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Géolocalisation des panneaux publicitaires à Douala : la réforme qui fâche les régisseurs

Depuis quelques semaines survole un épais brouillard sur l’activité de la publicité dans la ville de Douala. Brouillard sur fond de discorde mêlant le régulateur, les régisseurs et la communauté urbaine. Le point de friction ? Le reversement de la redevance publicitaire. Entre la mairie de Ville qui veut optimiser le recouvrement des recettes sur ce segment, les régisseurs qui dénoncent une spoliation du régulateur et le régulateur qui a mis au point une stratégie 2.0 pour obliger les régisseurs à se conformer, le vacarme a vite fait de se créer.

A Douala, c’est le grand ménage dans le secteur de l’affichage publicitaire. Le 24 août dernier, le Maire de la ville a suspendu de toutes activités 6 régisseurs de publicités qui cumulent une dette de 243,3 millions de FCFA. Une décision qui rentre en droite ligne avec le programme de réforme et d’assainissement du secteur engagé au mois d’octobre 2020 par l’autorité municipale qui après observation s’est rendu compte d’une tentative quasi-généralisées des régisseurs de se soustraire «par tous les moyens» au reversement de la redevance. Bien plus, ils se seraient, selon Roger Mbassa Ndine, illustrés par des tentatives de dissimulation d’encaissement de la publicité sur les lieux de vente (PLV), de  dumping lors de la collecte de la redevance sur les enseignes ; de la violation des zones d’exclusivité octroyées par la CUD…  Un anarchisme sans précédent qui causait un énorme préjudice financier à la CUD. «La concurrence fait rage et le marché est étroit. Pour gagner un contrat publicitaire, il faut malheureusement avoir des parrains ou céder à un arrangement financier avec le donneur d’ordre publicitaire. Ça ne favorise pas notre équilibre économique. Nous sommes parfois obligés de jongler» reconnaît, sous anonymat, un régisseur de la publicité rencontré à Douala.

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Pour tordre le cou à ces pratiques malsaines, Roger Mbassa Ndine va, le 28 octobre 2020, prescrire au régulateur de mettre en œuvre toutes les prérogatives que reconnaît le règlement local de la publicité afin d’assainir définitivement le secteur dans la ville.

Quantum A&A et la régulation 2.0

Au 30 juillet 2021, 18 régies publicitaires sont agréées à exercer dans la ville de Douala. Pour leurs activités du 1er semestre, la CUD a émis des factures d’un montant total de 959,2 millions de FCFA au titre de la redevance publicitaire. Ce montant est en augmentation de 113% en comparaison à la même période en 2020 et de 108% en comparaison à 2019. En perspective, 1,6 milliards de cette recette sont attendus au 31 décembre 2021 contre 977 millions en glissement annuel. Derrière cette performance, apprend-on, le cabinet Quantum A&A ; régulateur de la publicité.

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Pour parvenir à un tel résultat, le cabinet conseil que dirige l’Expert-comptable Brice Meilo a procédé à la dématérialisation de l’ensemble du processus de contrôle et de suivi de l’activité publicitaire à travers une plateforme dénommée RegulPub ». L’ancien de PWC a également  effectué une géolocalisation de l’ensemble des panneaux de la ville de Douala, l’implémentation dès le 11 janvier 2021, du premier règlement local de la publicité d’Afrique Sub-saharienne francophone. Ce qui a permis d’instaurer de la transparence dans le secteur publicitaire à Douala, La mise à jour du tarif de la redevance publicitaire (Décision N°025/1M/CUD/CAB-MM/2020) qui « omettait » plusieurs catégories plébiscitées par les annonceurs et rendait ainsi impossible la collecte de la redevance par la Communauté Urbaine de Douala.

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En clair, avec cette réforme difficile pour les régisseurs véreux de se soustraire à la réglementation. De quoi susciter le courroux de certains et les encouragements des autres.

Réforme sur fonds de remous

Quoi qu’il en soit, la réforme telle qu’elle prend corps est diversement appréciée dans la corporation des régisseurs. Certains acteurs se disent courroucé par ces mesures jugées trop contraignantes compte tenu de l’étroitesse du marché. « Nous sommes 18 acteurs actuellement et ceux qui ont pris l’habitude d’évoluer en margé de la réglementation le font pour survivre. La CUD et son régulateur prennent le problème par le mauvais bout. Il faut pouvoir distinguer ceux qui veulent se conformer mais ne parviennent pas de ceux qui ont fait de l’illégalité leur terrain de jeu »  dénonce un régisseur ayant requis l’anonymat. D’autres poussent le vice plus loin en qualifiant de « charlatan » le régulateur qui selon leurs dire se serait illustré par des pratiques « peu orthodoxes »  qui « perturbent » l’activité des professionnels de la publicité à Douala.

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 « Il y’a une réforme qui a été confiée à un cabinet dont le responsable a un cabinet d’auditeur à la basel’idée étant de clarifier le métier ; le rendre plus sain. Pour ce qui me concerne, je considère qu’il est en train de faire les choses dans ce sens » lance Georges Dooh Collins, contacté par EcoMatin. Il est à la tête de « Média Plus », une régie publicitaire qui cumule 34 années d’expérience. En 5 ans, l’homme revendique des investissements de plus de 1,8 milliards de FCFA sur l’ensemble de son réseau à travers le pays. Pour cet acteur de premier plan, la réforme engagée par la mairie et opérationnalisée par le régulateur est une aubaine pour se débarrasser des brebis galeuses qui jonchent la profession. «Ce monsieur est venu professionnaliser la publicité à Douala et il faut le reconnaître » soutient-il mordicus avant de renchérir «J’ai des employés et autres charges donc la transparence m’arrange» conclue-t-il.

En attendant, les régisseurs frustrés présagent un soulèvement pour protester contre les méthodes du régulateur. Affaire à suivre.  

« A Douala, le problème des professionnels de la publicité est ailleurs »

Georges Dooh Collins

Dans la publicité, il y’a des gens qui déclarent et d’autres pas. Moi je le fais et à vrai dire, ça ne me dérange pas que le régulateur accentue le contrôle. J’ai une entreprise qui a 34 ans et j’essaye d’être la plus réglo possible. Chacun doit faire son travail et que la concurrence se fasse chez le client.  A Douala, le problème des professionnels de la publicité est ailleurs. Tenez par exemple : nous sommes tenus de renouveler notre agrément chaque année ; ce qui est une menace pour notre profession. Si vous avez un client qui veut vous signer un contrat de trois ans, ça devient impossible parce qu’il n’est pas sûr que l’année d’après vous aurez l’agrément. Pareil si vous prenez un crédit à la banque dont la maturité dépasse votre période de validité. Le risque devient trop élevé. En restant sous ce régime, nous sommes maintenus dans la précarité permanente. En restant sous ce régime, nous sommes maintenus dans la précarité permanente. A cela, il faudrait ajouter, et c’est un des facteurs qui menace l’attractivité de notre secteur, le paiement de la redevance domaniale relative à l’affichage publicitaire sur le domaine public routier que tente d’imposer le régisseur public, Cameroun Publi-Expansion (CPE). La principale conséquence de cette situation est que les entreprises qui communiquent reçoivent des factures de CPE aux montants faramineux, et injustifiés. Cette double imposition qui n’a pas lieu d’être est une menace sérieuse pour l’attractivité de notre secteur. Et enfin,  il y’a la publicité via le digital et autres médias sociaux qui sont plus faciles d’accès et vers lesquels une bonne partie de notre clientèle s’oriente le plus souvent pour éviter les tracas imposés par CPE. Voilà, à mon avis, les problématiques importantes qui menacent le secteur de la publicité et sur lesquels les professionnels devraient se pencher.

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