Politiques Publiques
A la Une

Vie chère : la Mirap portée disparue

Créée à la suite des émeutes de la faim de 2008 avec comme mission d’acheter, importer et stocker massivement les denrées alimentaires afin de les vendre à des prix accessibles à toutes les bourses, la Mission de régulation des approvisionnements des produits de grande consommation (Mirap) est étonnamment invisible dans un contexte de cherté inédite de la vie.

L’année 2022 s’est ouverte sur une surchauffe sur le marché des denrées alimentaires de grande consommation, aussi bien pour ce qui est des produits du cru que pour ceux manufacturés importés ou issus de l’industrie locale. Après avoir été contenus tant bien que mal pendant quelques années après les émeutes de la faim de février 2008, les prix qui étaient déjà sur une tendance haussière depuis la survenue de la pandémie du coronavirus en 2020 ont explosé à un niveau qui est telle que, si rien n’est fait dans l’urgence par les autorités publiques, l’inflation pourrait, dans un avenir très proche, devenir asphyxiante pour les ménages camerounais, pauvres dans leur immense majorité. La guerre en Ukraine bat son plein avec son lot de conséquences sur les cours mondiaux du pétrole et son flot de perturbations sur le circuit d’approvisionnement pour les pays importateurs de produits pétroliers finis.

Le trésor camerounais qui est plongé dans une crise de devises au même titre que tous les pays voisins de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) peine désormais à assurer les approvisionnements et se dit même en incapacité de continuer à soutenir les prix des carburants à la pompes, les subventions pour la seule année 2022 étant chiffrées à plus de 600 milliards de Fcfa. Le spectre de l’augmentation du prix des carburants à la pompe – une campagne médiatique est en cours, qui vise manifestement à préparer l’opinion à cette éventualité – fait planer le risque d’une hausse plus prononcée des prix des produits de grande consommation, alors que le pouvoir d’achat des ménages est déjà suffisamment affaibli. Une telle mesure ferait flamber le prix des transports avec un effet d’entraînement imprévisible sur les prix à la consommation finale des ménages.

Lire aussi : Les résultats de la Mirap en demi-teinte

Spéculation sauvage

Depuis environ deux mois, le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, a décidé du gel des exportations des produits alimentaires manufacturés vers les pays voisins afin de voir clair sur les disponibilités internes, car, même avant la situation en cours qui accable impitoyablement les Camerounais et les plonge dans une angoisse existentielle qui ne dit pas son nom, les exportations vers les pays de la Cemac se sont toujours faits sans la preuve d’une surabondance de la production. Mais le gouvernement devrait aller au-delà en organisant un meilleur contrôle des prix pour juguler la spéculation sauvage et partant, une meilleure régulation du marché domestique afin de maintenir à un niveau raisonnable le coût de la vie. Le ministère du Commerce a tenté récemment une opération de ventes promotionnelles des produits alimentaires, mais celle-ci a fait choux blanc : les prix pratiqués dans ces marchés spontanés sont pratiquement les mêmes que ceux pratiqués sur le reste du marché.

Lire aussi : Import-substitution : Le gouvernement privilégie la piste des bons d’achat

Les entreprises partenaires de cette opération attendent en effet plus d’efforts de la part de l’Etat en termes, notamment, d’abattements fiscaux et autres mesures pouvant entraîner une décote du montant du fret maritime à intégrer dans la valeur en douane. A défaut, et pour un plus grand impact sur les prix à la consommation finale des ménages à l’échelle du pays, il faudrait la réveiller et mettre plus de moyens à disposition de la Mission de régulation des approvisionnements des produits de grande consommation (Mirap), qui est totalement absente du débat sur la recherche de solutions à la vie chère qui étrangle la communauté nationale. Cette structure qui n’est plus visible nulle part donne étonnamment l’impression d’avoir choisi de se faire oublier alors qu’elle continue de consommer les

budgets.

Lire aussi : Régulation des marchés : pourquoi il faut accentuer le contrôle des prix

Cahiers de charges

Créée le 1er février 2011 par décret présidentiel afin d’éloigner définitivement le spectre des émeutes de la faim qui ont secoué le Cameroun début 2008, la Mirap était chargée, en tant que structure d’alerte, de l’achat, de l’importation et du stockage des produits dits de grande consommation, en vue d’un approvisionnement du marché dans de meilleures conditions. A ce titre, elle était censée procéder à l’achat de ces denrées à des meilleurs prix, afin de constituer des stocks de sécurité, soit directement, soit par l’intermédiaire de prestataires, etc.  Malheureusement, elle n’a pas été à la hauteur des attentes des consommateurs. Plus grave, elle n’a jamais procédé à la moindre importation des produits de grande consommation de son portefeuille. Or, c’est dans ce segment-là qu’elle est le plus attendue. Dans son cahier de charges, la Mirap devait implanter 20 marchés témoins périodiques dans les principales métropoles que sont Yaoundé et Douala, soit 10 par ville, et deux dans chacun des huit autres chefs-lieux de régions. A ce jour, ces marchés sont rares. On dirait même que cette structure est en cessation d’activités.

En interne, des sources parlent d’un défaut de trésorerie. Les propositions faites depuis plusieurs mois au Premier ministre dont le secrétaire général des services est pourtant le président du comité de gestion de la Mirap en vue de renforcer la présence de cette structure sont restées lettre morte.

Jean Omer Eyango

Lire aussi : Lutte contre la vie chère : le Cameroun limite les exportations de certains produits pour satisfaire la demande nationale

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page