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Taxe d’abattage: le bois camerounais encore plus cher en 2019

Le gouvernement envisage une augmentation de la taxe d’abattage qui pourrait provoquer une nouvelle augmentation des prix sur les marchés national et étranger.

En étude au Parlement depuis le début du mois de novembre, le projet de loi de Finances de la République du Cameroun pour l’exercice 2019 prévoit plusieurs modifications fiscales. Parmi elles, l’augmentation de la taxe d’abattage. En son article 242, le texte stipule en effet que le taux de la taxe d’abattage est fixé à 4%, contre 2,5% jusqu’ici, ce qui signifie une augmentation de 1,5% de cette taxe dès l’année prochaine.

La taxe d’abattage est calculée sur la base de la valeur FOB (free on Board) des grumes provenant des titres d’exploitations de toute nature, y compris des forêts communales et communautaires. La loi fiscale précise par ailleurs que tout détenteur d’un titre d’exploitation est tenu, au cours de l’activité, de déclarer le volume mensuel des grumes sur la base de carnets de chantier correspondants (DF10) au plus tard le 15 du mois suivant.

De manière concrète, le relèvement de la taxe d’abattage indique que les exploitants forestiers au Cameroun devront casquer un peu plus pour continuer leurs activités. Ce qui n’est pas rien. Si l’on estime, pour une essence donnée, que le mètre cube de bois est de 200 000  FCFA, cela voudrait dire que la taxe à prélever sera désormais de 8 000 FCFA au lieu de 5 000 FCFA.

Cela devrait forcément induire une hausse des prix des grumes et du bois vendus au Cameroun et à l’extérieur dès l’an prochain, de la part des acteurs. S’agissant des exportations de grumes, l’on avait déjà noté une hausse des prix au tout début de cette année. Les producteurs avaient revu à la hausse les prix de cession du bois sur le marché international, à cause de la surtaxe à l’exportation du bois en grumes décidée par le gouvernement, qui était passée de 17,5% en 2016 à 30% en fin 2017.

Du côté des pouvoirs publics, l’on justifie cette hausse par la volonté de l’Etat à accroitre ses recettes fiscales et douanières, au moment où le Cameroun est à la recherche constante des liquidités pour relancer son économie. La décision parait noble, mais, elle semble ne pas plaire à tous les acteurs du secteur, notamment les gestionnaires des forêts communales et forestières, qui contestaient déjà l’application de la taxe d’abattage dans leurs cas.

Signalons que de manière globale, le secteur forestier est soumis à la fiscalité de droit commun et à des prélèvements particuliers. Outre la taxe d’abattage, l’on a la redevance forestière annuelle (RFA) ; la surtaxe à l’exportation, qui varie selon la nature des essences exportées ; la taxe d’entrée usine ; la taxe de transfert ; les droits de sortie et le précompte achat.

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Des acteurs forestiers contre la hausse de la taxe d’abattage

Alors qu’il en étaient encore à la contestation contre l’introduction du mécanisme d’élargissement de l’assiette fiscale dans le secteur forestier qui les touche depuis deux années, les bénéficiaires des forêts communales et communautaires se retrouvent face à un nouveau dilemme. L’Etat envisage en effet, dans le projet de loi de Finances 2019 en examen au Parlement, d’augmenter la taxe d’abattage de 2,5 à 4%. Et déjà, les acteurs concernés rouspectent.

Les voix les plus amères proviennent de la région de l’Est, l’une des plus riches zones en essences forestières au Cameroun. « Depuis qu’elle a été instaurée, nous ne sommes pas d’accord avec cette taxe qui nous cause d’ailleurs beaucoup de problèmes. Et maintenant, l’Etat veut qu’elle augmente. Ce n’est pas normal », indique un des responsables des opérations forestières de la Communauté active pour le développement de Bakoum, Baka et Pol (CADBAP) dans cette région.

Dans la zone de Nanga Eboko, des voix s’élèvent aussi. Notamment au sein de la forêt communale où l’on estime (pour l’instant sous cape) que cela risque d’asphyxier la commune en la privant davantage de dividendes ressources issus de sa principale ressource. Convaincus que le projet de loi passera comme lettre à poste à l’Assemblée nationale, ils sont déjà aux abois. Même son de cloche à Djoum, où certaines populations manifestent souvent contre cette taxe.

Plusieurs éléments mettent en rogne ces différents acteurs. Selon eux, cette taxe perturbe leur environnement de travail. D’abord, il y a un manque criard d’informations sur les différentes taxes imposables aux forêts communautaires, malgré les efforts de certains organismes comme le Centre technique de la forêt communale (CTFC) qui travaille depuis des années à accompagner le processus.

Par ailleurs, les exploitants estiment que les recettes perçues sont déjà assez maigres pour que y impose de hautes taxes. Selon certaines observations, le mètre cube de la plupart des essences de ces forêts est vendu entre 15 000 FCFA et 30 000 FCFA. S’il faut y imposer 4%, la structure paie entre 600 FCFA et 1 200 FCFA. « Vu ainsi, cela semble dérisoire. Mais lorsqu’on fait le calcul sur notre production qui est déjà minime, vous constatez qu’il y a une bonne part des ressources financières qui nous est spoliée par le gouvernement », argue-t-on. Mettant en avant le fait que l’abattage dans ce type de forêt n’est pas systématique : on le fait en fonction des commandes ; certaines forêts se retrouvent ainsi en fin d’exercice sans de gros volumes exploités.

En fin 2017, les représentants des regroupements, réseaux et unions des forêts communautaires (AFCOM, AFCONT, FUGIFOC, REGEFOC, UFD) avaient adressé une pétition à l’endroit du ministre des Finances (MINFI) et celui des Forêts et de la faune (MINFOF) pour la suppression de cette taxe d’abattage. Rien n’y a fait.

Selon les statistiques du gouvernement à fin 2017, le pays comptait 43 forêts communales classées pour une superficie globale de 1,22 millions d’hectares ; 27 avaient des plans d’aménagement approuvés. Quant aux forêts communautaires, 274 conventions définitives de gestion avaient déjà été signées (940 209 hectares), contre 193 (825 524 hectares) ; 182 parmi elles étaient déjà en activité.

Les forêts communautaires dans la bourrasque

A travers la loi forestière de 1994, le Cameroun était le premier pays du Bassin du Congo à s’engager dans la foresterie communautaire. L’objectif était de favoriser l’implication des populations locales dans la gestion et la protection des ressources forestières , avec au final l’impulsion du développement desdites communautés. Mais, depuis le début leur implémentation dans le pays, l’exploitation des forêts communautaires rencontre encore de nombreux obstaclesn ce qui freine leur efficacité sur le développement qu’elles sont sensées impulser. Certaines associations et autres regroupements détenteurs et exploitants de forêts communautaires indiquent avoir faits des investissements conséquents au sein de leurs communautés. On cite en exemple, l’implantation de points d’eau potable, la construction de foyers communautaires ou de marchés, la réfection et l’équipement des salles de classe, la rémunération des enseignants, etc.

Cela n’est cependant pas évident. Plusieurs constats sont faits qui montrent que les gestionnaires des forêts communautaires font face à des contraintes diverses qui les empêchent de maximiser ces ressources forestières pour impulser un véritable développement. Dans un premier temps, l’on parle de faiblesses structurelles. Espaces spécialisés en plusieurs zones correspondant chacune à des usages particuliers, leur exploitation éxclue généralement les perspectives du bois d’œuvre. A ce constat fait par Hubert ngoumou Mbarga dans sa thèse de doctorat en 2015, il faut ajouter celui selon lequel les volumes de bois annoncés dans les plan simples de gestion (PSG) sont souvent surestimés. Conséquence, la communauté se retrouve avec moins de ressources que prévues.

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S’agissant des circonstances conjoncturelles, on note généralement une défaillance des gestionnaires à situer de manière claire leurs objectifs. Certains experts citent aussi le manque de solidarité au sein des communautés et la non valorisation des compétences locales. A cela, il faut également ajouter la pression et l’arnaque dont les populations sont souvent victimes de la part des autorités administratives de leur localité.

En somme, en l’état actuelle des choses, plusieurs études montrent que le l’activité forestière au sein des forêts communautaires peut en effet permettre de le développement des populations bénéficiaires, à condition que des recadrages soient faits, et surtout que certaines taxes ne leurs soient plus imposées.

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