Banques et Finance

Report de dette : Négociations délicates entre Yaoundé et Pékin

Après avoir béné¬ficié d’un rééche¬lonnement du paiement de 70 % des créances dues à Eximbank sur la période 2019- 2022, le Cameroun tente d’obtenir de la Chine, le report du remboursement d’une partie de la dette prévue cette année.

Selon des sources concordantes au mi­nistère de l’Écono­mie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat), le Cameroun a pris langue avec la Chine pour négocier un moratoire sur le service de la dette due à l’Empire du Milieu pour la période du 1er mai au 31 décembre 2020. Ces négo­ciations, conduites par le ministre Alamine Ousmane Mey, visent à concrétiser la décision du G20 prise le 15 avril dernier. Ce jour-là, le groupe des 19 pays les plus industrialisés du monde et l’Union européenne se sont engagés à suspendre momentanément, à leur de­mande, le service de la dette bilatérale des 77 économies moins développées, dont 41 pays d’Afrique subsaha­rienne pour les huit derniers mois de l’année 2020. Les sommes non payées en 2020 seront remboursées en trois ans (2022, 2023 et 2024), après une année blanche en 2021.

Le 26 mai 2020, des offi­ciels Camerounais et chinois ont échangé par visiocon­férence. Pour l’instant, rien n’a filtré de cet échange. Des responsables du Mine­pat sollicités se sont refusés à tout commentaire estimant le sujet « délicat ». Et il est vrai qu’Alamine Ousmane Mey devra se montrer fin négociateur pour obtenir ce moratoire de Pékin.

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En tant que membre du G20, la Chine s’est engagée comme les autres 18 pays les industrialisés du monde à accorder cette pause sur le service de la dette. Mais il s’agit-là d’une décision de principe. « Les créanciers mettront en oeuvre, confor­mément à leur législation nationale et à leurs procé­dures internes, l’initiative de suspension du service de la dette, comme conve­nu dans le présent cahier des charges, à tous les pays éligibles qui en font la de­mande », indique d’ailleurs la fiche descriptive de l’ini­tiative du G20.

Incertitudes

La délicatesse vient cer­tainement du fait que le Cameroun a déjà bénéficié en juillet 2019 d’une res­tructuration de la dette due à Eximbank. La banque d’import-export a en effet accepté de rééchelonner 70 % de la somme (intérêts non compris) que devrait lui rembourser le pays sur la période allant de juillet 2019 à mars 2022. Ce mon­tant, qui concerne 22 projets du portefeuille, est estimé à environ 150 milliards FCFA et sera finalement payé au cours des années suivantes.

Moins d’un an plus tard, voilà que Yaoundé solli­cite à nouveau Pékin pour une opération similaire. En réalité, les autorités camerounaises sont un peu contraintes. « Le gouver­nement de la République du Cameroun s’est égale­ment engagé à demander à tous ses autres créanciers officiels bilatéraux un traite­ment du service de la dette conforme à la fiche agréée », indique le Club de Paris, un groupe de créancier de pays industrialisés, qui a accordé au Cameroun ce moratoire sur le service de la dette la semaine dernière.

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L’autre source d’incerti­tude, c’est que l’Empire du Milieu se montre très peu enthousiaste vis-à-vis de l’initiative du G20. Selon le Club de Paris, cinq pays, dont le Cameroun, ont à ce jour conclu un accord avec certains de ses membres pour le report du paiement de leurs créances des huit derniers mois de l’année 2020. Mais la Chine n’est partie prenante à aucun de ces accords, même pas en tant qu’observateur.

En réalité, Pékin à de bonnes raisons de se méfier. Pour plusieurs experts, elle est particulièrement visée par certaines dispositions de l’initiative du G20. Pour bénéficier de cette initiative, les pays doivent s’engager à « communiquer tous les en­gagements financiers (dette) du secteur public ». Certains analystes estiment que cette disposition vise particulière­ment la Chine régulièrement accusée par les pays occi­dentaux d’entretenir l’opa­cité sur ses créances en vers les pays d’Afrique.

Le Cameroun espère obtenir 294 milliards de FCFA de ses partenaires

Selon communiqué publié à l’issue du conseil de cabi­net, tenu le 28 mai 2020, les négociations engagées par le Cameroun auprès de bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux au titre de la lutte contre le Covid-19, se poursuivent « sereinement ». Selon le même document l’objectif final du Cameroun est de bénéficier d’un appui financier estimé à environ 294 milliards de FCFA.

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Le Cameroun a déjà pu obtenir, le 4 mai dernier, un mon­tant de 135 milliards de FCFA au titre de la Facilité de cré­dit rapide (FCR) octroyée par le Fonds monétaire interna­tional. En dehors du FMI, le gouvernement camerounais, à travers le ministère de l’Économie, a signé le 18 mai 2020 avec l’Agence française de développement (AFD), une convention de subvention d’un montant de 6,5 mil­liards de FCFA.

Ces deux appuis représentent déjà une enveloppe de 141,5 milliards de FCFA. Il reste donc au gouvernement came­rounais à combler un gap de 152,5 milliards de FCFA, selon le plan décrit par Louis Paul Motaze. Cet argent de­vrait venir en partie de la Banque mondiale. Selon Abdou­laye Seck, son directeur des opérations pour le Cameroun, l’institution de Bretton Woods pourrait décaisser jusqu’à 81 milliards de FCFA au bénéfice du Cameroun.

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