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Institution monétaire: comment Yaoundé perd le Fonds monétaire Africain

Aucun pays africain n’a encore ratifié les textes fondateurs du Fonds monétaire africain devant être basé au Cameroun.

Dans la «Lettre de la Recherche» de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) publiée le 3 janvier 2019, Jean-Marie Gankou Fowagap, ex-ministre délégué à l’Economie et aux Finances du Cameroun, fait des révélations sur le projet de création d’un Fonds monétaire africain (FMA) qui devait être installé à Yaoundé, la capitale camerounaise. Selon Gankou Fowagap, les textes fondateurs du FMA ont été élaborés par le Comité technique de mise en place qu’il a présidé. Ces textes ont été adoptés au Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement qui s’est réuni à Malabo (Guinée équatoriale) en juin 2014. Le gouvernement camerounais avait par ailleurs, mis à la disposition du comité de pilotage, des locaux et d’importants équipements pour son fonctionnement. Un terrain d’environ 3 hectares est prévu à cet effet pour la construction de l’immeuble siège du FMA.

La mise en place des institutions financières propres au continent, va contribuer à garantir l’autonomie financière et renforcer la résilience économique du continent

« Globalement, le projet FMA avance à son rythme et ne pourra être opérationnel que lorsque quinze au moins des 54 Etats que compte l’Afrique, auront ratifié les textes fondateurs de cette institution. A ce jour, aucun pays africain ne les a ratifiés.», révèle l’ancien membre du gouvernement camerounais. Il ajoute : « toutefois, en raison de quelques difficultés financières (salaires impayés et non disponibilité d’un budget de fonctionnement), le comité de pilotage du FMA mis en place en septembre 2009, ne fonctionne plus depuis 2011: les experts et personnel qui le composaient sont rentrés dans leur pays respectif (Nigeria, Côte d’ivoire, Mali, Tunisie, Ethiopie).»

Pour l’économiste Camerounais, l’importance et l’enjeu de cette institution se passent de commentaires car, un FMA opérationnel permettrait un meilleur suivi des économies africaines et apporterait au plan international, une vision africaine de l’économie mondiale.


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Le projet de création d’un Fonds Monétaire Africain remonte aux années 1963 c’est-à-dire quelques années seulement après les indépendances de la plupart des pays africains. Les pères fondateurs de l’organisation de l’Union africaine (Krumah, Haile Selassie, Ahidjo, Sekou Toure, Houphouet, Hassan, etc.,) avaient déjà perçu son importance et son enjeu.

La mise en place du Fonds monétaire africain, devait se faire en collaboration avec l’Association des Banques centrales africaines (ABCA), selon René Kouassi, Directeur des Affaires Économiques de la Commission de l’UA. Il fait savoir qu’une rubrique spéciale a été inscrite au budget 2018 de l’Union africaine pour amorcer la mise en œuvre de la stratégie conjointe avec l’ABCA.

Parallèlement à ces efforts, qui devaient certainement s’amplifier dans le temps, ajoute le Directeur aux Affaires Économiques de l’UA, la Commission voulait compter sur la solide coopération de l’ABCA pour amener la région de l’Afrique australe à rejoindre le plus rapidement possible, le processus de création de la monnaie unique africaine.

Le 23ème Sommet de l’Union africaine (UA) qui s’est tenu à Malabo, en juin 2014, a adopté les statuts du Fonds monétaire africain (FMA), une institution financière panafricaine dotée d’un capital initial de 22,64 milliards de dollars

Aussi, fait-il savoir, la Commission voudrait-elle mettre à profit les expériences des autres régions pour mieux conduire ce projet. La mise en place des institutions financières propres au continent, va contribuer à garantir l’autonomie financière et renforcer la résilience économique du continent. La Commission de l’institution panafricaine est également en train d’élaborer un projet d’accord de siège pour la banque centrale africaine, qui sera négocié avec le Nigeria, pays hôte et surtout avec sa Banque centrale.

 Constitution du capital:contributions financières des Etats en retard

Le 23ème Sommet de l’Union africaine (UA) qui s’est tenu à Malabo, en juin 2014, a adopté les statuts du Fonds monétaire africain (FMA), une institution financière panafricaine dotée d’un capital initial de 22,64 milliards de dollars et ayant pour mission de promouvoir le développement économique du continent. Le fonds, dont la mise en place est prévue par l’acte constitutif de l’UA adopté en 2000 à Syrte en Libye, a pour vocation de contribuer à la stabilité économique et à la gestion des crises financières en Afrique, en favorisant la croissance macroéconomique et le développement du commerce intra-régional.

Selon le Commissaire de l’Union africaine aux affaires économiques, Anthony Maruping, le FMA a été créé pour prendre en charge les questions macro-économiques sur le continent. Le processus de mise en place du FMA a été retardé par l’attachement des cinq plus gros contributeurs de l’UA (Libye, Egypte, Algérie, Nigeria et Afrique du Sud) à un droit de veto sur la gestion du capital et le fonctionnement de l’institution.


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Un consensus a finalement été trouvé lors du sommet de Malabo pour qu’un poste d’administrateur permanent soit attribué à chaque pays participant à plus de 3,5% au capital du FMA. L’octroi d’un droit de veto aux gros contributeurs a été cependant rejeté. Le capital du fonds sera mobilisé auprès des Etats africains en fonction de plusieurs critères, dont notamment la taille de leurs économies et leurs réserves en devises.

L’Afrique du Sud devrait être le plus gros contributeur au capital du fonds, qui devrait être basé à Yaoundé, au Cameroun, avec 8,05% des parts. Ce qui représente une contribution de près de 1 milliard de dollars, suivie par le Nigeria (7,94%, ou 899 millions de dollars), l’Egypte (6,12%/ 693 millions de dollars) et l’Algérie (4,59%/ 520 millions de dollars).

Nombre de spécialistes s’accordent, en effet, sur les bienfaits de l’effectivité du FMA. L’on évoque, sans être exhaustif, la stabilité macroéconomique pour le continent aux 48 monnaies inconvertibles, la possibilité pour le continent d’assurer lui-même une assistance financière temporaire aux Etats parties faisant face à des contraintes budgétaires à court terme sans avoir recours aux bailleurs de fonds internationaux. En bref, tel que l’a déclaré M. Maxwell Mkwazelamba, « le fonds jouera le rôle de chambre de compensation  et s’occupera des problèmes macroéconomiques au sein du continent». Ainsi, le FMA devrait, à terme, mettre le continent sur le chemin de la souveraineté économique, de la croissance et du développement commercial à travers la promotion des échanges commerciaux.

Si l’on peut noter pour acquis l’accord de siège signé avec le Cameroun, la mise en place du comité de pilotage, l’adoption du protocole portant création du  FMA, il faut souligner en revanche l’existence de quelques divergences sur le montant du capital social, le capital libéré et les quotes-parts.

La répartition des montants en parts d’action, en fonction de différents paramètres tels que le PIB, la population ou encore le niveau des réserves de chaque État, suscite des inquiétudes de la part des pays émergents de l’UA que sont l’Afrique du Sud, l’Égypte, le Nigeria, l’Algérie et la Libye. En effet, de par leur position économique au sein du continent, ces derniers investissent d’ores et déjà le plus de fonds au sein de l’UA   (70 % du budget opérationnel).

Contrepoids: le FMA contre le FMI ?

Un flou est encore perceptible quant à la place du Fonds Monétaire International (FMI) dans ce nouveau dispositif. Ceci lorsqu’on sait que parti de ces missions initiales (la promotion de la coopération monétaire internationale, la facilitation de l’expansion et l’accroissement harmonieux du commerce international, la régulation des changes, etc.), le FMI s’est au gré  de la crise de la dette des pays du tiers-monde, réorienté depuis 1982 dans l’assistance des pays en développement    (à travers des diagnostics sur la situation économique de ces pays,  le conseil sur l’ orientation de leurs politiques économiques et l’octroi de prêts sous conditions). « Les deux institutions vont collaborer » a déclaré le Pr Jean – Marie Gankou dans une interview accordée à Jeanine Fankam (Cameroon Tribune) en Août 2009.

cet idéal est tributaire  d’une part de la réelle volonté des Etats africains d’évoluer « enfin » en rangs resserrés, d’être unis dans les choix à mettre en œuvre en tenant compte des intérêts de chacun.

Quoi qu’il en soit, l’on ne demande qu’à confirmer ce partenariat gagnant-gagnant entre les différentes institutions financières africaines (FMA, Banque centrale, Banque d’investissement) et les autres institutions financières à caractère continental voire mondial. Mais cet idéal est tributaire  d’une part de la réelle volonté des Etats africains d’évoluer « enfin » en rangs resserrés, d’être unis dans les choix à mettre en œuvre en tenant compte des intérêts de chacun.

La définition claire des mécanismes de financement de ces institutions, avec des possibilités de sanction pour les «  mauvais élèves », est un point tout aussi important afin d’éviter les désagréments connus il y a quelques années pour le financement de l’intégration régionale. D’autre part, les autres institutions financières internationales se devront de promouvoir une collaboration d’égal à égal avec ces nouvelles instances africaines.


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Une coopération dénuée de visée impérialiste est en effet fondamentale pour que l’Afrique à travers ses institutions soit véritablement présente sur la scène internationale et par là fasse prévaloir ses choix. Autrement, le FMA et les autres institutions auraient été une initiative de plus sans impact sur le quotidien et l’avenir du citoyen africain.

 

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