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Secteur automobile : leurres et lueurs d’une filière embryonnaire

Les inventeurs rivalisent de créativité sous le ciel camerounais, mais sont très souvent confrontés aux difficultés d’ordre financier pour développer leurs projets. Retour sur les expériences les plus prometteuses.

Il y a un peu plus de deux ans, le Cameroun est tombé sous le charme d’une invention camerounaise : un véhicule à quatre roues, présenté comme le tout premier de fabrication locale. Elle était l’œuvre du jeune Cédric Simen, 27 ans à l’époque. Il l’avait baptisé SM 237 (un nom tiré de son patronyme, Simen, et de l’indicatif téléphonique du Cameroun). La toile, énamourée par ce chef d’œuvre, n’avait de mots que pour le mécanicien de génie, dont le fruit du travail était devenu un objet de curiosité dans la ville de Bafoussam. Les populations se massaient aux abords des rues pour l’admirer dans sa bécane, les mototaxis l’escortaient à souhait et à coups de klaxons dans tous ses mouvements dans la capitale régionale de l’Ouest.

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Cédric Simen a disparu depuis lors de la circulation. Son véhicule, on n’en entend plus trop parler. C’est qu’en effet, « ça fait le buzz comme ça pouvait dès que j’ai présenté ça au public », déchante-t-il, joint au téléphone par EcoMatin. Il aurait bien souhaité développé son projet et faire grandir son parc automobile, mais le jeune inventeur camerounais a été très vite rattrapé par l’implacable problème de financements des projets. Le SM 237 lui a coûté 2,5 millions de FCFA pour la conception et la réalisation, des fonds propres générés par son activité de prédilection, la mécanique automobile. « Après la première pièce, j’ai lancé une deuxième, mais faute de moyens, je n’ai pas encore terminé », révèle-t-il.

Il a entrepris depuis quelques mois de mettre sur pied un autre engin, cette fois-là, un tricycle à trois roues, qu’il n’a pas encore peaufiné. Celui-ci sera également construit à base de matériaux issus d’autres engins similaires et assemblés par ses soins. Le jeune inventeur a cru bon de quitter Bafoussam pour s’installer à Douala, le principal hub économique du pays, cité des affaires. Là-bas, il espère trouver des partenaires, et ne baisse pas les bras en dépit des difficultés à mobiliser les ressources pour la viabilisation de son projet, évalué à 50 millions de FCFA.

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Pour des raisons presque similaires, la toute première usine d’assemblage des voitures « made in Cameroon », qui devait être installée à Limbé en 2017 n’a plus vu le jour. Le gouvernement camerounais avait pourtant déjà signé une convention avec un constructeur chinois, pour assembler surplace ces véhicules dénommés « Cameroon Auto ». Mais le projet est mort-né, en raison de plusieurs goulots d’étranglement d’ordre foncier pour l’implantation de l’usine et la complexité des procédures douanières pour les composantes de ces engins à l’importation, entre autres.

Sotrabus donne le la

En dépit de ces difficultés inhérentes du reste à presque tous les secteurs de l’économie camerounaise, la filière automobile, quoiqu’embryonnaire peut esquisser un sourire et se vanter d’être représentée par la société Sotrabus (Société de transformation de bus), pionnière dans l’assemblage des véhicules de marque camerounaise, lancée en 2015 par l’ingénieur polytechnicien Albert Mbafe Konkou. Elle s’est spécialisée dans la construction des bus de 34, 45, 50 et 70 qui font la fierté des compagnies de transport interurbain. Sotrabus fait son petit bonhomme de chemin et a passé le cap de 2 véhicules par mois. Elle ambitionne désormais d’en produire 15 par mois.

A côté du pionnier Sotrabus dans ce secteur, la société « Jengu Sarl » s’est également mise dans le montage des tricycles et véhicules de marque locale, avec l’appui technique d’un partenaire chinois, la société S-King, qui doit sa renommée à la production de l’énergie solaire et à la fabrication des véhicules électriques. La société lancée par Gaspard Mpondo, un ancien professeur de mathématiques, a monté une usine de production à Douala, où elle développe des véhicules écologiques alimentés à l’énergie solaire. Avec Sotrabus, Jengu Sarl tient la dragée haute, en espérant de meilleurs lendemains pour une filière automobile encore en manque de reconnaissance.

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Et pourtant, « le Cameroun dépense chaque année plus de 4 milliards de Fcfa dans l’acquisition de véhicules. Le marché intéresse fortement les concessionnaires automobiles, qui mettent de gros moyens pour gagner ces marchés. En réservant seulement 1 milliard pour encourager les entrepreneurs locaux, le Cameroun ferait un grand pas dans la construction d’une offre locale », analyse Frégist Bertrand Tchouta, directeur de publication de «Bougna», un magazine spécialisé dans le transport.

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