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Tchad : la suspension de 31 organes de presse inquiète à la veille de l’élection présidentielle

Au sein de la corporation des hommes des médias, la décision prise le 14 mars 2024 et révélée quatre jours plus tard, fait partie des manœuvres liberticides, dans la perspective de la présidentielle pour laquelle l’actuel président de la transition part favori.

La Haute autorité des médias et de l’audiovisuel (Hama) du Tchad a publié le 18 mars 2024 une liste de 31 médias suspendus, dont les promoteurs sont invités à reprendre la procédure administrative de parution. Selon Abderamane Barka Abdoulaye Doningar, le président de la Hama, cette décision a été prise par délibération au conseil de l’organe de régulation des médias du Tchad, du 14 mars 2024. La liste des médias publiée par la Hama révèle que ces organes de presse imprimés ou en ligne, diffusant en langue française ou en arabe, sont suspendus suite à la non parution prolongée (au moins trois mois et plus d’un an), la non mise à jour des sites en ce qui concerne les médias en ligne, et le non-respect du dépôt légal.

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En effet, en ses articles 19 et 20, la loi du 3 décembre 2018, portant ratification de l’ordonnance présidentielle du 29 juin 2018 relative au régime de la presse écrite et des médias électroniques au Tchad, dispose respectivement que « le directeur de publication doit déposer deux exemplaires du journal auprès du procureur de la République du lieu d’impression, de la Haute autorité des médias et de l’audiovisuel et des archives nationales du Tchad. Les journaux faisant l’objet d’un dépôt légal doivent être dûment signés par le directeur de publication ou le rédacteur en chef ». Et que « tout journal qui cesse de paraître pendant une période de 12 mois doit refaire une nouvelle déclaration de parution ». Ce délai de non parution prolongée est ramené à « au moins 90 jours continus » pour les médias en ligne, selon l’article 29 de la même loi.

« Il s’agit de l’aboutissement d’un processus lancé il y a quatre années, avec la recherche de la régulation des médias », explique le président de la Hama, interrogé sur l’opportunité de cette mesure de suspension d’un si grand nombre de médias (plus de 30% de la centaine d’organes de presse paraissant ou en activité au Tchad). La Hama explique d’ailleurs qu’avant d’en arriver à cette mesure de suspension, elle a tenu des séances de travail avec les promoteurs des médias les 21 septembre et 26 octobre 2023 à Ndjamena, et a préalablement adressé des mises en demeure aux promoteurs des médias en délicatesse avec la loi.

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Mais, ces explications sont une pilule difficile à avaler dans le landernau médiatique tchadien, où l’on crie à l’atteinte à la liberté d’expression, à la veille de l’élection présidentielle prévue au début du mois de mai 2024. Une consultation électorale pour laquelle le général Mahamat Idriss Déby, actuel président de la transition, est donné largement favori. Ce qui devrait perpétuer le règne de la famille Déby sur le Tchad, depuis plus de 30 ans. « Chaque fois que nous nous approchons des échéances électorales dans notre pays, il est question de suspendre bon nombre des médias qui peuvent gêner. C’est une décision liberticide », clame Eric Kokinagué, fondateur du journal Tribune Infos, l’un des médias suspendus.

« Voir une trentaine de médias suspendus sur l’échiquier qui n’en compte pas 100, cela veut dire qu’il y a volonté de ne pas informer, de ne pas sensibiliser. Quelle que soit la raison qui sous-tend cette décision, le contexte ne s’y prête pas », fait observer Nathan Leubnoudji, vice-président de l’Union des journalistes tchadiens. « Quelqu’un qui n’existe pas, est-ce qu’il pourra exister pendant les élections ? Nous sommes une institution indépendante et nous prenons nos décisions de façon indépendante et collégiale », se défend le président de la Hama.  

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