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Secteur de l’électricité : Statu quo dans l’assainissement des créances et dettes d’Eneo

L’entreprise chargée de la distribution de l’électricité au Cameroun ploie sous le poids des dettes colossales vis-à-vis de ses fournisseurs, évaluées à 171,3 milliards de F en 2018. Et pourtant, elle continue de faire face à l’insolvabilité de ses clients en l’occurrence l’Etat et ses démembrements. Une situation qui impacte fortement sur les activités de l’entreprise, laquelle prévoit des investissements de 521 milliards de F entre 2020 et 2031, d’ici à la fin du contrat de concession renouvelé avec l’Etat du Cameroun et qui prend effet à compter de juillet prochain.

L’entreprise Energy of Cameroon (Eneo) fait un peu contre mauvaise fortune bon cœur, lorsqu’un de ses cadres contacté par EcoMatin confie que « les rapports avec les clients sont bons mais on est encore au statu quo », alors que le processus d’apurement des dettes de l’entreprise n’a pas véritablement évolué, encore moins le paiement des créances de l’Etat, plus gros client de l’entreprise. On en est toujours au tableau décrit le mois dernier par le directeur général Eric Mansuy. Celui-ci indiquait, dans une interview à nos confrères de Investir au Cameroun que « l’Etat reste à devoir directement à Eneo environ 40 milliards, ce qui handicape très sérieusement ses opérations et ses capacités de développement ». L’Etat a en effet versé 45 milliards de F à Eneo en milieu d’année 2020, et devait lui verser en outre 32 milliards de F en guise de règlement partiel de sa dette. Mais jusqu’en avril, cette promesse semble n’avoir pas été tenue. « Les discussions sont en cours et devraient aboutir prochainement, dans le cadre de la volonté ferme du Gouvernement de normaliser le secteur », renchérissait Eric Mansy.

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A côté de la dette due à l’Etat et ses démembrements, celle de la Compagnie camerounaise de l’aluminium (Alucam), tout aussi colossale plombe sérieusement les activités d’Eneo. Le 16 avril dernier, l’Etat a repris une partie de la dette d’Alucam soit 34 milliards de F, sur une ardoise de 50 milliards de F. En effet, Alucam et la Société camerounaise de transformation d’aluminium (Socatral) sont des entreprises étatiques parmi les plus grandes consommatrices d’énergie électrique du pays. Elles ont consommé à elles deux 1.305 Gigawatts/heure en 2019, d’après le rapport d’activités de Eneo pour le compte de l’année 2019. L’Etat quant à lui en était à 5.239Gwh, et sa dette conjuguée à celles de ses démembrements s’élève à 40 milliards de F à en croire le directeur général d’Eneo.

Dans une enquête menée par EcoMatin et parue dans son édition du 15 juillet 2020, il apparaissait que les créances de l’Etat et de ses démembrements à Eneo s’élevaient à 67,6 milliards de F à fin novembre 2019, lesquelles étaient de 38,9 milliards Fcfa en 2018, contre 26,2 milliards Fcfa en 2017. Des créances en nette progression qui traduisent l’insolvabilité de l’Etat vis-à-vis de l’entreprise dont le britannique Actis est l’actionnaire majoritaire.

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Dettes fournisseurs

Cette insolvabilité impacte inéluctablement ses activités, et par relation de cause à effet, occasionne celle de l’entreprise en vers ses fournisseurs. Le 8 juillet 2020, Gaz du Cameroun, qui fournit du gaz à Energy of Cameroon (Eneo) pour l’exploitation de la centrale thermique de Logbaba, à Douala, a annoncé la résiliation de son contrat de fourniture de gaz naturel à Eneo, en raison des impayés évalués à 9 milliards Fcfa. Après lui avoir adressé début juin 2020 un avis de défaut resté sans réponse, Gaz du Cameroun a décidé de résilier le contrat en menaçant par ailleurs d’ester en justice. « Le contentieux est apaisé et en cours de règlement à l’amiable », a récemment assuré Eric Mansuy.

Auparavant, en novembre 2019, c’est Tradex, qui fournit le fuel à la Centrale de Logbaba, qui avait déjà assigné Eneo en justice, pour le contraindre au paiement d’une ardoise évaluée à 49,42 milliards de F. Le solde de ce compte par Eneo à son fournisseur reste conditionné par « un apurement global des dettes du secteur », selon le Dg d’Eneo, qui assure également que sa structure a entrepris des discussions avec l’Etat en vue de démêler l’écheveau, Tradex étant une entreprise dont 54% des actions sont détenus par l’Etat via la Société Nationale des Hydrocarbures (Snh). Le 14 septembre 2019, Altaaqa Alternative Solutions, dont les générateurs produisent les 30 Mw de Logbaba, avait déjà éteint ses appareils à cause des impayés de l’énergéticien. Montant de l’ardoise : 5,6 milliards Fcfa. Ceux-là, ce sont ceux des fournisseurs de l’énergéticien qui ont décidé de porter sur la place publique leurs bisbilles.

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Dans son édition du 15 juillet 2020, EcoMatin révélait que les dettes du concessionnaire du service de distribution de l’énergie vis-à-vis des entreprises du secteur (Sonatrel, EDC, Memve’elé) se chiffraient en novembre 2019 à 76,6 milliards de F ; et à l’égard des entreprises publiques dont Tradex et la Société nationale de raffinerie (Sonara) à novembre 2019 à 21,07 milliards de F ; celle vis-à-vis des entreprises privées avec participation minoritaire de l’Etat (KPDC et DPDC) à 58,66 milliards ; et celle vis-à-vis des entreprises privées sans participation de l’Etat (Aggreko, Altaaqa et Gaz du Cameroun), à 12,07 milliards Fcfa, soit un total de 168,4 milliards de F. Dans son rapport d’activités 2018, Eneo évalue ses dettes fournisseurs à 171,3 milliards de F en 2018, contre 151,7 milliards Fcfa en 2017.

«Nous travaillions étroitement avec l’État, au travers notamment du Premier ministre et du ministère des Finances, pour suivre et surtout trouver des solutions à la dette du secteur. Notre position depuis décembre 2019 (date à laquelle le Premier ministre a organisé une table ronde des acteurs du secteur), est que les grands clients du secteur (et notamment les débiteurs publics) doivent régler leurs factures d’électricité dans les délais, afin que nous puissions de notre côté payer chaque mois tous les acteurs du secteur, qu’ils soient publics ou privés », indiquait naguère Eric Mansuy chez nos confrères d’Investir au Cameroun. Eneo soutient que ses besoins d’investissements sur la période 2020-2031 sont estimés à 521 milliards de F, et que seul l’assainissement durable des finances du secteur de l’énergie permettra le retour de la confiance des investisseurs et la levée des fonds nécessaires à ces investissements.

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