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Secteur énergétique : Eneo sous le coup d’un redressement fiscal de 60 milliards

La Direction générale des Impôts a en conséquence décidé de ne plus délivrer d’Attestation de non redevance à l’énergéticien. En outre, le Tribunal Criminel spécial enquête sur les graves malversations observées dans le secteur de l’électricité depuis sa privatisation en 2001.

C’est d’abord un rapport administratif qui a porté le premier coup à Eneo. Fin 2017, les Services du Premier ministre lancent un vaste audit du secteur de l’électricité au Cameroun, depuis la privatisation de celui-ci, en 2001. A la fin de son audit, la commission dirigée par Touna Mama, alors Conseiller spécial du Premier ministre, envoie sa copie, suivant le principe du contradictoire, à Eneo, pour observations. Sans réponse de l’énergéticien dans les délais que la commission lui avait donnés, cette dernière va transmettre son rapport d’audit à la présidence de la République. EcoMatin n’a pas pu consulter ce rapport. Mais ses sources assurent que ses conclusions sont particulièrement accablantes pour certains anciens dirigeants des concessionnaires successifs du secteur, de même que pour certaines hautes personnalités de l’Etat, soupçonnées d’avoir permis, contre désintéressement, de telles distractions de la fortune publique. En particulier, ce rapport met en lumière, les conditions jugées douteuses, du point de vue fiscal, dans lesquelles les opérations de reprise et de rachat des actifs des différentes entreprises concessionnaires de la production, du transport et de la distribution de l’énergie électrique au Cameroun se sont déroulées.

Outré par les conclusions de ce rapport, le chef de l’Etat aurait alors prescrit des enquêtes appropriées selon les informations obtenues par EcoMatin. Le dossier est ainsi transmis au Tribunal Criminel Spécial (TCS). «Le TCS est bien au courant de ce dossier, mais aucune procédure n’a été entamée», assure une source généralement bien informée au TCS. Sauf qu’au moins deux personnalités interrogées par EcoMatin dans le cadre de cette enquête, assurent avoir déjà été auditionnées par le TCS dans le cadre de ce dossier d’attentat à la fortune publique dans le secteur l’énergie, depuis sa privatisation, via la fraude fiscale, la corruption et la subornation d’agent d’agents publics, entre autres.

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Est-ce rapport qui va alerter la Direction générale des Impôts ? EcoMatin n’a pas pu l’établir définitivement. Ce qui est en revanche constant c’est que l’administration fiscale camerounaise va elle aussi entreprendre de vérifier la conformité fiscale desdites opérations. Après plusieurs semaines de contrôle et de vérifications à postériori, l’administration fiscale va décider de servir à Eneo un redressement fiscal de 60 milliards Fcfa selon les informations de EcoMatin.

Deux principales opérations de l’énergéticien sont à l’origine de ce redressement fiscal : le rachat, rendu public le 13 juin 2014, des actifs de l’Américain AES dans la Société nationale d’électricité (Sonel). Dun montant de 202 millions de dollars (environ 110 milliards Fcfa au cours de l’époque), l’opération avait alors permis au Fonds britannique de prendre le contrôle du producteur national d’électricité du Cameroun et de ses producteurs KPDC (Kribi Power Development Corporation) et DPDC (Dibamba Power Development Corporation) ; puis la cession, le 14 septembre 2015, par Globeleq Africa, filiale contrôlée (100%) par Actis, de la totalité de ses parts à un consortium contrôlé par le fonds norvégien Norfund et l’institution de financement britannique CDC Group. Montant de la transaction : 227 millions de dollars, soit environ 125 milliards de francs Cfa, aux cours en vigueur à l’époque.

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Attestation de Non redevance bloquée

Eneo, qui conteste ce montant particulièrement élevé, engage des négociations avec l’administration fiscale, pour parvenir à une révision du montant. Les deux parties n’arrivant pas à un moyen terme, la Direction générale des Impôts va décider de ne plus délivrer d’attestation de non redevance à Eneo. Sans cette pièce qui fait partie du dossier fiscal de l’entreprise, difficile, au regard du dispositif juridique en vigueur, de réaliser des transactions contractuelles avec ses partenaires, fournisseurs, créanciers et débiteurs nationaux et même internationaux. L’énergéticien se retrouve ainsi circonvenu en quelque sorte.

En décembre 2019, David Grylls, membre du Conseil d’administration de Eneo, écrit au chef de l’Etat, Paul Biya, pour plaider la cause de Eneo. David Alderton, le Président de Cameroon Power Holding, filiale locale de Actis qui détient 51% de Eneo, entreprendra plus tard une démarche similaire auprès du Premier ministre, Joseph Dion Ngute, qui, selon les informations de EcoMatin, pilote par ailleurs, via le Secrétaire général de ses Services, Séraphin Magloire Fouda, par ailleurs Président du Conseil d’administration de Eneo, le dossier d’apurement des créances de Eneo. EcoMatin a appris de bonnes sources que ce dossier est actuellement sur la table du ministre des Finances, Louis Paul Motaze, pour arbitrages.

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