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Touristique Express autorisée à reprendre ses activités, sans avoir implémenté les mesures prescrites par le ministre des Transports

Comme en mai dernier, Jean Ernest Masséna Ngalle Bibehe lève la suspension de la compagnie sur la foi de « sa bonne volonté » à se conformer à la loi et lui donne jusqu’au 30 novembre pour équiper tous ses bus du dispositif de gestion et de suivi centralisés du transport interurbain.

Une nouvelle décision du ministre des Transports (Mint) datée du 1er septembre lève « à titre exceptionnel » la suspension de la compagnie de transport routier interurbain de personnes Touristique Express. Après 15 jours de suspension liée au violent accident l’impliquant et ayant coûté la vie à 9 personnes et 42 blessés le 09 août dernier au niveau de la falaise de Mbe, entre les villes de Ngaoundéré (Adamaoua) et Garoua (Nord), sur la nationale numéro 1, l’opérateur est autorisé à reprendre ses activités pour « les efforts déployés ». La mission ministérielle commise auprès de cette entreprise par ses soins pour évaluer la mise en œuvre des mesures prescrites à la suite de l’accident mentionné supra révèle en effet que « les mesures prescrites n’ont pas été totalement implémentées », notamment l’équipement de ses bus du dispositif de gestion et de suivi centralisés du transport interurbain. La décision de Jean Ernest Masséna Ngalle Bibehe est prise sur la seule foi des « engagements pris par cette compagnie », lesquels « laissent apparaître une volonté de s’y conformer ».

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En clair, même les bus ne disposant pas du dispositif susmentionné qui permet de contrôler la vitesse à distance ont carte blanche pour reprendre la route. A rebours de la sommation faite le 16 août à Touristique Express d’immobiliser tous les véhicules non équipés de cet outil à l’expiration de la période de suspension, le ministre accorde un moratoire de trois mois à cette compagnie, soit jusqu’au 30 novembre, pour se mettre en règle.  C’est pourtant cette tolérance par-delà le bon sens qui a conduit au dernier accident impliquant cette compagnie. D’après le ministre des Transports, les éléments des enquêtes diligentées par lui-même ont révélé que l’accident du 09 août était « la conséquence de l’excès de vitesse qui a entraîné la perte de contrôle et le renversement du bus ». A la suite de ce drame, le même membre du gouvernement a dénoncé non-implémentation des mesures prescrites par ses soins et que la compagnie s’était pourtant engagée à mettre en œuvre à l’issue de l’accident mortel du 09 mai 2023, qui a entraîné cette fois le décès de 15 personnes près de la ville de Garoua-Boulai.

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Après avoir prononcé la suspension pour un mois éventuellement renouvelable de cette compagnie, il s’était dédit 5 jours seulement après. Son rétropédalage, il a expliqué l’avoir effectué non seulement après  « analyse des premiers éléments d’audit de l’équipe d’inspection » commise par lui-même auprès de cette compagnie, du 11 au 15 mai, mais aussi après examen du « plaidoyer du Groupement des transporteurs terrestres du Cameroun (Gtt) », qui s’était engagé à l’accompagner dans la mise en œuvre des mesures correctives. Le ministre avait agi, notamment en prenant en compte « les nombreuses sollicitations citoyennes sur les difficultés de déplacement dans la partie septentrionale du pays; compte tenu de la forte mobilité induite par l’approche du Hadj et du départ en vacances; dans l’esprit de la célébration de la fête de l’unité nationale le 20 mai prochain ». Et des « engagements fermes pris par la compagnie (…) sur la mise en œuvre immédiate d’un train de mesures visant à la sécurisation optimale de ses passagers, parmi lesquelles : l’installation du système de gestion et de suivi centralisés du transport interurbain sur l’ensemble de sa flotte; le recyclage de tout son personnel naviguant ; le bilan médical d’aptitude à la conduite automobile avec un accent sur l’acuité visuelle à tous ses conducteurs; l’amélioration des conditions générales de travail ; la régularisation de la situation salariale du personnel ainsi que leur affiliation à la Cnps », etc.

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Ce revirement avait d’autant plus essuyé des critiques que pour justifier la mesure de suspension prise préalablement,  son département a rendu publiques de graves informations sur les excès de vitesse  constatés chez ce transporteur entre le 1er mai et le 30 septembre 2022 sur le seul axe routier Yaoundé-Douala. Sur cette période, la compagnie avait enregistré pas moins de 224 cas. Le top management de l’entreprise a été saisi sur ces écarts de conduite de la part de ses chauffeurs. Beaucoup ont estimé qu’avant que le pire  ne se produise, ces infractions valaient des sanctions non seulement à l’encontre de l’entreprise, mais aussi des chauffeurs. Les mêmes causes ont donc produit les mêmes effets. D’un point de vue global, ce laxisme des autorités sectorielles est en grande partie à l’origine du lourd bilan humain et matériel des accidents de la circulation. En 2022, pas moins de 3000 morts ont été enregistrés sur les routes Cameroun, pour un préjudice financier évalué autour de 200 milliards Fcfa.

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Créée en 1999 d’abord sous la forme d’une société à responsabilité limitée (Sarl), Touristique Express a connu une forte croissance, puis s’est agrandie en diversifiant ses activités. Devenue société anonyme depuis 2011, elle gère aujourd’hui un réseau routier long de plus de 1500 km et dessert six régions du Cameroun, notamment l’Adamaoua, le Nord, l’Extrême-Nord, l’Est, le Centre et le Littoral. En 2022, la compagnie  revendiquait  le transport d’environ 2 millions de personnes.

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