserve mondiale en rutile, juste derrière la Sierra Leone.

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page