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Transmission des contrats pétroliers et miniers : les Etats de la Cemac s’arriment à la règlementation des changes

Pressés par la Beac, les Etats de la Cemac ont finalement cédés en transmettant près de 140 copies de conventions signées avec les opérateurs pétroliers et miniers qui, pour la plupart, dérogent à la réglementation des changes en vigueur dans la sous-région. La banque centrale pourra désormais assurer un meilleur suivi du processus de rapatriement des recettes issues de l’exportation des produits pétroliers et miniers.

Au 31 septembre 2020, toutes les conventions signées entre les Etats de la Cemac (Cameroun, Gabon, Congo, Guinée Equatoriale, RCA, Tchad) et les sociétés pétrolières et minières ont été transmis à la banque centrale. Cette dynamique rentre dans le cadre du respect par ces Etats de la nouvelle règlementation des changes. Un arrimage qui aura pris beaucoup de temps, puisque c’est depuis mai 2017 que la Beac avait adressé une correspondance aux Ministres des Finances des Etats membres de la CEMAC pour solliciter que soient mises à la disposition de la Banque Centrale avant la fin mai 2017, les copies des conventions. La raison étant que les entreprises pétrolières et minières en activité dans la Cemac ont presque toutes des conventions avec les États qui les exemptent de l’obligation de rapatriement de leurs recettes en devises. « Il y a lieu de noter que la transmission à la BEAC par les Etats de la CEMAC de ces contrats et conventions, qui dérogent pour la plupart à la réglementation des changes en vigueur dans la CEMAC, a été inscrite comme conditionnalité (repère structurel) à respecter par chacun des Etats de la CEMAC en programme avec le FMI » indique la Beac dans une lettre de recherche récemment publiée sur son site internet. Ainsi, apprend-on de ce document, la Beac a perçu depuis cette campagne, un total de 139 contrats et conventions pétroliers et miniers. Soit 13 pour le Cameroun, 40 pour le Congo, 28 pour le Gabon, 36 pour la Guinée Equatoriale, 22 pour le Tchad et un seul pour la RCA.

Reconstitution des réserves de changes

L’objectif de cette politique, que suis de très près la Beac, est d’assurer un meilleur suivi du processus de rapatriement des recettes issues de l’exportation de ces produits. Jusqu’ici les compagnies pétrolières et minières s’opposent à la l’application de ce dispositif qu’elles jugent «excessivement agressif». Elles mènent depuis deux ans un lobbying intense dans le but d’obtenir un démantèlement de certaines dispositions de cette réglementation, ou à tout le moins une réécriture de l’instrument juridique communautaire dans le sens de se soustraire de la liste des assujettis au règlement. Elles ont déjà bénéficié à quatre reprises d’un moratoire de la Beac. Le dernier à date s’achève le 31 décembre 2021, date à partir de laquelle le règlement leur sera opposable. En attendant, l’application de cette nouvelle politique ne cesse de porter ses fruits. A fin novembre 2020, les rétrocessions de devises à la Beac ont atteint 7 914 milliards de FCFA contre 6201 milliards de FCFA un an plus tôt. En 2019, l’augmentation du volume de rétrocession des devises a positivement impacté les réserves de change de la communauté qui se sont établies à 4348 milliards de FCFA, contre 3 777 milliards en 2018.

Lire aussi : Réglementation de changes : miniers et pétroliers font la résistance

Au plan monétaire, dont la politique sous régionale a été confiée à la Beac, les enjeux excèdent largement le cadre du renforcement de la position extérieure de la sous-région. Parce qu’ils sont l’une des sources de la création monétaire, les avoirs en devises jouent un rôle de premier ordre au plan économique. Confrontées à d’importants besoins en financements et souvent obligées de s’endetter à des taux élevés pour y faire face, les économies de la sous-région trouveraient, dans ces avoirs en devises, une source de financement à moindre coût. De sorte que l’une des fonctions économiques les plus importantes du secteur minier en général et du secteur pétrolier en particulier, dont l’offre d’emplois reste globalement faible (en comparaison avec d’autres secteurs comme l’agro-industrie par exemple), est justement de ramener à la sous-région, ces avoirs en devises.

Transparence

Au-delà de ces questions techniques, et en dépit de la volonté des cadres de la Beac de ne s’en tenir qu’aux considérations économiques et financières du dossier, les ressorts profonds de cette réforme sont d’ordre politique : une plus grande transparence dans la gestion des revenus des ressources naturelles de la sous-région. Le régime des autorisations (en matière d’ouverture de comptes à l’étranger), et les niveaux de contrôle (des transactions effectuées au débit ou au crédit desdits comptes) dévolus à la Beac par le règlement du 21 décembre 2018 réduiraient, en cas d’application effective, les capacités dissimulatrices des entreprises minières et pétrolières de la sous-région sur les revenus réels générés par l’exploitation desdites ressources naturelles.

Lire aussi : Stabilité financière : le Cameroun s’arrime à la règlementation de change de la Beac

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