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Visite du Minjustice au Gicam: vent de division au sein du patronat

Le refus du Gicam de recevoir une délégation mandatée par le ministre de la justice Laurent Esso pour le représenter à un échange avec les patrons laisse apparaitre des divisions au sein de cette institution. Au-delà de cette décision ponctuelle, c’est surtout le ton entretenu par l’exécutif du Gicam dans ses rapports avec les pouvoirs publics qui est remis en question par certains de ses piliers.

La décision du Groupement inter-patronal du Cameroun (GICAM) d’annuler la conférence-débat prévue le vendredi 16 avril avec une délégation mandatée par le ministre Laurent Esso pour le représenter n’a pas encore fini de livrer ses secrets. Passée le débat et la polémique qui ont suivi la publication de la lettre adressée par le président du Gicam au ministre de la justice garde des sceaux pour annuler ladite rencontre, l’on en sait désormais un peu plus sur les circonstances dans lesquelles cette décision a été prise, ainsi que ses implications dans le quotidien de l’instance faîtière du patronat camerounais.

Si l’exécutif du Gicam s’est officieusement défendu d’avoir pris une position politique, des membres de l’institution n’ont pas manqué de faire savoir leur opposition à cette démarche. Au-delà de cette annulation, c’est l’ensemble des relations que le Gicam entretient avec l’administration camerounaise qui est sur le grill.

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Selon nos informations, une frange du comité des sages emmenée par l’ancien président du Gicam André Siaka a en effet manifesté sa désapprobation face ce qu’elle considère être un climat de tension récurrentes avec les pouvoirs publics. Ce groupe n’hésite pas à rappeler les dissensions persistantes avec le directeur général des impôts, – qui a récemment tenu une réunion dans la capitale économique en l’absence du Gicam, – comme un des facteurs négatifs à la saine collaboration entre le patronat et les pouvoirs publics. Une opinion qui a été porté à l’attention de l’exécutif actuel qui a été invité à observer un changement de cap.

En face, le conseil d’administration tout comme un important groupe de patrons soutiennent pourtant la fermeté avec laquelle le président Tawamba tient le bateau Gicam face aux entités gouvernementales. Pour eux, l’influence du patronat camerounais a considérablement baissé ces dernières années, tout comme la considération que lui portent les autorités camerounaises. « Le positionnement du président est clair. C’est de partir de la traditionnelle défense des intérêts et la fourniture de services aux membres pour développer des aptitudes à influencer l’élaboration et la mise en œuvre des politiques économiques, sociales et d’entreprises », confie un cadre du Gicam.

Le Gicam en est convaincu, « la frustration des chefs d’entreprises atteint des proportions inégalées face au dialogue public/privé qui apparaît plus que jamais comme étant grippé ». Mais la méthode à employer pour y remédier diverge. Cette prise de position des doyens de l’Institution amènera-t-il l’équipe Tawamba à être d’avantage flexible dans ses rapports avec les autorités administratives ? Difficile d’y apporter une réponse définitive. Ce vent de dissonance devrait assurément ouvrir un débat interne sur le meilleur sur les voies et moyens de tirer le meilleur parti de la collaboration entre le patronat et les pouvoirs publics.

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Rappelons qu’en 2020, quatre membres du gouvernement ont été reçus au Gicam dans le cadre du dialogue public privé. Il s’agit du ministre des Travaux Publics, Emmanuel Nganou Djoumessi dont la rencontre a tablé, le 27 novembre 2020, sur “l’apport du secteur privé dans le développement et la durabilité des infrastructures routières”. Le ministre de l’Emploi et de la formation professionnelle y est allé, début octobre, pour la première étape de la campagne de promotion du dispositif institutionnel de la formation professionnelle au Cameroun. Le 6 mars, le ministre de la Santé Publique, Malachie Manaouda y a présidé la rencontre d’échange et d’information sur le Coronavirus. C’est le ministre des PME, de l’Economie Sociale et de l’Artisanat, Achille Bassilekin III, qui a ouvert le bal des échanges entre les membres du gouvernement et le Gicam, le 28 janvier. Sept chefs de départements ministériels ont sacrifié à cet exercice en 2019.

Concertation : De quoi le Gicam veut discuter avec Laurent Esso

La prochaine fois sera peut-être la bonne pour le ministère de la Justice (Minjustice) qui souhaitait tenir une rencontre d’échanges avec les opérateurs économiques, le 16 avril 2021 à Douala. Dans la correspondance adressée le 15 avril 2021 au ministre d’Etat, ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Laurent Esso, le président du Gicam, Célestin K. Tawamba, rassure: “Nous sommes disposés à vous accueillir à une prochaine date, à votre convenance.” Au-delà de la polémique sur les motifs de la l’annulation de ce rendez-vous, l’on s’interroge encore sur l’ordre du jour de cette concertation.

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Selon le “Bulletin du patronat”, plaquette d’information du Gicam, édition n°80 de novembre 2020, c’est le Minjustice qui en avait fait la proposition le 18 novembre 2020 à Yaoundé, lorsque le patronat était venu présenter le “Livre blanc du Gicam sur l’économie camerounaise” au Premier Ministre et à quelques membres du gouvernement. Au cours de la séance de travail qui a eu lieu au Minjustice, Laurent Esso, accompagné de ses plus proches collaborateurs dont Jean de Dieu Momo, ministre délégué, Feh Helen Kwanga épse Galega, secrétaire général, Dr Gaston Kenfack, directeur de la Législation et Joseph Nkeng, directeur des Affaires Non Répressive et du Sceau, a promis qu’un cadre de dialogue et d’échanges Minjustice-Gicam sera mis en place. “Proposition saluée par le président du Gicam et actée”, indique-t-on au Gicam.

En effet, souligne-t-on au groupement inter patronal du Cameroun (Gicam), la justice est un maillon essentiel du cadre des affaires. Les propositions du patronat en matière de réforme de la justice concernent notamment la création de juges de la mise en état, l’élargissement des possibilités de saisine du Conseil Supérieur de la Magistrature, la digitalisation des services, le renforcement des capacités des magistrats, la création et le renforcement des tribunaux de commerce, les avancées dans la facilitation de la réalisation des sûretés (institution du pacte commissoire, clause de voie parée, …), la problématique de la baisse du capital minimum requis pour la création d’une Sarl à 5000 Fcfa, etc.

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De son côté, l’on indique au Minjustice que pour l’amélioration de la qualité de la justice commerciale, quelques projets sont en cours. Il s’agit entre autres de l’informatisation du Registre de Commerce et du Crédit Mobilier, la spécialisation des juridictions en droit des affaires, la promotion de la médiation et de l’arbitrage, le renforcement des capacités des membres du corps judiciaire, l’élaboration du code de procédures civiles et commerciales, etc. Cependant, Laurent Esso met un bémol: le principe de la séparation des pouvoirs entre l’exécutif dont relève le Minjustice et le pouvoir judiciaire. Ce qui peut expliquer la lenteur apparente dans la mise en œuvre de certaines réformes. De même, le Minjustice pense que l’expérience de certains projets comme celui de la création des tribunaux administratifs doit être capitalisée afin d’éviter certains écueils.

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