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Eau, électricité, transport routier : le Tchad décrète la gratuité et réduit les taxes, dans un contexte social explosif

Economie de la circulaire signée le 11 mars 2024 par le ministre des Finances, Tahir Hamid Nguilin, au lendemain de la hausse des prix des carburants ayant engendré la grogne des travailleurs du secteur public, et des tensions politiques qui ont débouché sur la mort de l’opposant Yaya Djillo.

Au Tchad, les consommations d’eau facturées aux ménages par la Société tchadienne des eaux (STE) ou par les Comités de gestion d’eau, y compris au niveau des bornes fontaines publiques, sont gratuites à compter du 1er mars 2024. Ainsi, jusqu’au 31 décembre 2024, soit sur une période de 10 mois, ces consommations seront payées par l’Etat. Cette mesure de gratuité s’étend aux consommations d’électricité facturées aux ménages par la Société nationale d’électricité (SNE) du Tchad, pour un plafond de consommation de 300 Kwh par mois et par abonné. Ces mesures gouvernementales « d’assistance aux ménages et de soutien aux opérateurs économiques » sont contenues dans une circulaire signée le 11 mars 2024 par le ministre tchadien des Finances et du Budget, Tahir Hamid Nguilin, sur « très hautes instructions du président de Transition, chef de l’État ».

En plus de la gratuité des consommations d’eau et d’électricité au cours des 10 derniers mois de l’année 2024, l’Etat tchadien annonce qu’il prendra en charge le paiement de tout ou partie des arriérés de factures de consommation d’eau et d’électricité réclamés aux ménages par les deux entreprises publiques opérant dans ces deux secteurs, selon les cas. « Pour ce qui est des ardoises et autres arrières historiques des ménages auprès de la STE et de la SNE, l’État se substituera à ces derniers pour régler les montants dus à la SNE et à la STE, facture par facture, au mois le mois d’impayé, dans la limite de 300 kwh d’électricité et 15 m3 d’eau par ménage et par mois. Par conséquent, les notifications des avis de coupure ou la réalisation des coupures par la SNE ou la STE pour non-paiement des factures par les ménages au titre de leur usage domestique ne sont plus motivés, sauf pour des cas de dépassements des limites sociales et mensuelles ci-dessus », souligne la circulaire du 11 mars 2024, qui fait également une grosse fleur aux opérateurs économiques du secteur du transport routier.

En effet, à côté de la gratuité des consommations d’eau et d’électricité, et de la promesse du paiement des arriérés des ménages pour ces deux services, le gouvernement tchadien vient de procéder à la réduction de 50% de pratiquement tous les impôts auxquels sont assujettis les professionnels du transport routier. Il s’agit de la patente et de l’impôt général libératoire (IGL) dus au titre de l’année 2024 par les transporteurs individuels, en groupement ou en société assujettis ; de la taxe assise mensuellement sur la location des véhicules et de la taxe due par les agences de transport interurbain par passager transporté ; des droits de douane et des droits d’accises sur les importations de motocycle ; et de la taxe de circulation due par les propriétaires des taxis, bus, minibus et mototaxis aux différentes communes sur le territoire tchadien.

Mesures d’apaisement

« Dans le souci d’assurer l’équité fiscale entre les assujettis ayant souscrit les déclarations dans les délais et ceux ne l’ayant pas encore fait à ce jour, l’application des présentes mesures se fera comme suit : pour les contribuables n’ayant pas souscrit à ce jour les déclarations de patente et de I’IGL, une réduction de 50% leur est accordée sur le montant à verser au Trésor public ; pour les contribuables ayant déjà souscrit des déclarations de patente et de I’IGL en début d’année, il leur est accordé un crédit d’impôt à hauteur de 50% (hors pénalités) des montants versés au Trésor public à faire valoir sur les paiements futurs des impôts, y compris ceux de l’année 2024, à l’exception de ceux dont le contribuable n’est que collecteur », précise la circulaire du ministre des Finances et du Budget.

Bien que le gouvernement n’en fasse pas expressément cas, ces mesures d’accompagnement des ménages et de certains opérateurs économiques apparaissent comme une réponse des pouvoirs publics tchadiens au climat socio-politique qui prévaut dans le pays. Notamment depuis la hausse, en vigueur depuis le 13 février 2024, des prix du super (+41%), du gasoil (+18%) et du jet A1 (5,4%). Cette revalorisation des prix des carburants a aussitôt été dénoncée par les syndicats des travailleurs du secteur public, qui ont, à l’occasion, lancé un mot d’ordre de grève de six jours, à compter du 20 février 2024. Face au mutisme du gouvernement après les six premiers jours de grève diversement suivie par les travailleurs, les syndicats ont décidé de durcir un peu plus le ton, avec une reconduction du mot d’ordre pour deux semaines.

Alors que le débrayage des agents publics était en cours, le 28 février 2024, l’opposant et cousin du président de la transition, Yaya Djillo, a été tué au siège de son parti, suite à des tirs de l’armée sur l’immeuble abritant les locaux de cette formation politique. La veille, celui qui était devenu l’opposant le plus farouche du régime de Ndjamena, après l’entrée au gouvernement de Succès Masra le 1er janvier 2024, avait été officiellement accusé d’avoir fomenté, avec certains militants de son parti, une tentative d’assassinat contre le président de la Cour suprême du Tchad, d’une part, et d’autre part, d’avoir attaqué les locaux de l’Agence nationale de sécurité de l’Etat (Anse), occasionnant plusieurs morts. Dans un tel contexte, il est bien difficile de ne pas considérer les décisions que vient de prendre le gouvernement tchadien comme des mesures d’apaisement face à un climat socio-politique tendu. Certains peuvent également y voir des yeux doux du gouvernement en direction du peuple, à la veille de l’élection présidentielle du 6 mai 2024, au cours de laquelle le président de la transition est candidat à sa propre succession.

Lire aussi : Tensions politiques, hausse des carburants, grève des travailleurs : le Tchad va-t-il s’enflammer à la veille de la présidentielle ?

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