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Entreprises publiques: l’Etat va revoir son actionnariat

Il engage un consultant en vue de diagnostiquer le cadre réglementaire des entités publiques, auditer la gouvernance ainsi que les dysfonctionnements qui entravent la performance et assurer l’évaluation des mécanismes qui régissent ces sociétés à capitaux publics. Le tout devra aboutir à une réforme de sa participation au capital de ces entreprises relevant de son portefeuille et de sa politique actionnariale de manière globale.

Pour rationaliser la gestion des entreprises et établissements publics du Cameroun, la Commission technique de réhabilitation des entreprises et établissements se fixe des objectifs en cinq points portant sur la fixation des objectifs de dividende, la réduction progressive des subventions aux entreprises de faible niveau de performance, l’introduction en bourse des grandes entreprises industrielles, la privatisation des sociétés évoluant dans les secteurs hautement concurrentiels ainsi que la mise en place de mesures d’accompagnement basés sur une meilleure exploitation du marché local.

Ce travail sera effectué par un consultant qui sera recruté par la CTR dans l’optique d’élaborer la politique actionnariale de l’Etat. Dans la phase de diagnostic, l’étude devra analyser le corpus réglementaire et juridique qui encadre le fonctionnement des entreprises et établissements publics du pays. Pour une orientation efficace et rationnelle des participations de l’Etat dans le capital de ces entreprises publiques, il faudra les classifier de manière homogène et proposer une segmentation qui obéissent à des critères de compétitivité ou non et stratégique avant d’évaluer le mécanisme de gestion des participations de l’Etat dans ces entités.

Un état des lieux de la gestion et de la gouvernance permettra de mettre en évidence les dysfonctionnements qui obèrent leur gestion optimale. Le diagnostic sera bouclé avec l’analyse de la taille, la structuration, les chevauchements et/ou les interférences de mission ou encore l’obsolescence es activités, des politiques et des missions. 

La définition de la politique actionnariale de l’Etat devra se traduire par des objectifs stratégiques et opérationnels en cohérence avec la situation économique du pays, la décentralisation ainsi que la SND 30. Après avoir modélisé les différents scénarios sur la base des objectifs fixés, des critères partagés et des indicateurs macroéconomiques, il sera question de déterminer les critères justifiant l’actionnariat public, partager des modalités de redimensionnement et de rationalisation du portefeuille des entreprises et établissements publics en fonction de leur statut et de leur caractère financier, commercial et industriel.

L’étude qui va se conclure par l’élaboration des instruments juridiques d’accompagnement de cette réforme actionnariale, proposera une stratégie de pilotage et de suivi des participations de l’Etat au capital des entreprises relevant du portefeuille de l’Etat ainsi que la distribution des dividendes ; un cadre juridique et institutionnel permettant de garantir une meilleure surveillance de ces entités d’une part, et d’autre part, d’assurer de façon optimale le pilotage, la coordination et le suivi-évaluation de la politique actionnariale de l’Etat. Grâce au benchmarking, des lignes directrices de l’actionnariat public seront définies sur la base des bonnes pratiques de bonne gouvernance inspirées d’ailleurs. Toutes choses qui permettront à l’issue de ce travail, d’élaborer une stratégie de mise en œuvre de l’actionnariat de l’Etat au sein des entreprises publiques.

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Exigences de rentabilité

Dans un document annexé à la loi de finances 2021, le gouvernement fait état des faiblesses et des carences constatées dans la politique actionnariale de l’Etat au sein des entreprises publiques notamment en ce qui est de la rentabilité de ses investissements. « (…) Globalement, l’État actionnaire ne dégage pas une rentabilité sur ses investissements en actions, situation due en grande partie aux faibles performances économiques des entreprises publiques, ainsi qu’à une mauvaise politique financière implémentée par ces dernières.»

Quelques mois plus tôt, la CTR, évaluant la rentabilité économique de 38 entreprises publiques, sur les 44 qui constituent son portefeuille, indiquait que la  rentabilité financière des entreprises relevant du portefeuille de l’Etat s’était fortement détériorée. «En effet, le taux de rentabilité financière s’établit à -14,5%, soit 6,5 points de moins qu’en 2018. Depuis l’exercice 2017, cette rentabilité est plombée par la situation structurellement déficitaire de ces entreprises ».

En cause, cinq facteurs aggravant : l’absence d’innovation technologique ; la présence dans l’outil de production des immobilisations non productives et non nécessaires à l’exploitation ; l’absence des économies d’échelle et une structure pléthorique de coûts, dont notamment la masse salariale qui constitue une composante majeure des charges de ces entreprises ; un besoin en fonds de roulement toujours important lié au déséquilibre de la structure financière des entreprises publiques ; une stratégie marketing peu efficace, voire moribonde.

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Face à ces tares congénitales dans certains cas, l’Etat décide de revoir sa politique actionnariale. «L’Etat a de tout temps eu une politique actionnariale agressive ; celle-ci consistait en la prise de participation dans toutes les entreprises étrangères qui s’installait au Cameroun. Ce fut le cas avec les Brasseries du Cameroun, Cimencam ou encore la Sosucam et bien d’autres. Cela devrait constituer encore aujourd’hui l’une des conditionnalités à remplir pour l’implantation d’une entreprise étrangère dans le pays », explique un cadre de la division des participations au ministère des Finances.

En fait, assure-t-on, au-delà de la réduction des interventions directes de l’Etat au travers des subventions dont l’efficacité reste questionnable, l’Etat entend changer de paradigme et mettre en performance les entreprises relevant de son portefeuille afin que celles-ci soient rentables et génèrent des revenus à même de l’aider à réaliser et atteindre ses objectifs de développement.

«Si une entreprise laisse entrevoir des signes de faiblesses, l’Etat s’en libérera et en deviendra actionnaire après son inscription en bourse, question d’atomiser les risques et de tirer d’importants dividendes. Cela va réduire ses interventions directes et rendra les entreprises compétitives une fois inscrites en bourse où elles pourront désormais mobiliser des ressources pour leur stratégie de développement», explique un responsable du ministère des Finances.

Simon Pierre Mbarga

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