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Banques et Finances

Stanislas Zézé: « Bloomfield est présente dans la CEMAC depuis plus de 10 ans»

Dans son édition N°568 paru le lundi 24 octobre 2022, le journal ÉcoMatin titrait à sa Une : « Notation financière : Bloomfield accusé d’illégalité dans la CEMAC ». Votre journal relayait ainsi le courroux des acteurs du marché financier de la zone CEMAC suite au démarrage du processus vde notation du Port Autonome de Douala(PAD) par Bloomfield Investment Corporation. C’est d’abord la COSUMAF, qui avait adressé le 18 octobre 2022 à l’agence de notation ivoirienne, une correspondance pour lui rappeler que les activités de notations dans la région étaient désormais encadrées par le nouveau règlement du marché financier, l’appelant de fait à s’y conformer en sollicitant un agrément d’exercice. Le régulateur du marché financier régional avait été rejoint par l’Association des Société de Bourses de la CEMAC, qui demandait de suspendre purement et simplement les activités « illégales » de cette agence de notation dans la région. Dans un souci d’équilibre de l’information, EcoMatin donne la parole au PDG de Bloomfield Investment Corporation. Stanislas Zézé revient, dans cette interview, sur les accusations portées contre son activité dans la CEMAC et donne son avis sur l’évolution du marché financier régional.

Publiée mardi 25 octobre 2022 à 14:03:49Modifiée mardi 25 octobre 2022 à 17:41:44Temps de lecture 14 minPar Cedrick JIONGO

Propos recueillis par Cédrick Jiongo

Vous revenez du Cameroun où vous avez engagé le processus de notation du Port Autonome de Douala(PAD), l’entreprise publique qui gère la plateforme portuaire de Douala. Un processus qui fait grand bruit dans la CEMAC depuis qu’il est public. D’abord la COSUMAF qui vous invite à vous régulariser, car explique-t-elle, au sens de l’article 242 du règlement du 21 juillet 2022 portant organisation et fonctionnement du marché financier, toute agence de notation souhaitant intervenir en zone CEMAC doit préalablement solliciter et obtenir un agrément. Allez-vous vous arrimer à ce préalable ?

Il y a quatre (4) agences de notation financière qui opèrent dans la CEMAC depuis plus de 10 ans. Il s’agit de Standard & Poors, Bloomfield, Fitch et Moody’s. Le gouvernement Camerounais a même confié en 2014 la notation financière de CAMTEL, une société publique stratégique, à Bloomfield.

Comprenez qu’une agence de notation financière est une société commerciale avant tout, et qui n’a pas besoin d’agrément pour noter une entité, quel que soit le territoire. Cependant pour que ses notes soient reconnues par un régulateur de marché financier, celui-ci doit l’agréer au préalable ; ce qui veut dire que l’agrément concerne des opérations spécifiques du marché financier qui tombent dans le périmètre du régulateur.

Bloomfield est déjà agréée sur plusieurs marchés.  Aucune de ces quatre (4) agences n’a été agréée par la COSUMAF car cela n’a jamais été nécessaire, pour la simple raison que cette structure n’avait pas de système d’agrément d’agence de notation et que les opérations de ces agences ne concernaient pas le marché financier.

Le Port Autonome de Douala, avec lequel nous avons commencé les négociations depuis 2017 pour établir sa qualité de crédit, a finalement accepté de le faire en 2021 et a inscrit cette notation dans son budget 2022. Cette opération est une notation volontaire et n’est pas liée à la cotation du PAD à la BVMAC, qui a été décidée après le premier semestre 2022.

Maintenant que la COSUMAF semble avoir un système d’agrément des Agences de notation, c’est avec plaisir que Bloomfield se fera agréer afin de pouvoir faire des notations liées aux marchés financiers de la CEMAC.

Cette opération est une notation volontaire et n’est pas liée à la cotation du PAD à la BVMAC, qui a été décidée après le premier semestre 2022

Comment avez-vous réagi à cette interpellation ?

Je pense que la COSUMAF n’avait malheureusement pas la bonne information et vous non plus d’ailleurs, car c’est votre média qui lie l’opération de la notation financière du PAD à celle de sa cotation en Bourse.

Nous avons été interpellés à la suite votre publication, et je souhaiterais qu’à l’avenir vous preniez la peine de nous contacter, si vous n’êtes pas certains de comprendre une opération dans laquelle est impliquée Bloomfield ; nous nous ferons, bien entendu, le plaisir de vous éclairer. Nous avons tout simplement répondu à la COSUMAF et clarifié la réalité de l’opération. Nous comprenons cependant que la coïncidence du démarrage de la notation, qui est post décret de cotation, ait pu créer une confusion. Je pense que les choses sont claires désormais.

Le règlement auquel fait référence la COSUMAF n’a que 3 mois d’existence. Ignoriez-vous son existence ou alors vous estimez que vous n’y êtes pas inféodé ?

Comme je vous l'ai dit plus haut, l'opération de notation du PAD a été décidée bien avant cette décision de cotation.

En quoi cette notation financière de Bloomfield devrait-elle être utile au PAD ?

Cette notation financière permettra au PAD d’établir sa qualité de crédit (sa capacité et sa volonté à faire face à ses obligations financières à court, moyen et long terme) en monnaie locale. La notation financière permet non seulement à l’entité notée d’avoir un tableau de bord, car nous mettons en relief ses forces et ses faiblesses, mais elle donne aux investisseurs et partenaires de l’entité notée, une grande visibilité sur le risque de défaut et éventuellement la sévérité de la perte en cas de défaut.

La notation financière est un gage de bonne gouvernance et de transparence qui est très apprécié par les investisseurs locaux, régionaux et internationaux.

Lire aussi : Entrée en bourse: Bloomfield va noter le Port de Douala

Cette actualité a également fait réagir l’Association des Sociétés de Bourse de la CEMAC (ASBAC), par la voix de son Président Serge Yanic Nana. Il rejoint la COSUMAF dans sa crainte ; qualifie dans une correspondance vos activités « illégales » et demande à la COSUMAF d’y « mettre un terme ». Comment réagissez-vous à cela ?

Je pense que ce Monsieur est de toute évidence dans une réaction plutôt émotive et surprenante pour un acteur clé du marché financier de la CEMAC. Sa réaction montre bien qu’il ignore le périmètre d’action des agences de notation financière et leur mode de fonctionnement. Il devrait se rapprocher d’une agence de notation pour mieux comprendre comment ce système fonctionne.

Maintenant que la COSUMAF semble avoir un système d’agrément des Agences de notation, c’est avec plaisir que Bloomfield se fera agréer afin de pouvoir faire des notations liées aux marché financier de la CEMAC

Quels sont vos rapports avec les intermédiaires du marché financier de la CEMAC et le régulateur ? Avez-vous l’impression d’être en face d’un acharnement ? 

Concernant les SGI de la CEMAC nous n’avons aucune relation, car nous n’avons jamais participé à des opérations du marché financier de la CEMAC.

Cependant pour ce qui est de la COSUMAF, nous avons une longue relation d’échanges qui dure depuis plus de 10 ans. Nous avons conseillé au président de l’époque, Monsieur Gandou, de mettre en place un système qui introduirait les notations financières obligatoires pour les opérations de levées de fonds sur le marché, en remplacement de la garantie systématique. Ce système réduirait considérablement le coût des capitaux sur le marché.

Bloomfield a aidé à mettre en place cette réglementation dans l’UEMOA et aujourd’hui cette région a un marché des capitaux très dynamique.

Il y a quelques années, les autorités de la COSUMAF ont dépêché une mission de juristes pour des séances de travail avec Bloomfield, à notre siège à Abidjan, pour comprendre le fonctionnement des agences de notation sur le plan juridique et réglementaire. Nous avons même fait des recommandations pour leur nouvelle réglementation.

Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un acharnement, mais plutôt d’une mauvaise compréhension et interprétation de l’opération avec le PAD. Maintenant que nous avons donné les informations correctes, je présume qu’il s’agit désormais d’une affaire réglée.

Lire aussi : Notation financière : BGFIBank Cameroun obtient un A et un A1+ de Bloomfield Investment Corporation

Bloomfield n’est pas à sa première action de notation dans la zone CEMAC et ne compte probablement pas s’arrêter là. Comptez-vous obtenir un agrément et ouvrir une représentation dans la région pour éviter de vous retrouver dans pareille situation à l’avenir ?

Bloomfield est présente dans la CEMAC depuis plus de 10 ans. Nous y avons noté des institutions financières, des corporates, des entités publiques et un État. Nous avons l’intention de continuer à travailler dans la CEMAC.

Maintenant qu’il semble y avoir une réglementation sur l’activité des agences de notation sur les opérations du marché des capitaux, oui, Bloomfield se fera agréer si elle a l’intention de noter des opérations qui tombent dans le périmètre du régulateur du marché des capitaux de la CEMAC.

Une notation financière des entités africaines par les africains (au détriment des agences étrangères). Y a-t-il un enjeu particulier à ce qu’on y parvienne ?

Absolument ! Les agences de notation panafricaines font leur notation en monnaie locale contrairement aux agences internationales qui, elles, notent en devises étrangères (dollar principalement).

La notation financière en devises établit un plafond souverain et est basée sur la capacité de l’entité notée à faire face à ses obligations en devises étrangères de référence (dollar) et la politique de transfert de devises. Les pays africains qui, dans leur grande majorité, ont des réserves de devises faibles sont condamnés à avoir des mauvaises notes quelle que soit leur performance économique, politique et sociale.

La notation en monnaie locale établit la qualité de crédit sur la base de la performance réelle, les fondamentaux et la capacité intrinsèque de remboursement dans sa propre monnaie. Nous partons du postulat qu’une entité peut être pauvre en dollars parce que ses réserves de devises sont faibles mais riches dans sa propre monnaie. Elle peut donc avoir une mauvaise note en dollars et une bonne note dans sa propre monnaie.  Pour les opérations sur le continent, qui sont pour la plupart en monnaie locale, il nous paraît évident que les notations se fassent en monnaie locale.

La notation en monnaie locale établit la qualité de crédit sur la base de la performance réelle, les fondamentaux et la capacité intrinsèque de remboursement dans sa propre monnaie

Lire aussi : Hilton Hôtel, ADC, Sodecoton, Port de Douala : le Cameroun va introduire 4 entreprises publiques à la BVMAC

Le nouveau règlement du marché financier en zone CEMAC autorise de nouvelles activités comme celles des agences de notation, mais aussi les organismes de capital Investment, les organismes de titrisation, les nouveaux produits financiers (OPCI, Obligations islamiques, Actifs numériques…). Pensez-vous que ce règlement puisse donner une nouvelle dimension au marché financier régional ?

En principe, si ce règlement est bien appliqué, cela devrait donner de la cohérence et de la profondeur au marché des capitaux de la CEMAC. Bloomfield a toujours appelé de ses vœux une telle réglementation. Je me réjouis que finalement la CEMAC se soit dotée de cette réglementation.

Malgré la fusion des deux places boursières, la BVMAC reste timide. Qu’est-ce qui lui manque selon vous, pour atteindre le niveau de la BRVM et voire plus ?

Cette fusion est non seulement récente mais il faut beaucoup plus de pédagogie pour faire comprendre l’importance du marché boursier pour les épargnants et les emprunteurs. Il faudra également créer de nouveaux produits financiers qui s’adressent à différentes catégories d’investisseurs locaux, régionaux et internationaux. Il est important de comprendre que l’attractivité d’une place financière se construit à travers plusieurs actions qui mettraient en orbite ce marché financier tel que des road show régionaux, continentaux et internationaux.

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