A la UneBanques et Finances

Banques sous capitalisées, risque souverain, blanchiment des capitaux… : les défis de Marcel Ondele et Patricia Manon au Secrétariat de la Cobac

Le nouveau Secrétaire général de la Cobac et son adjointe auront notamment la lourde tâche de veiller à la régulation et l'intégration bancaires au regard de l'enjeu de la stabilité et de la sécurité du système bancaire et financier de la Cemac. Des défis qui s'ajoutent à l’intensification de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

C’est officiel ! Comme annoncé par EcoMatin il y’a quelques jours, Marcel Ondele a été nommé ce 9 avril au poste de Secrétaire général de la Commission bancaire d’Afrique centrale (Cobac). C’était à l’occasion d’une session extraordinaire de la Conférence des chefs d’État de la Cemac. Le financier congolais remplace à cette fonction le Centrafricain Maurice Christian Ouanzin, dont le mandat aura mis un peu plus de 3 ans, alors que la durée réglementaire est de 5 ans. La Conférence a dû écourter le mandat de ce dernier et attribué le poste au Congo au lieu du Tchad qui le convoitait « au nom de la solidarité et par soucis de cohésion entre les Etats membres de la Cemac ainsi qu’au nom de l’intérêt de la communauté », peut-on lire sur le communiqué final. Marcel Ondele sera épaulé par la Gabonaise Patricia Danielle Manon, qui a été désignée pour assurer les fonctions de Secrétaire générale adjointe.

Renforcer la supervision bancaire

La nomination de nouveaux responsables au Secrétariat général de la Cobac intervient à un moment crucial où le secteur bancaire fait face à de nombreux défis réglementaires. L’un d’eux est le non-respect des exigences de fonds propres fragilisant la stabilité du système financier de la Cemac. Cette problématique est évoquée dans un rapport publié fin 2023 par le FMI à la suite de concertations avec les institutions de la sous-région, dont la Cobac, la Beac et la Commission de la Cemac. L’institution de Bretton Woods suggérait à cet effet au gendarme bancaire de concert avec la banque centrale, de « s’assurer que les banques sous-capitalisées soumettent des plans crédibles de recapitalisation à moyen terme ». Le rapport n’indique pas les banques en indélicatesse et dans la région, les établissements ne sont pas astreints à la publication de leurs états financiers. Bien plus, en vue de prévenir les faillites bancaires, le FMI suggérait à la Cobac de définir une « stratégie visant à réduire les prêts improductifs dans le portefeuille des établissements et ce dans un bref délai ».

Lire aussi : Cemac : dans les coulisses de la nomination de Marcel Ondele au poste de secrétaire général de la Cobac

Cette recommandation est d’autant plus importante car le système bancaire est en proie à de nombreuses faillites. Le Cameroun en est l’illustration avec deux banques qui sont en cours de restructuration après la CBC il y’a quelques années. La Cobac a souscrit à ces recommandations, preuve que le déficit de fonds propres malgré le nombre croissant d’établissements dans la Cemac reste une véritable gangrène. Cela suggère de doter d’urgence le Secrétaire général de la Cobac de ressources humaines et financières nécessaires pour pouvoir multiplier les inspections sur place et prévenir les défaillances. « La Cobac souscrit aux recommandations des services du FMI. La Beac s’est engagée à résoudre les problèmes de sous-effectifs de longue date de la Cobac et qui se sont aggravés en raison de la baisse continue des effectifs », peut-on lire dans le rapport sus évoqué.

Relèvement des exigences de capital minimum

Les nouveaux responsables de la Cobac pourraient être au départ du relèvement des exigences de capital minimum pour les banques, fixé à 10 milliards de Fcfa depuis 2009. La décision ne relève pas de leur ressort mais plusieurs études ont démontré que les exigences actuelles ne permettent plus aux banques d’être solides et compétitives. C’est d’ailleurs dans ce souci que la Bceao en Afrique de l’Ouest et le Nigeria ont décidé de relever leurs seuils de capital. Dans l’Uemoa, le minimum de capital a été doublé tandis que dans la première puissance économique d’Afrique, il a été multiplié par 10. Dans la Cemac, une étude de la Beac publiée en 2021 et intitulée « Quel capital minimum pour les banques de la CEMAC ? », indique que les limites du niveau actuel de capital minimum doivent être portées à 25 milliards de Fcfa. Pour cette suggestion, les experts de la Beac ont fait recours aux techniques économétriques pour estimer des fonctions de consommation de fonds propres en rapport avec les niveaux d’activité.  « Il est ressorti des estimations que le contexte actuel dans la Cemac exige que les banques se créent avec un capital minimum supérieur à celui fixé en 2009 (10 milliards). (…) Le superviseur doit donc envisager la possibilité de revoir l’exigence en capital pour renforcer à l’immédiat le niveau des fonds propres des banques. Ce renforcement est d’autant plus nécessaire que les banques sollicitent régulièrement de la Cobac des dérogations sur les pondérations du fait de l’insuffisance des fonds propres », peut-on lire.

Lire aussi :  Nominations à la BEAC et la COBAC : Le Congo désigne Michel Dzombala et Marcel Ondele

Le dilemme de la forte exposition des banques au risque souverain

Le rapport du FMI évoqué plus haut pointe également du doigt la forte exposition du système bancaire aux Etats de la région. L’institution de Bretton Woods signale que la part des Etats dans le portefeuille de prêts des banques commerciales en activité dans la région est passée d’une moyenne de 20% du total actif à fin 2015 à 30% en 2022 avec plusieurs établissements de crédit qui sont au-delà de 50%.

Pour limiter cette exposition, il a été suggéré à la Cobac de lever la pondération de risque nulle qu’elle accorde aux emprunts étatiques. La pondération de risque nulle attribuée par le régulateur permet, en effet, aux Etats de cette région de lever facilement des financements sur le marché domestique sans que les banques qui y souscrivent ne soient astreintes à provisionner pour couvrir le risque de crédit. Ces provisions sont pondérées sur la base du respect par le pays émetteur des critères de convergence de surveillance multilatérale. Il s’agit de l’accumulation d’arriérés (65%), le solde budgétaire négatif (20%), un stock de dette inférieur ou égal à 70% du PIB (10%) et un taux d’inflation inférieur ou égal à 3%.

Or depuis quelques années, le régulateur a choisi d’appliquer une pondération zéro à tous les Etats alors même que certains sont loin de respecter ces critères. Mais en levant cette facilité, il deviendra difficile pour les pays de la Cemac de se financer sur le marché domestique dans un contexte de durcissement des conditions financières à l’échelle mondiale.

Lutter contre la fraude sur le rapatriement des devises

Un défi qui implique une collaboration accrue avec la Beac dans son combat avec les banques qui trichent avec le rapatriement des devises. La manipulation frauduleuse des messages Swift, la désignation des correspondants de la banque centrale et l’indication des comptes ouverts à l’étranger par les banques locales sont des pratiques préoccupantes qui compromettent l’intégrité et la transparence du système financier régional. De l’avis d’experts, les nouveaux dirigeants de la Cobac devront intensifier la coopération avec les autorités nationales et régionales, ainsi qu’une mise en œuvre rigoureuse des réglementations en vigueur.

Lire aussi : Cobac : comment un désaccord entre chefs d’Etat permet au Centrafricain Ouanzin de conserver son poste de secrétaire général

L’autre défi concerne l’intensification de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Ici, les analyses convergent pour dire que Marcel Ondele et son adjointe doivent renforcer les efforts de la Cobac, en multipliant les contrôles et en promouvant la conformité aux normes internationales en la matière. A cet effet, les services du FMI ont exhorté la Cobac à travailler en étroite collaboration avec le Gabac et la Beac, pour remédier aux insuffisances stratégiques en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT). « Ces efforts seraient également essentiels pour limiter certaines implications éventuelles de la mise sur liste grise, actuelle ou potentielle, de pays membres de la Cemac par le Groupe d’action financière (GAFI), ce qui risque de compromettre les possibilités d’échanges commerciaux de ces pays à l’échelle internationale, notamment en raison de la perte des services de correspondance bancaire ».

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page