Business et Entreprises
A la Une

Secteur productif : comment les contentieux judiciaires plombent la compétitivité des entreprises camerounaises

Chaque année, entreprises, associations, églises, etc. dépensent des milliards de FCFA dans des procédures judiciaires. Un exercice devenu récurrent, qui creuse les caisses des entreprises, et conduit, parfois, à la fermeture de certaines entreprises.

La Fédération camerounaise de Football (Fecafoot) ne détient peut-être pas le record national en la matière. Mais son exposition médiatique lui permet aujourd’hui d’être considérée comme l’une des associations les plus risquées du Cameroun. En cinq ans, (entre 2015 et 2020), la Fecafoot a dépensé près d’1 milliard de FCFA (930 millions de FCFA plus exactement) dans des procédures judiciaires. «On ne peut pas passer tout son temps dans les prétoires et les tribunaux alors que nous sommes un pays émergent en football et que nous avons besoin de mettre le peu d’argent que nous avons, au service du football. Je passe plus de temps à avoir des soucis de justice que d’administrer la fédération et promouvoir le football. Il y a un temps pour tout, il faut que tout cela s’arrête», s’était d’ailleurs indigné Seidou Mbombo Njoya, le Président de la Fecafoot.

Lire aussi : Secteur productif : 200 milliards de prêts garantis par l’Etat

Bien qu’elles soient loin des stades, la plupart des grandes industries camerounaises semblent avoir fait des tribunaux leurs deuxième terrain de jeu. Eneo, Camrail, Bollore, MTN, Orange, Afriland First Bank, Camair-Co, CBC, la Bicec, Express Union, la SABC, le PAD, sont quelques-uns de ces géants qui ont, à un certain moment (et parfois continuent jusqu’à présent) réservé une part importante de leur stratégie dans la gestion des contentieux.

Les patrons au tribunal

En un an (entre 2020 et 2021), c’est près d’une demi-dizaine de procès qui sont pendants contre le PAD devant les juridictions nationales et internationales. Dans certaines plaintes, c’est la personne du Directeur Général qui est incriminée (le cas notamment de Cana Bois où une première condamnation de six mois d’emprisonnement avec sursis a été prononcée contre Cyrus NGO’O).

Lire aussi : Secteur productif : les investissements directs étrangers au Cameroun baissent de 52% en 2020

Mais il n’y a pas que dans les milieux d’affaires que la problématique du Risk-Management se pose avec acuité. Eglises, Organisations non-gouvernementales, départements ministérielles, administrations publiques, parapubliques, et même des Etats sont désormais appelés à la barre.

C’est le cas de l’Etat du Congo, poursuivi par le géant minier Avima Iron Ore Ltd devant les juridictions internationales pour le paiement de 27 milliards de dollars au titre des dommages causés par la suspension, puis le retrait de son titre d’exploitation sur le site minier d’Avima.

Qu’est-ce qui justifie cette ruée des managers vers les tribunaux ? S’agit-il d’un phénomène conjoncturel, ou d’une réelle crise de management ? Non, répond Chief Dr Jopel Ngoua-Elembe. Cet expert en Risk Management, enseignant à l’Université de Douala et l’Université Catholique d’Afrique Centrale pense qu’il s’agit d’un phénomène qui « appelle simplement une plus grande prise de conscience, comme toute activité de Risk-Management d’ailleurs, qui englobe l’identification, l’analyse et la réponse aux facteurs de risque juridique qui font partie de la vie d’une entreprise ».

Lire aussi : Avima Iron accuse l’Etat congolais de vouloir « spolier » son titre minier

Pour lui, la gestion efficace des risques juridiques « signifie qu’il faut tenter de contrôler, autant que possible, les résultats futurs de toutes les décisions prises en entreprise, en agissant de manière proactive plutôt que réactive ».

Pourquoi ?

Combien ces contentieux coûtent-ils aux entreprises ? Aucune donnée officielle ne permet d’avoir une idée claire sur la situation au Cameroun. Pourquoi la question du risque semble-t-elle devenue si importante pour les entreprises ? Une étude menée en France en 2008 par l’Observatoire des directions juridiques apporte des réponses intéressantes. Cette étude met en évidence le fait que selon les directeurs juridiques, la gestion des risques juridiques se situe au premier rang des attentes de la direction générale à leur égard en termes de performance. Pour 40 % des responsables juridiques interrogés, l’anticipation, la gestion et la cartographie des risques juridiques représentent le premier enjeu pour les prochaines années (Ernst & Young 2008).

Une autre étude réalisée par le cabinet Mazars en 2011 confirme cette importance des risques juridiques dans la perception des entreprises. Pour ce cabinet, les risques juridiques arrivent en tête des préoccupations des managers.

Lire aussi : Affaire Canabois-PAD : Cyrus Ngo’o va faire appel

Au Cameroun, pour gérer les dossiers contentieux, et éviter ainsi de se retrouver dans les tribunaux, certaines administrations ont fait le pas, en créant des commissions spécialisées. Au Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam) par exemple, il existe une Commission Affaires juridiques, contentieux et réglementation. Cette instance est notamment chargée de promouvoir les modes alternatifs de règlement des conflits, d’assurer la veille juridique, et de conseiller les instances du Gicam en matière juridique.

Comme le Gicam, la Direction Générale des Douanes dispose d’une Commission dite d’approbation des dossiers contentieux. Elle est chargée d’étudier les plaintes des clients, mais aussi les conflits de tous genres existants entre cette administration et la clientèle. Mais ces cas restent marginaux dans l’économie nationale.

Berty Tounoudjou

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page