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Cemac : la Beac met en garde les banques qui trichent avec le rapatriement des devises

Dans une circulaire publiée le 1er avril dernier, le gouverneur de la banque centrale révèle que des établissements financiers de la sous-région manipulent frauduleusement des messages Swift envoyés aux correspondants, la désignation des correspondants de la Banque centrale et l’indication des comptes que les banques locales ouvrent à l'étranger.

C’est une mise en garde énergique que la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) vient de servir aux établissements financiers et bancaires de la zone Cemac (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad) au sujet du rapatriement des devises. 

Dans une circulaire signée le 1er avril, Yvon Sana Bangui, le gouverneur de la Beac écrit : « Il m’a été donné de constater que les modalités de rétrocession à la Banque centrale des devises encaissées par les établissements de crédit ne sont pas conformes aux dispositions réglementaires notamment en matière de formatage des messages Swift [documents détaillés générés lors d’un virement international] envoyés aux correspondants, de désignation des correspondants de la Banque centrale et d’indication des comptes nostro [compte qu’une banque locale ouvre dans un autre établissement à l’étranger] à impacter ».

Le gouverneur révèle aussi que la mauvaise structuration des messages de rétrocession des devises altère la fiabilité des données extraites auprès des banques, tout en rallongeant le temps d’exécution desdites rétrocessions à destination des comptes de correspondants de la banque centrale. « Ce manquement, précise-t-il, a également pour conséquence de retarder la mise à disposition des fonds sur les comptes des clients bénéficiaires ».

Menaces de sanctions

Face à cette situation, Yvon Sana Bangui menace de sanctionner les banques qui ne se conforment pas à la réglementation. « Le non-respect de ces dispositions qui visent à garantir la célérité dans la mise à disposition des fonds et un suivi efficient de ce type d’opération par la banque centrale à un défaut de rétrocession passible des sanctions [allant des mises en demeure au retrait d’agrément, en passant par amendes pécuniaires] prévues par les réglementations des changes », prévient-il.  

La réglementation des changes stipule, aux articles 38 et 40, que les devises encaissées par les établissements de crédit sont rétrocédées à la banque centrale. En application de ces articles, l’Instruction n° 003/GR/2019 du 10 juin 2019 relative 4 la rétrocession des devises à la Beac fixe le taux de rétrocession à un minimum de 70% des devises encaissées par l’établissement de crédit dans les comptes ouverts auprès de ses correspondants.

En ce qui concerne les devises encaissées auprès des correspondants en faveur des clients autorisés à détenir des comptes en devises, elles doivent être intégralement virés à la banque centrale pour leur enregistrement dans les comptes en devises de l’établissement de crédit concerné, conformément aux dispositions de l’Instruction n° O4/GR/2022 du 04 février 2022 relative à l’ouverture et au fonctionnement des comptes en devises des établissements de crédit dans les livres de la Beac.

Lire aussi : Réglementation de changes : en 5 ans, les devises rétrocédées à la Beac ont presque triplé à 11 962,3 milliards de Fcfa

En effet, le second alinéa de l’article 7 de cette Instruction stipule que « pour chaque devise, la somme des soldes des comptes ouverts par la clientèle dans les livres des établissements de crédit doit, à tout moment, être égale au solde du compte dans la devise correspondante de l’établissement auprès de la banque centrale ».

Conflit entre la Beac et les banques

Ce n’est pas la première fois que la banque centrale somme les banques de respecter la réglementation des changes. En effet, Abbas Mahamat Tolli, ex-président statutaire de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) et ex-gouverneur de la Beac, avait saisi, le 2 novembre 2020, les établissements de crédit de la Cemac au sujet du « respect de la règlementation des changes ».

« Les divers contrôles effectués tant par la Beac que par la Cobac font état d’une recrudescence de manquements dans l’application de la règlementation des changes. Cette mauvaise observation de la règlementation des changes amène la Beac à infliger des pénalités aux établissements assujettis. À l’évidence, les établissements de crédit privilégient de rentabilité à la contrainte de conformité », avait écrit Abbas Mahamat Tolli.

Avant cette sortie de l’ex-gouverneur, la Cobac avait prononcé des sanctions contre des établissements bancaires, le 28 décembre 2018. Cette année-là, la Cobac a « décidé d’infliger un blâme » à Alphonse Nafack, alors directeur général de la banque camerounaise Afriland First Bank, « pour non-respect de la règlementation des changes et des normes prudentielles ». La même sanction, pour les mêmes motifs, avait été imputée à Isong Udom, directeur général de la filiale camerounaise de United Bank for Africa (UBA). Idem pour Gwendoline Nzo-Nguty Abunaw, DG d’Ecobank Cameroon.

Al’époque, le président de la Cobac notait déjà : « dans la pratique, nous observons que plusieurs établissements de crédit ont tendance à perdre de vue le respect des règles prudentielles édictées par la Cobac et par conséquent, à se surexposer espérant ainsi satisfaire des objectifs de rentabilité ».

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