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Cemac : comment les multinationales bancaires freinent la transmission de la politique monétaire

Selon les résultats d’une enquête menée par la Beac, les filiales des groupes bancaires internationaux en activité dans la Cemac détiennent les plus gros volumes de liquidités excédentaires. Se constituant comme de véritables freins à la transmission de la politique monétaire sur l’économie réelle.

La surliquidité bancaire est considérée comme un véritable caillou dans la chaussure de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), dont l’orientation de la politique monétaire depuis novembre 2021 vise à ramener l’inflation à un niveau raisonnable (3%). Pour y parvenir, la Beac a suspendu ses injections hebdomadaires de liquidité au guichet principal de refinancement et accéléré les opérations de ponction de liquidité. Sauf que jusqu’ici, ces deux leviers n’ont pas permis de réduire efficacement la liquidité excédentaire du système bancaire et donc la création monétaire que l’institution a identifiée comme étant un facteur qui accélère l’inflation.  

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« La Beac a fait valoir que l’inefficacité de ces opérations est due à la forte fragmentation du marché et à la concentration d’une grande partie de la liquidité excédentaire dans quelques banques qui ne sont pas activement impliquées dans le marché interbancaire », peut-on lire dans un rapport du FMI publié en décembre 2023 et relayant le fruit de discussions menées entre le Fonds et les institutions de la Cemac. Les liquidités excédentaires représentent les sommes d’argent que les banques ont en trop dans leur compte à la Beac après avoir constitué les réserves obligatoires.

Toujours selon le rapport, la Beac a réalisé une étude qui lui a permis d’identifier les groupes bancaires comme relais de cette surliquidité. « Selon les résultats d’une enquête menée par la Beac auprès des banques détentrices de la plus forte liquidité excédentaire, en particulier les filiales de groupes bancaires, les politiques des maisons mères constituent les principaux obstacles à leur participation aux opérations de ponction de liquidité de la Beac et au marché interbancaire de la Cemac », peut-on lire.

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Le rapport du FMI n’indique pas les groupes bancaires incriminés encore moins le montant détenu. Mais la concentration des liquidités excédentaires par filiales des groupes bancaires sur ordre de leur maison mère peut traduire un climat de méfiance vis-à -vis des États de la région. Selon un ancien banquier, certains groupes internationaux proscrivent à leurs filiales de la Cemac de réduire leurs expositions jugées excessive sur les États mais également vis-à-vis de la Banque centrale dans le cadre de ses opérations de reprise de liquidité. L’objectif étant d’alléger leur bilan en fin d’exercice. Entre autres mesures restrictives, ces groupes internationaux considèrent les placements en monnaie locales sur les États dont la note de crédit est jugée « extrêmement spéculative » comme « trop risquée » et donc réduisent leur exposition vis-à-vis de ces derniers.

Eponger l’excès de liquidité

Face à cette frilosité et en incapacité de leur imposer des rétrocessions, la Beac a souligné sa volonté de réfléchir à de nouveaux instruments qui permettraient d’éponger plus efficacement l’excès de liquidité en plus des « Bons Beac » qui semblent afficher des limites depuis leur lancement. « Au-delà de l’augmentation du taux d’intérêt sur les opérations de ponction de la liquidité, la Beac a indiqué envisager des actions ciblées pour les banques disposant d’un large excédent de liquidité, notamment l’émission de certificats de dette Beac, et poursuivre les efforts pour stimuler le marché interbancaire », peut-on lire.

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Rappelons qu’au 31 septembre 2023, l’encours des réserves totales de la cinquantaine de banques en activités dans la Cemac s’élevait à 3 616,7 milliards de Fcfa. Ainsi, 27,4% de ce montant, soit 991,9 milliards Fcfa représentait les réserves obligatoires. Le reste, c’est-à-dire, 2 624,7 milliards Fcfa est essentiellement des réserves excédentaires ou libres, voire « oisives » selon le FMI. Ce montant représente 25,4% des dépôts, 16% du total Bilan et 25,3% des crédits à l’économie du système bancaire régional à la période sous revue. Rapporté à la même période en 2022, le rapport de la Beac permet de constater que les réserves libres ont enregistré un important bond de 44% en un an.

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