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Service de la dette : comment Moody’s a tiré le Cameroun de l’embarras

En attribuant une belle stabilité à la première économie de la Cemac, l’agence de notation américaine lui permet d’honorer à ses engagements en matière de remboursement de la dette.

Le vent de pessimisme qui soufflait il y’a peu sur la solvabilité du Cameroun est probablement en train de s’estomper. Alors qu’elle faisait planer, au mois d’avril dernier, la menace d’une dégradation de la note souveraine du Cameroun, l’agence de notation financière Moody’s Investors Service vient de se raviser. Dans son dernier rapport, elle maintient à « B2 » sa note sur le Cameroun, assortie d’une perspective « stable ». Une stabilité qui tient de la capacité du pays à honorer ses engagements malgré le choc lié à la pandémie du coronavirus. « Les perspectives de ses indicateurs de crédit en général devraient rester cohérents avec le niveau de notation actuel » précise le rapport. L’agence de notation prend en compte plusieurs facteurs, notamment le caractère diversifié de l’économie camerounaise comparativement à ses voisins de la sous-région dont les économies dépendent encore en grande partie du pétrole. A cela s’ajoute le renouvellement anticipé de son programme avec le Fonds monétaire international (FMI) et son adhésion à la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) ; ce qui « atténue les risques de vulnérabilité externe », indique le rapport.

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Par ailleurs, Moody’s semble très optimiste sur la capacité du Cameroun à relancer son économie après la période difficile qu’a occasionné la pandémie. Une relance qui devrait prendre effet dès 2021, après une contraction de 1% observée en 2020. Le pays devrait renouer avec la croissance dès 2021, mais avec un PIB en dessous du taux moyen de 4 à 5% observé au cours de la dernière décennie. En raison de la baisse des revenus des hydrocarbures, Moody’s prévoit que le déficit budgétaire augmentera à 4,5% du PIB en 2020, ce qui entraînera une augmentation du fardeau de la dette à plus de 45% du PIB. Cependant, le risque de liquidité du gouvernement restera contenu. Moody’s estime que le financement brut du Cameroun doit culminer à 7,8% du PIB en 2020, contre 6,4% en 2019, avant de chuter à 6,7% en 2021. Une performance finalement meilleure que celle de ses voisins. Cependant, l’agence de notation reste inquiète au sujet de l’initiative de suspension du service de la dette du G20 en direction des pays pauvres parmi lesquels le Cameroun. Pour elle, cette mesure pourrait entrainer des pertes pour le secteur privé, lequel serait alors plus méfiant vis-à-vis du Cameroun.

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Enjeux

Même s’il reste dans la zone rouge, le Cameroun est sur de bonnes perspectives. La stabilité que lui reconnaît l’agence américaine constitue pour le pays un argument de poids pour renforcer sa crédibilité auprès des investisseurs. De manière concrète, la notation financière constitue, pour les investisseurs, un critère clé dans l’estimation du risque qu’un investissement comporte dans le cadre des marchés  financier. Plus la note accordée est élevée, plus le taux d’intérêt est faible. L’émetteur est considéré comme peu risqué. A contrario, la dégradation de la note d’un émetteur à l’international a pour effet de durcir les conditions d’endettement en augmentant le taux d’intérêt de ses obligations.

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Pour l’instant, cette position de Moody’s devrait jouer en faveur du Cameroun, ce d’autant plus qu’à cause des pertes enregistrées du fait de la pandémie du coronavirus, le pays a axé sa politique de financement du déficit budgétaire au cours de la période 2021-2023, sur l’endettement (76% de dette extérieure et 24% de dette intérieure). Cette politique devrait s’appuyer sur l’adoption et la mise en œuvre d’une stratégie d’endettement et de gestion de la dette publique à moyen terme, dont les objectifs demeurent d’une part, le financement du besoin d’endettement de l’Etat et d’autres part, la poursuite du développement du marché financier domestique, sans oublier le recours si nécessaire, aux partenariats Publics Privées (PPP’s) pour des projets d’importance avérée et pour lesquels un partenariat est indispensable. Pour honorer ses engagements, le Cameroun a décidé d’allouer par an 24% de son budget au paiement du service de la dette de 2021 à 2023. En raison du début du remboursement de l’Eurobond de 375 milliards de F CFA contracté en 2015, le pays projette allouer 726,6 milliards pour le remboursement de sa dette extérieure. D’après le site d’information Investir au Cameroun, le refinancement de cette obligation internationale, dépendra de plusieurs facteurs. « Certains sont propres au Cameroun comme les risques politiques. D’autres paramètres de succès dépendent de la manière dont les investisseurs internationaux orientent leurs ressources ».

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Une bouffée d’oxygène tout de même, quand on sait que le 27 mai 2020, l’agence américaine de notation avait entamé une procédure d’examen de la situation du Cameroun, prévenant d’une possible dégradation. Au mois d’Avril, les analyses sur la capacité du Cameroun à rembourser ses dettes étaient toutes aussi pessimistes les unes que les autres. Si Moody’s avait maintenu la note « B2 », S&P Global Ratings (Standard and Poors) l’avait à « B- ». Les deux organisations justifiaient ce pessimisme par la crise anglophone et les incertitudes sur le processus de transition politique, ainsi que l’impact de la pandémie du coronavirus sur l’économie du pays.

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