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Trading sur crypto actifs : atouts et dangers de l’activité au Cameroun

Si l’activité a le vent en poupe dans plusieurs pays africains il n’en demeure pas moins qu’elle est le refuge de réseaux d’arnaques visant à dépouiller le plus grand nombre.

Investir sur des produits financiers et se faire rémunérer à des taux pouvant aller jusqu’à 200%,  sans avoir besoin de bouger le moindre pouce. Gagner de l’argent n’aura jamais été aussi facile.  Pourtant, c’est bien ce que proposent des entreprises de placement financiers installés au Cameroun. Leur activité principale, « Le trading » disent-ils. Il s’agit ici d’opérations de spéculation sur les marchés financiers, pour essayer de profiter des variations des prix des actifs pour gagner de l’argent entre le moment de l’achat et de la revente, ou inversement. Dans le cas d’espèce l’actif proposé est la crypto monnaie, une monnaie virtuelle qui opère indépendamment des banques et des gouvernements. Elle peut être échangée et négociée, comme n’importe quelle devise physique. Sur sa page Facebook, PGI Cameroon, entreprise se présentant comme spécialiste du trading dresse un tableau de ses offres d’investissement. Lesdites offres sont divisées en 04 packs (Silver, Gold, Platinium et Titanium). Pour un placement 380 000 FCFA par exemple, l’investisseur a droit à un bonus passif mensuel de 97 500F ou 1 170 000 FCFA sur l’année. Plus la mise est élevée, plus le bénéfice sera conséquent. Pour L’offre Titanium, 350 000 000 F CFA investis donnent droit en un an à 1,170 milliards de FCFA. Le schéma est à peu près le même dans toutes les entreprises du même type qui ont pour slogan la fin de la pauvreté et le début de la richesse matérielle. 

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Trading ou arnaque ?

«  Cette activité rapporte énormément aux populations. Je vous dis que si les jeunes s’y intéressent, le niveau de vie va changer au Cameroun ; plus aucun jeune ne va faire le mototaxi », lance Fabrice Fogang, un employé de PGI Cameroon. Pour cet ancien tenancier de cybercafé, le trading est une opportunité qu’il a saisis à bras le corps et ne compte pas s’en séparer. En 08 mois d’existence, la société pour laquelle il travaille aurait investi un peu plus de 300 000 dollars (168,5 millions de FCFA) et générer plus d’un million de dollar (561,1 millions de FCFA).  Si notre interlocuteur n’est pas très au fait du circuit financier et des facteurs qui interviennent dans la génération des revenus, son argument de poids reste le résultat.

 « Tel que nous observons cette activité, ça correspond quasiment à la pyramide de Ponzi » nous confie une source à la Beac sous anonymat. « Les rémunérations que proposent ces entreprises sont introuvables sur le marché des crypto monnaies. En plus, leur système est opaque, vous ne saurez jamais sous quels actifs ils agissent » poursuit notre source.   Pour en avoir le cœur net, nous donnons la parole à un Trader.  Tchako Happi Vistel Lutrand exerce depuis bientôt 4 ans en freelance. Il a bénéficié de nombreuses formations, et pour lui, le trading n’est pas aussi simple que ça. « C’est plus risqué de faire du trading que de faire de l’élevage. En effet, il y’a des produits financiers qui sont développés pour attirer des particuliers, généralement des novices présents sur le marché. Des offres mirobolantes qui cachent des systèmes d’arnaques. Cette prépondérance est due au fait qu’il n’y a pas véritablement de contrôle sur ce marché. Donc confier son argent à quelqu’un sans savoir d’où il tient sa formation est un risque à ne pas prendre ».  S’agissant des placements qui ont pignon sur rue depuis quelques temps au Cameroun, notre interlocuteur est ferme « Ce qui s’observe depuis n’est ni plus ni moins  qu’une forme d’arnaque bien connue » lance-t-il. Afin d’éviter de se faire arnaquer par les personnes de mauvaises foi, il est conseillé aux investisseurs d’avoir quelques bases à travers des formations proposés en ligne et dans des écoles de commerce.

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La pyramide de Ponzi

Un système de Ponzi ou Pyramide de Ponzi est un montage financier frauduleux qui consiste à rémunérer les investissements des clients essentiellement par les fonds procurés par les nouveaux entrants. Si l’escroquerie n’est pas découverte, elle apparaît au grand jour au moment où elle s’écroule, c’est-à-dire quand les sommes procurées par les nouveaux entrants ne suffisent plus à couvrir les rémunérations des clients. Elle tient son nom de Charles Ponzi qui est devenu célèbre après avoir mis en place une opération fondée sur ce principe à Boston dans les années 1920. Charles Ponzi utilisa ce système ce qui fit de lui, personne anonyme, un millionnaire en six mois. Les profits étaient censés provenir d’une spéculation sur les International postal reply coupons (coupon-réponse), avec un rendement de 50 % en 90 jours. Environ 40 000 personnes investirent 15 millions de dollars, dont seulement un tiers leur fut redistribué.

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« D’un point de vue strictement financier, ça ne peut être que de l’arnaque »

Eric Eloundou Ngah, Expert financier

Comment situe-vous la crypto monnaie dans le système financier d’aujourd’hui ?

On se situe globalement dans le monde de la finance et dans on a deux mécanismes essentiels qui étaient en vigueur jusqu’ici. Il s’agit de l’intermédiation à travers les institutions bancaires et la désintermédiation à travers les marchés financiers. De ce point de vue, que ce soit marché bancaire ou marché financier, il y’a une règlementation. Ce sont des activités fortement encadrés  parce qu’il s’agit de protéger d’abord l’épargne public ; vu que dans un cas comme dans l’autre, on fait appel à l’épargne publique de manière directe ou indirecte. La deuxième chose c’est que dès lors que c’est règlementé, toute personne qui intervient dans ce secteur est assujetti à la règlementation en vigueur ; règlementation bancaire pour ce qui est des activités bancaires, règlementation des marchés financiers pour ce qui est des activités des marchés financiers. A côté de ça, vous avez une 3e ligne d’activité qui s’est créée du fait des NTIC qu’on appelle actuellement les Bitcoin. Le principe des Bitcoin va plus loin que la désintermédiation parce qu’à la base c’est un mécanisme de financement qui remet en cause déjà l’autorité publique. Ça veut dire que ce sont des privés qui organisent une monnaie qui n’a aucune valeur légale, aucun cours légal, mais qui n’est accepté que dans le réseau qu’ils ont eux même mis en place.  A partir de ce moment-là, ils mettent les moyens nécessaires pour la promotion de leurs activités et la mobilisation des participants notamment les investisseurs  qui recherchent du gain dessus. Dans les pays développés des mesures ont commencés à être prises pour mettre sur pied un cadre règlementaire. En Chine par exemple, ils ont décidé au niveau de l’administration centrale de créer leur propre monnaie, de sorte que, s’il y en a parmi leurs acteurs économiques qui sont intéressés, qu’ils utilisent ce qui a cours légal. Et dans d’autres pays, ils sont également en train de trouver comment encadrer ce dispositif.

Quid de la Cemac ?

Dans notre contexte à nous, on a déjà des difficultés à faire tourner notre marché bancaire et notre marché financier de façon efficace même s’il est règlementé. Vous comprenez donc que nous n’avons pas encore les moyens de surveiller ces nouveaux métiers en rapport avec la monnaie électronique.

Quelle lecture faites-vous des opérations placements financiers qui ont cours dans la sous-région et au Cameroun malgré cette absence de règlementation ?

De prime abord, il faut savoir que lorsqu’il y’a investissement, la plupart du temps, l’argent est affecté à un projet ça eut être un projet public, et à ce moment, les fonds qui garantissent le remboursement sont des recettes publiques. C’est par exemple le cas emprunts obligataires de l’Etat. Ensuite, ça peut être des projets privés et là, ceux qui mobilisent les fonds doivent pouvoir présenter les activités dans lesquels les investisseurs vont injecter leur argent ; et donc justifier d’un portefeuille qui pourrait permettre de s’assurer que le taux de rentabilité qu’ils mettent en avant est fondé. Mais vous observerez que la plupart du temps, ceux qui prétendent exercer cette activité ne présentent aucun projet véritable ; tout ce qu’ils mettent en avant, c’est la possibilité de gagner énormément d’argent avec des taux de rémunération qui avoisinent 100 à 200% par an. Et ça d’un point de vue strictement financier, ça ne peut être que de l’arnaque car s’il y avait des projets qui étaient aussi rentables, des milliardaires on en compterait à la pelle.

Pourquoi ont-ils autant de succès dans notre contexte ?

Je pense que, comme dans notre contexte ils ont bien compris que non seulement, les camerounais n’étaient pas suffisamment cultivés sur le plan financier, mais en même temps étaient assez cupides pour plonger dans ce genre de facilité, ils se lancent à cœur joie. La preuve c’est que tous ceux qui sont cités par la Cosumaf n’ont pas  d’agrément. Pour obtenir un agrément pour mener ce type d’activités vous devez présenter un ensemble d’éléments probants notamment en termes de capacités techniques, en termes de surfaces financières, de sorte que les fonds propres que vous posez sur la table permettent d’assurer un premier matelas financier en cas de coup dur.

Ces activités peuvent-elles avoir de l’impact sur le marché financier sous-régional ?

Ce genre d’opération peut avoir pour conséquence notamment de déstabiliser notre marché financier et de détruire les perspectives qu’on pouvait espérer à court ou à moyen terme qu’on pouvait espérer de notre marché financier sous-régional. L’autre élément c’est de faire savoir aux entreprises qu’ils ont une offre de financement. A travers ce marché. Il faudrait non seulement renforcer le cadre règlementaire mais aussi, renforcer l’éducation financière des masses car l’autre chose qu’il faudrait mettre en avant dans cette affaire c’est que la culture de l’investissement c’est quelque chose d’important qu’il faudrait promouvoir et dont notre environnement des affaires a besoin.

Les Bitcoins peuvent-ils être une alternative sérieuse au financement de l’économie, dans un contexte où l’accès aux crédits reste difficile ?  

Quel que soit le secteur qu’on utilise (Bitcoin, Banque ou marché financier), le principe de base c’est qu’il faut avoir un projet de base qui permet de fructifier l’argent qu’on investit et dans les schémas de base de ceux qui ont voulu mettre en place le Bitcoin, l’un des objectifs c’était justement de faciliter l’accès au financement et de faciliter même les transactions commerciales aux niveaux local et international. Mais pour que ça marche, il faut qu’on ait des entreprises qui offrent des entreprises dans ce réseau là et en face des gens qui ont un pouvoir d’achat pour investir et permettre à ces entreprises de se développer. Or dans notre contexte ; le problème qu’on a c’est justement le problème de gouvernance. Vous voyez déjà que notre marché financier sous-régional n’a pas beaucoup d’intervenants, c’est parce que à la base, chacun sait qu’il n’est pas structuré en termes de gouvernance pour pouvoir jouer la carte de la transparence or même dans le cadre de ces Bitcoins, vous pouvez en acheter tout en espérant que vous aurez des gains substantiels après mais si l’investissement à travers lequel on va injecter vos sous ne produit pas, qui va payer la facture ? C’est donc ça l’intérêt de règlementer et de faire prendre les responsabilités à ceux qui mettent en place le système.

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