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Innovation technologique : le Cameroon Digital Innovation Centre en hibernation

L’infrastructure construite et équipée à près de 6 milliards Fcfa, que le gouvernement plaçait au cœur de la stratégie de développement de l’économie numérique du pays, est restée portes closes depuis son inauguration, en février 2022. Désillusion chez les 12 premiers startupers admis en incubation dans cette structure qui prend les allures d’un éléphant blanc. Selon nos informations, le CDIC n’a jamais été rétrocédée à l’Etat, pour non règlement de la facture du consultant français PhoneControl Solution, adjudicataire du marché.

L’arrivée du Cameroon Digital Innovation Centre (CDIC), en français Centre pour le développement de l’économie numérique, portait la promesse de transformer la vie d’Erik Gyslain Dzembouong Tiam, Arnaud Rostand Njoh Wollo ou encore Flaubert Kame Dime, et leur permettre de devenir de véritables champions nationaux de l’innovation technologique au Cameroun. Ces trois jeunes startupeurs ont été les vainqueurs avec 9 autres du challenge numérique organisé par le ministère des Postes et Télécommunications (Minpostel) en prélude à la 3e semaine de l’innovation numérique, début 2022. Le premier a mis au point AGROPAD, un kit d’irrigation solaire intelligent doté des capteurs géré par l’intelligence artificielle et disposant d’une application web/Android déjà en ligne. Son projet vise, en effet, à pallier la baisse de la productivité agricole à l’heure des dérèglements climatiques et de la sécheresse, qui constituent un véritable sujet de préoccupation au Cameroun. Le deuxième startupeur propose Thinfood, pour faciliter la livraison de produits alimentaires et pharmaceutiques à partir d’une application mobile.

Le troisième projet, à savoir Smartbox-Station, propose des adresses de livraisons sous forme de casiers intelligents à colis connectés, pour répondre au problème de livraison dans le e-commerce en Afrique centrale en général et au Cameroun en particulier. Toutes ces innovations et celles des 9 autres lauréats du challenge mentionné supra avaient été admises en incubation au CDIC pour y poursuivre et achever leur maturation afin qu’ils aient grâce aux yeux des financiers, avec le concours d’un certain nombre d’experts recrutés pour les besoins de la cause par le gouvernement. Mais, 2 ans après l’inauguration de ce centre par pas moins de 4 ministres de la République, le 8 février 2022, c’est la désillusion totale chez les porteurs de ces innovations en particulier et chez les jeunes créateurs de projets innovants en général. Car, le CDIC qui avait été inauguré en grande pompe sous les regards impressionnés d’une palette de jeunes chefs d’entreprise venus juger de la qualité de l’œuvre, après sa construction et son équipement qui auront coûté près de 6 milliards Fcfa est depuis resté en hibernation : pas d’experts en poste, ni de projets actifs dans cette structure prend les allures d’un éléphant blanc.

Industrie locale du numérique                     

Ambitieuse au départ, cette infrastructure avait vocation à détecter, incuber et développer des projets dans le domaine de l’innovation technologique, afin de faire émerger une industrie locale du numérique au Cameroun. Par sa réalisation, le gouvernement de la République disait apporter une réponse concrète à quelques-unes des priorités stratégiques de la jeunesse camerounaise dans un monde qui se transforme désormais à la vitesse de la lumière. « La construction du CDIC témoigne en tout cas de la sollicitude des pouvoirs publics à l’égard d’une jeunesse dont le gouvernement avait pris soin d’identifier, selon une approche participative, les besoins, en ces temps où la nouvelle économie s’impose à tous », soulignait la Minpostel, Minette Libom Li Likeng, lors de l’inauguration de ce centre. L’arrivée du CDIC visait dans le détail à offrir un cadre propice à l’expression du génie créateur aux porteurs de projets et jeunes diplômés, développer une industrie locale du numérique, favoriser la création d’entreprises TIC et soutenir les processus de développement des entreprises, mettre en place des relais technologiques entre l’entreprenariat, la recherche, les petites et moyennes entreprises et les multinationales. Il s’agissait également d’apporter des solutions aux besoins exprimés par les entreprises camerounaises à la recherche de solutions techniques, des solutions à l’épineuse problématique du financement de la startup numérique, assurer le recyclage, le perfectionnement et la spécialisation des acteurs en relation avec les métiers du numérique, promouvoir un environnement favorable à l’innovation, drainer des investissements directs étrangers, etc.  

Imprimantes 3D

Présenté comme un projet cher au chef de l’Etat, Paul Biya, le CDIC constitue « une grande opportunité pour la jeunesse camerounaise », pour le ministre d’Etat, ministre de l’Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo, qui a co-présidé – pour des raisons évidentes – la cérémonie d’inauguration du 8 février 2018. Le 10 février 2016, déjà, le président de la République, lui-même, avait invité toute la nation à se mobiliser résolument pour accompagner les nombreuses initiatives de nos jeunes dans ce domaine. « À chaque génération ses défis historiques, pour le devenir de la nation ! Je puis dire que, pour notre jeunesse, l’un des défis majeurs est de réussir l’arrimage à ce phénomène marquant qu’est l’économie numérique », avait-il lancé. Sur le plan du plateau technique, le CDIC est constitué d’un centre de contact dont le rôle est de traiter tous les appels entrants et sortants. Il offre tous les services multimédias et réseaux nécessaires lors des campagnes d’appels. Le Job portail met en relation les offreurs et demandeurs d’emploi dans les métiers du numérique. Véritable data center, la salle blanche est constituée de serveurs Cloud et de serveurs applicatifs, tous de haute performance et de dernière génération.

L’infrastructure dispose également d’un laboratoire de prototype 3D équipé de cinq imprimantes 3D haut de gamme adaptées aux besoins des startups pour les problématiques de prototypage, à l’instar de l’imprimante chocolat. Constitué de caméras professionnelles, de banc de montage, de table de mixage de logiciels et kits divers, le Studio de montage/création numérique offre tout le nécessaire pour permettre aux jeunes créateurs, monteurs, réalisateurs et communicants de réaliser leurs contenus multimédias dans des conditions techniques optimales leur permettant de rivaliser avec les agences professionnelles dans le domaine de la publicité, de la création graphique, de la presse, de l’audiovisuel et du cinéma. On y retrouve enfin des salles de cours connectées, des espaces de co-working ou encore la cafétéria, qui sont également aménagés d’une manière assez impressionnante.

Comment cette pépinière d’entreprises en est-elle venue à rester non fonctionnelle deux ans ? Pourquoi l’incubation proprement dite n’a toujours pas démarré. Un haut responsable du Minpostel, partie prenante au projet, indique que le blocage provient de difficultés budgétaires. En effet, bien qu’inaugurée, la structure construite sur financement issus du Fonds spécial des télécommunications aujourd’hui gelé, n’a jamais été rétrocédée à l’Etat du Cameroun par l’entreprise française PhoneControl Solution, qui a financé et réalisé les travaux. La raison ? Elle n’a toujours pas été payée. Le problème, apprend-on, va être réglé incessamment. Et en attendant, l’incubation au niveau du ministère se fait essentiellement en ligne comme par le passé.

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