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Décryptages et Analyses

Train de vie de l’Etat : au rythme de la démesure grandissante

Matériels roulants, frais de carburants, de séminaires, de mise en bouche, évacuations sanitaires, missions à l’étranger, obésité des cabinets des dirigeants, multiplication d’institutions de souveraineté sont autant de variables qui caractérisent l’embourgeoisement de l’élite administrative et politique.

Publiée mercredi 1 décembre 2021 à 14:51:00Modifiée jeudi 2 mai 2024 à 19:49:33Temps de lecture 7 minPar EcoMatin

Après la mesure et la retenue observées en 2020 lors de la survenue de la crise pandémique, l’Etat renoue avec son train de vie dispendieux et ne se prive de rien. A titre d’illustration comparative, les achats de carburants avaient subi une érosion de plus 6 milliards de Fcfa tandis que la masse salariale diminuait de plus de 30 milliards de Fcfa. En 2022, le traitement des personnels relevant du statut général de la fonction publique, passe à plus de 1 075 milliards de Fcfa contre 866 milliards de Fcfa il y a deux ans. Les charges salariales globales se situent autour de 1 138,498 milliards de Fcfa l’année prochaine. En 2021, les salaires étaient de 1069,8 milliards de Fcfa

Même si, précise le ministre des Finances, cela tient compte de la prise en charge des nouveaux personnels recrutés à la fonction publique.

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Pourtant, assure le ministre des Finances, «en ce qui concerne les dépenses, l’effort de rationalisation se traduit par la poursuite de l’application de la stratégie « zéro valeur » qui consiste à geler la croissance des dépenses de fonctionnement (hors salaires) de toutes les administrations d’une année à l’autre, et à effectuer les arbitrages sur l’espace budgétaire disponible en fonction des défis prioritaires de la période. Ainsi, sous la contrainte d’un objectif de déficit de 2% du PIB, le niveau des dépenses totales de l’État (hors service de la dette), sera ramené à 15,3% du PIB en 2022, contre 15,6% du PIB en 2021 ; soit une économie budgétaire 0,3% du PIB réalisée en 2022 par rapport 2021, et correspondant à un montant d’environ 79,6 milliards de Fcfa ».  

Les frais de carburant et lubrifiants, de missions et autres réceptions ainsi que de cérémonies s’élevaient à 105 milliards de FCFA en 2021, soit une croissance de 16 milliards de Fcfa par rapport à 2020 où cette enveloppe était de 89 milliards de FCFA. De manière détaillée, les frais de carburant et lubrifiants sont passés de 31 milliards de FCFA en 2020 à 35 milliards de FCFA, soit une hausse de 4 milliards de FCFA. L’enveloppe réservée à la représentation, aux missions et les cérémonies affiche de 70 milliards de FCFA, contre 58 milliards de FCFA pour le précédent exercice, soit une augmentation de 12 milliards de FCFA. Les postes sécurité et maintenance retrouvent également leur aplomb. Quant aux frais de missions et de transports, alors qu’elles ont été suspendues en 2020, elles refont surface.

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Pour 2022, les frais de transport et de mission s’établissent à 58, 3 milliards de Fcfa.  «Ceux qui vont en mission ce sont les membres du gouvernement et certains hauts responsables de l’administration. Donc, à ce niveau, ça ne concerne pas les agents. Pareil pour les véhicules. Les délégués départementaux qui sont fonctionnaires opérationnels ne disposent pas de moyens conséquents pour abattre le travail qui leur est dévolu, mais tout est concentré dans les cabinets des ministres et autres patrons d’institutions de souveraineté », explique un haut cadre du ministère des Finances.

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Les achats de biens et services concentrent souvent l’essentiel du gaspillage des ressources publiques. Pour 2022, ils sont projetés à 867 milliards de Fcfa contre 736,9 milliards de Fcfa cette année, soit 131 milliards de Fcfa de plus. On retrouve dans la rubrique services extérieurs qui comprend entre autres, le loyer pour 16,5 milliards de Fcfa, les honoraires et études représentent 1, 756 milliard, l’entretien et la maintenance 27, 921 milliards de Fcfa, les assurances         2, 382 milliards de Fcfa, les frais de relations publiques-communication (abonnement et dépenses de téléphone, de fax, de télex, de téléphones mobiles, de sites Web, d’Internet et de radiocommunications ; publication et communiqués de presse ; coûts de la radio, de la télévision et de la publicité…) 59, 751 milliards de Fcfa. Il y a deux ans, ce poste état ponctionné de 40 milliards de Fcfa.

Comme l’expliquait un homme politique de l’Union des populations du Cameroun (Upc), la structure des emplois budgétaires donne l’impression que les gouvernants n’envisagent pas de se départir de la posture budgétivore qui ouvre la voie à la gabegie. Du coup, certains s’engraissent sur le trésor public.

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Souveraineté : les institutions budgétivores

Selon les experts de la préparation budgétaire, les achats de biens et services représentent une part marginale du gaspillage auquel se livre l’Etat dans son ensemble. «Si on prend la variable achats de biens et services, on ne pourra pas véritablement mesurer les indicateurs du train de vie de l’Etat. Parce que l’un des indicateurs les plus crédibles, c’est le nombre grandissant des institutions de souveraineté et l’obésité des cabinets de ministres », assure un haut responsable de la direction générale du budget.    

Si l’on s’en tient effectivement au rapport 2018 de la Banque mondiale sur le budget du Cameroun, entre 2013 et 2015, les frais de représentation, de missions et de réceptions ainsi que les services extérieurs ont absorbé en moyenne 52 % des dépenses totales en biens et services, soit 8,7 % du total des dépenses publiques, 1,8% du Pib. C’est énorme certes, mais les disparités sont flagrantes dans les cabinets des administrations de souveraineté. Cette année par exemple, l’Assemblée nationale aura pour son budget plus de 28,182 milliards de Fcfa soit 18 milliards de Fcfa pour son fonctionnement et 9,7 milliards pour l’investissement.

L’administration moribonde du Conseil économique et social s’en tire avec 3,2 milliards de Fcfa pour son fonctionnement. Seuls deux personnes y ont été nommées depuis des décennies. 4,2 milliards ont été affectés au Conseil constitutionnel, 3,4 milliards de Fcfa fonctionner avec près de 3 milliards de Fcfa tandis que la Commission des droits de l’homme et des libertés bénéficiera de 3,2 milliards de Fcfa ou encore Elections Cameroon plus de 11 milliards de Fcfa en année blanche.

Toutes les institutions de souveraineté, Sénat et Assemblée nationale compris, vont engloutir en termes de fonctionnement pas moins de 68,992 milliards de Fcfa en 2022.

«Lorsque vous y ajoutez l’obésité du gouvernement, celle des cabinets des ministres, le fonctionnement masqué de certains départements ministériels comme le ministère de l’Environnement et de la faune où on met la production d’études dans les investissements alors que c’est du fonctionnement, vous vous rendrez compte que peu de personnes engloutissent comme des ogres, l’essentiel des ressources. Donc la variable des biens et services ne donne le réel aperçu du gaspillage», souffle-t-on au ministère des Finances.

De multiples micro structures bureaucratiques comme il y en a des dizaines dans le pays, où les effectifs ne franchissent pas le seuil de 50 employés, complètent cette liste dans laquelle ces administrations consomment des centaines de millions de Fcfa par an sans transformation du capital.

La solution, indique un cadre du ministère des Finances, à la problématique du gaspillage des ressources publiques consiste à réduire la voilure. «Il faut réduire la taille du gouvernement, le nombre d’institutions de souveraineté, la taille des cabinets de ministres et les micro structures qui atomisent les ressources publiques afin de permettre aux segments opérationnels de transformer le capital. Sinon, on ne s’en sortira pas».

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