Cameroun : l’État réinstaure l’impôt sur les revenus des personnes physiques (Irpp) suspendu depuis 20 ans
Publiée vendredi 15 mars 2024 à 15:53:11Modifiée vendredi 15 mars 2024 à 15:53:15Temps de lecture 6 minPar Marius Zogo
Dans un communiqué signé le 7 mars 2024, le ministre camerounais des Finances Louis Paul Motaze fait savoir que les contribuables personnes physiques bénéficiant des revenus des traitements, salaires, pensions, rentes viagères, et/ou revenus financiers, fonciers et globalement des rémunérations de toute nature, sont désormais astreints à une novelle obligation fiscale. Aussi, invite-t-il ces derniers à « souscrire à une déclaration annuelle récapitulative « au plus tard le 30 juin de chaque année ». Autrement dit, ils devront à la longue, contribuer à la collecte fiscale en payant l’Impôt sur les revenus des personnes physiques (Irpp) ; défini comme un impôt assis sur les gains réalisés par toute personne physique imposable.
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A titre d’exemple, les bailleurs vont devoir déclarer leurs frais locatifs, les actionnaires leurs dividendes, les salariés du privés leurs rémunérations mensuelles. L’État compte également capter une partie de ces recettes qui lui échappent, auprès des commerçants, agriculteurs et autres prestataires divers (maçon, menuisiers, etc.)
Il faut dire que cette mesure bien qu’instaurée dans la loi de finances 2024, n’est pas nouvelle. A en croire Daniel Hyppolyte Bickoé, chef de centre régional des Impôts du Centre 2, l’Irpp existe au Cameroun depuis des lustres. Toutefois, en 2004, l’État a « renoncé » à celui-ci. « L’impôt sur le revenu des personnes physiques existe depuis 1973. Mais il a été fondamentalement réformé par la loi n° 2002/014 pour le rendre moderne et plus simple…L’évaluation de la réforme de 2004, dix années après a montré que très peu de contribuables ont déclaré au terme d’un exercice des revenus consolidés. En réalité, hormis les salaires retenus à la source, les autres catégories de revenus restaient mal appréhendées », déplore la Direction générale des Impôts.
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En réactivant l’Irpp sur les contribuables supra indiqués, le Cameroun instaure ainsi un cinquième régime fiscal : régime des Contribuables non professionnels qui vient s’ajouter au régime d’impôt libératoire, le régime à but non lucratif, le régime simplifié d’imposition et le régime réel.
Défis
Les objectifs de collecte fiscale assignés à la DGI sont de l’ordre de 3 100 milliards de Fcfa pour 2024. L’institution dirigée par Roger Athanase Meyong Abath compte capter une partie de ces recettes grâce à l’Irpp. Mais le principal défi est d’amener les potentiels contribuables à s’approprier les mesures de télédéclaration et paiement en surtout dans un contexte marqué par l’accélération de l’inflation. D’où l’atelier de sensibilisation des contribuables assujettis à l’Irpp tenu à Yaoundé le 14 mars 2024.
Rappelons tout de même que l’opérationnalisation de l’Irpp sur les contribuables non professionnels se précise alors que le patronat a sollicité et obtenu du ministre des Finances le 12 janvier 2024, la suspension d’un autre impôt controversé ; celui sur la retenue au titre de l’Irpp sur les avantages en nature (logement, électricité, eau, véhicule, domestiques, nourriture).
En effet, selon la circulaire sur l’exécution de la loi de finances 2024 de l’État, signée le 29 décembre2023par le Minfi, « l'Irpp) dans la catégorie traitements et salaires a été rationalisé, à travers : l’imposition intégrale de tout avantage en nature versé en argent ; l’élargissement de la liste des avantages en nature faisant l’objet d’une estimation suivant les modalités ci-après, pour détermination de la base imposable à l’Irpp catégorie traitements, salaires : téléphone 5%, carburant 10%, gardiennage 5%, internet 5% ».
Une décision qui a suscité des polémiques au sein des syndicats parmi lesquels, le Syndicat des industriels du Cameroun (Syndustricam). D'après ces derniers,« ces nouvelles dispositions fiscales génèrent une augmentation très substantielle de l’imposition des salariés, et donc, corrélativement, une forte diminution de leurs revenus nets disponibles, après retenue à la source de l’Irpp et autres impôts, taxes et cotisations effectuées par leurs employeurs », se plaignaient-ils.
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