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Marché mondial du cacao : les fèves ivoiriennes et ghanéennes plus chères que celles du Cameroun

Les géants de l’industrie chocolatière ont accepté de subventionner des primes aux producteurs de ces deux pays afin de rémunérer leurs efforts à leur juste valeur. Mais pour le 5è producteur mondial qu’est le Cameroun dont les fèves rouge brique donnent la coloration et le parfum que l’on connait au chocolat, rien ne présage un tel destin.

Les géants du cartel de l’industrie chocolatière mondiale que sont Hershey, Mars, Blommer Chocolate, Nestlé, Sucden, Mondelez, Touton, Barry Callebaut, Cargill, Ferrero, Olam et Ecom Trading ont fléchi face à la fronde des deux plus producteurs de cacao au monde. Les responsables de la filière de Côte d’Ivoire et du Ghana en avaient marre que les grands industriels ne respectent pas leurs engagements quant au paiement de primes permettant aux agriculteurs de voir leurs efforts mieux rémunérés par ces derniers qui eux, réclamaient un cacao durable.

Au terme du conclave tenu à Accra le 8 juillet 2022, les mastodontes de l’industrie chocolatière, grands acheteurs de fèves de ces deux pays qui détiennent 60% de la production mondiale, ont accepté de subventionner un prix plancher sur le cacao commercialisé par la Côte d’Ivoire et le Ghana dans le cadre d’un accord conclu pour lutter contre la pauvreté des agriculteurs. Ils vont ainsi payer une prime dénommée différentiel de revenu vital (DRS) dont le montant a été fixé à 400 dollars par tonne sur tous les contrats de vente cacao vendus par la Côte d’Ivoire et le Ghana.

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Les industriels subventionneront également la différence entre le prix actuel du marché et un prix plancher cible de 2 600 dollars, permettant ainsi aux agriculteurs de ces deux pays de disposer de 70 % de leurs revenus réels. «Les entreprises de la chaîne de valeur du cacao ont rencontré les gouvernements de la Côte d’Ivoire et du Ghana pour renouveler leur soutien au LID (Ndlr, différentiel de revenu décent) en tant que point de départ de la voie vers la réalisation de revenus de subsistance pour les agriculteurs», ont indiqué l’Initiative Côte d’Ivoire-Ghana pour le cacao (CIGCI) et les régulateurs du cacao des deux pays dans une déclaration commune.

Au Cameroun, où l’on privilégie la qualité des fèves, la filière a bénéficié des appuis financiers de l’Etat et des partenaires privés de plus de 39 milliards de Fcfa en 14 ans sans résultat probant. «L’évaluation du financement cumulé du premier guichet du Fodecc a révélé que le bilan du financement, soit 39 milliards de FCFA dépensés en 14 années, ne semble pas en corrélation vertueuse avec l’état du verger, les volumes produits puis commercialisés, la qualité des produits commercialisés et plus grave encore le niveau de vie du producteur», souligne l’organisme.

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Cet ensemble d’écueils, mis bout à bout, ne concoure pas à attirer davantage d’investisseurs et de chocolatiers sérieux ni même de disposer d’un moyen de pression face aux industriels comme les producteurs ivoiriens et ghanéens. Pourtant, la couleur rouge brique des fèves camerounaises, unique au monde, qui donnent au chocolat sa couleur et son parfum, auraient pu constituer une indication géographique ouvrant la voie au paiement d’une prime sur l’origine aux planteurs locaux comme l’ont obtenue les autorités ouest-africaines.

Les planteurs camerounais peuvent, au même titre que leurs homologues ghanéens et ivoiriens, prétendre au différentiel de revenu décent, en raison de la prolifération du phénomène des « cockseurs » qui appauvrissent et précarisent les producteurs en zone rurale, et des exigences de plus en plus en pressantes des industriels sur la culture d’un cacao durable. «Des industriels toujours très enclins à communiquer sur la durabilité du cacao, mais qui sont souvent beaucoup plus réticents à dire haut et fort qu’ils sont prêts à payer plus cher les fèves aux cacaoculteurs », lance un agriculteur.

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L’un des chocolatiers signataires de l’accord du 8 juillet, l’italien Ferrero, dispose pourtant d’une usine au Cameroun et vient d’augmenter son capital de 700%. Ce qui peut être utilisé comme argument massue et peser dans de potentielles négociations allant dans le sens de la revalorisation des rémunérations des planteurs locaux.

Simon pierre Mbarga

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