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Menace de hausse du prix du pain : des minotiers se désolidarisent de la démarche de leur groupement

Les dirigeants du Port autonome de Douala poursuivent leurs efforts pour convaincre les autres membres du Groupement de ne pas mettre en exécution la menace qu’ils ont brandie.

«Par notre correspondance 30 juillet 2020, nous joignions notre voix à celle de plusieurs autres opérateurs économiques de la zone portuaire, pour solliciter du Port Autonome de Douala, la reconsidération de son projet d’installation des ponts bascules dans l’enceinte portuaire et dont les prestations seraient facturées aux usagers à hauteur de 14310 Fcfa hors taxes par tonne chargée. Nous avons cru devoir attirer l’attention du PAD sur ce projet, en raison de son incidence financière considérable sur nos charges opérationnelles et par ricochet sur la rentabilité de notre structure», commence le Directeur général adjoint de Afisa Food Industry S.A., Elamin Omer Abdalla, dans une correspondance adressée le 5 août 2020 au Directeur général du Port Autonome de Douala (PAD).

«En effet, poursuit Elamin Omer Abdalla, pour cette redevance que nous n’avons pas budgétisée et que nous estimons en moyenne à 9 millions Fcfa pour chacun de nos navires de 20 tonnes de blé, nous nous retrouverons à un total annuel d’environ 400 millions Fcfa, qui pourrait nous obliger à considérer une augmentation des prix de nos produits à la consommation, allant ainsi à l’encontre de la politique gouvernementale notamment en cette période de récession due au Covid-19».

«Cependant, au regard du partenariat privilégié que nous avons eu l’avantage de construire avec le PAD depuis une dizaine d’années, et compte tenu de votre bienveillance (…) nous venons par la présente nous désolidariser de la démarche de contestation portée par des opérateurs de la zone portuaire (…)», assure l’émetteur de la lettre. Le même jour, le Directeur général du Port Autonome de Douala, Cyrus Ngo’o, a reçu deux autres lettres de désolidarisation similaires à celle-ci, signées toutes du même destinateur, Elamin Omer Abdalla, agissant cette fois comme Directeur général adjoint de Transafrique Logistic Cameroun S.A., et Directeur général adjoint de Omega Transport.

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Désapprobation

Cette évolution rend toutefois compte des efforts du PAD de circonvenir la menace de hausse du prix du pain, dans l’actualité depuis peu. Tout est parti d’une lettre du groupement des Industries meunières du Cameroun, adressée le 27 juillet 2020, au directeur général du Port Autonome de Douala. «Au terme de trois séances de concertations avec vos représentants portant sur la nécessaire contribution des chargeurs au financement de la mise en conformité aux normes internationales du Port Autonome de Douala par un acquittement obligatoire d’une nouvelle taxe sur la pesée des marchandises, nous, membres du Groupement des Industries meunières du Cameroun (Gimc), vous annonçons notre désapprobation au paiement de pesée de camions de blé, notre matière première», écrit le Groupement. Les destinateurs rappellent alors qu’ils payent depuis toujours des taxes «importantes», qui valent bien leur «contribution à la mise en conformité du PAD aux normes internationales». Il s’agit notamment, selon les signataires de la correspondance, de la redevance portuaire, de la redevance de sûreté, des frais administratifs et de la redevance informatique. De plus, rappellent-ils, le blé fait partie des produits de première nécessité dont les droits et taxes de douane à l’importation ont été suspendus par l’ordonnance du 07 mars 2008.

«De ce qui précède, nous ne voyons pas de raison objective à vouloir nous soumettre au paiement des pesées de notre matière première. La mise en œuvre d’une telle mesure par voie de fait nous contraindra à répercuter immédiatement le coût sur le prix de la farine, entrainant une hausse du prix du pain. Un risque de rupture de la farine sur le marché pourrait être envisagé car nos unités de production n’auront pas réceptionné dans les délais le blé à écraser, en souffrance au Port de Douala. Vous porterez la pleine responsabilité des conséquences d’une telle situation», avertit le Gimc.

La lettre, dont ampliation est faite au Premier ministre, Chef du gouvernement, au ministre du Commerce, au ministre des Transports, et au Groupement interpatronnal du Cameroun (Gicam), est signée du PDG de SCTB, Dieudonné Kamdem ; de la DGA de la Pasta S.A. (dont le PDG n’est autre que le Président du Gicam, Célestin Tawamba), Elisabeth Kouamn Epse Gouater ; du Dg de SGMC, Cyrille Piantoni ; du DG de SITRABCAM, Ghislain Kuete ; du DG de OLAM, Veeresh Mallikarjun ; et du DG de Moulin Coq Rouge, Dagobert Boumal.

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Pédagogie et diplomatie

Dans une longue réponse empreinte de pédagogie et de diplomatie, le DG du Port Autonome de Douala, Cyrus Ngo’o, rappelle à ses interlocuteurs, le 03 août 2020, que la mise en place de cette taxe a respecté toutes les procédures en vigueur, notamment celles relatives à la consultation préalable des acteurs portuaires dont ils font partie en l’occurrence. Cyrus Ngo’o rappelle aussi à ses interlocuteurs que, lors desdites consultations, démonstration leur a été faite de ce que l’instauration de cette taxe, qui rentre dans un processus plus vaste de sécurisation de l’écosystème portuaire, offre aux importateurs de blé, beaucoup plus d’avantages : disparition des vols de marchandises, économies réalisées sur divers frais de gardiennage et d’assurances contre les vols, entre autres… «Lors des concertations, écrit notamment le DG du PAD, il a démontré, par des calculs économiques (…) que les économies réalisées par votre filière du fait de la sécurisation du port de Douala, dont le pesage portuaire des marchandises est l’une des composantes, sont estimées à 8095 FCFA/tonne au minimum. En contrepartie, il a été demandé aux chargeurs de votre filière, de contribuer à hauteur de 388 FCFA/tonne (incluant à la fois les redevances de sûreté, informatique et de pesage : 350 FCFA/ tonne) pour financer la sécurisation de vos marchandises».

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«En conséquence de tout ce qui précède, il n’y a pas lieu d’envisager la moindre répercussion du coût du pesage sur le prix du blé qui, comme déjà démontré, ne représente que 350 FCFA/ tonne, soit 0,35 FCFA/ kilogramme. Au contraire, les économies que réalise votre filière, du fait de la sécurisation du Port, devraient plutôt soulager le panier de la ménagère, qui devrait en ressentir les effets bénéfiques à hauteur de 7708 Fcfa/tonne, soit 385 Fcfa de réduction par sac de 50 kg en répercussion directe, et un peu moins en tenant compte des autres facteurs de production», assure le DG du PAD, qui indique cependant à ses interlocuteurs, diplomate, que s’agissant du tarif applicable et querellé, «le PAD reste en attente de recevoir, de la part de (leur) filière, une proposition collégiale d’un tarif raisonnable adapté à (leur) filière».

Si à cette heure, Afisa Food Industry, Transafrique Logistic Cameroun S.A., et Omega Transport (qui ne sont pas du reste signataires de la lettre du 27 juillet 2020 au DG du Port Autonome de Douala) ont déjà indiqué, par la voix de leur Directeur général commun, Elamin Omer Abdalla, qu’ils se désolidarisaient de la démarche de leur groupement, les six signataires de la lettre du 27 juillet 2020 au DG du PAD, dont certains sont bien les leaders de cette filière, ne l’ont pas encore fait. Ce qui, en attendant d’aboutir à un moyen terme avec le PAD, continue de faire planer la menace d’une hausse du prix du pain.

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