Politiques Publiques

Sanctions contre les opérateurs de téléphonie: la présidence de la République entre en scène

Les deux leaders du marché du mobile contestent énergiquement les récentes sanctions prises à leur encontre par l’Agence de régulation des télécommunications (ART), et sont prêts à l’attaquer en justice. Saisie par les plaignants, la présidence de la République tente de rétablir le réseau entre les parties.

Visés par les sanctions de l’Agence de régulation des télécommunications (ART) du 25 mai 2023, lesquelles sont assorties de pénalités cumulées de 6 milliards de FCFA, les quatre opérateurs de téléphonie mobile en activité au Cameroun ont été conviés, le lundi 29 mai dernier, à une réunion de crise à la présidence de la République. En effet, les leaders du marché, MTN Cameroon et Orange Cameroun, en l’occurrence, contestent ces sanctions et ne sont pas disposés à payer les pénalités à eux infligées (1,4 milliard et 2,2 milliards FCFA, respectivement) dans des conditions qu’ils jugent cavalières.

De sources dignes de foi, les deux principaux opérateurs du mobile au Cameroun seraient même prêts à attaquer les dernières décisions de l’ART en justice, au motif que le processus ayant abouti à ces mesures a été biaisé. Outre le fait qu’ils n’ont pas été directement notifiés des sanctions – ils ont reçu l’information par voie de presse – les opérateurs reprochent aussi à l’ART d’être passée entretemps aux sanctions, en violation du principe du contradictoire, et sans effectuer de nouvelles descentes sur le terrain pour évaluer le niveau d’implémentation des recommandations qui leur avaient été faites. Ce régime de sanctions prévu par la réglementation en vigueur prévoit le retrait du titre ou agrément, la réduction de la durée du titre ou des sanctions pécuniaires. Une source à MTN contactée par EcoMatin va même plus loin, en accusant le régulateur de ne pas disposer de moyens technologiques à jour pour mener des contrôles sur leurs installations, les outils de contrôle de l’ART étant obsolètes par apport aux avancées technologiques.

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La pilule est d’autant plus amère pour les sociétés sanctionnées que, pour elles, l’ART semble avoir fait fi du désordre orchestré dans l’installation des antennes des autres services de télécommunications, notamment les installations radioélectriques au niveau de la station radiophonique du Mont Mbankolo à Yaoundé, avec tout ce que cela entraîne en termes de brouillage des ondes. « Dans la seule ville de Yaoundé, 60% du réseau est perturbé par les interférences. Et le régulateur est dans l’incapacité de changer cette situation », nous laisse entendre une source à Orange Cameroun qui fait aussi remarquer que dans son rapport de contrôle, l’ART reconnaît que les causes externes de perturbation du réseau téléphonique, à savoir l’instabilité de la fibre optique et le déficit énergétique, ou encore les interférences avec les antennes autres que ceux des opérateurs téléphoniquesimpactent beaucoup plus le réseau que les causes mises à l’actif des opérateurs téléphonique, mais sanctionne tout de même lourdement ces opérateurs.  

Opération « mode Avion »

A l’ART, l’on reconnaît des dysfonctionnements internes dans la procédure de notification des sanctions, mais on reste rassurant : « Ils ont été notifiés ce lundi 29 mai dans l’après-midi, avec un retard certes mais ils ont été notifiés », laisse entendre une source à la Direction générale. « Vous ne pouvez pas taper votre enfant et l’empêcher de pleurer. La sanction actuelle fait suite à une 4ème descente de contrôle. Nous pensons avoir péché, il faut le reconnaître par une certaine tolérance. Ces sanctions ne sont d’ailleurs pas assez lourdes, parce que 2 milliards pour Orange, c’est rien par rapport aux bénéfices qu’ils engrangent. Nous espérons juste que les choses vont s’améliorer rapidement », poursuit notre source. « Ces opérateurs ne seront pas crédibles s’il essayent de défendre en l’état la qualité de leurs réseaux. Tout ce qu’on souhaite c’est qu’ils s’améliorent ». 

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En effet, l’on se rappelle que face à la flambée des plaintes des consommateurs relativement à la qualité de plus en plus décadente des services des télécommunications – paradoxalement à leurs coûts jugés trop élevés -, au quatrième trimestre 2022, les équipes de la brigade des contrôles de l’ART s’étaient saisies de l’affaire et avaient effectué sur l’ensemble du territoire national, des contrôles sur les équipements des sociétés de téléphonie mobile, notamment MTN Cameroon, Orange Cameroun, Nexttel et même l’opérateur public Cameroon Telecommunications (Camtel). Le rapport à l’issue de ces descentes a révélé d’importants manquements imputables à tous les opérateurs de téléphonie mobile. Dans un communiqué daté du 1er novembre dernier, le Directeur général de l’ART, Philémon Zo’o Zame, notait que ces manquements concernaient, outre la qualité de service, la couverture et la performance des réseaux d’accès, les offres tarifaires et l’utilisation des fréquences radioélectriques. Le régulateur avait alors mis individuellement en demeure ces sociétés de remédier dans les meilleurs délais à cette situation préjudiciable aux consommateurs des produits et services de communications électroniques. Faute de quoi, elles s’exposaient aux sanctions prévues par la réglementation en vigueur.

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Qui plus est, au terme des concertations tenues sous la houlette du Minpostel dans la foulée de l’opération « mode avion » lancée par les consommateurs pour protester contre la cherté des data, des appels téléphoniques et la mauvaise qualité du service, MTN et Orange, pour ne prendre que ces deux opérateurs qui semblent sur le pied de guerre avec le régulateur, avaient annoncé la mise en œuvre d’un train de mesures devant concourir à l’amélioration du service. Ceci traduit au moins un manque de coordination entre l’ART et sa tutelle, qui a à maintes reprises dénoncé son inertie dans le suivi de l’application de la loi.

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