A la UneBanques et Finances

Réglementation de changes, recrutement à la Beac, climat de travail…Yvon Sana Bangui calme le jeu

Le nouveau gouverneur qui annonce le retour de la sérénité au sein de la Banque des Etats de l’Afrique centrale, s’engage non seulement à améliorer substantiellement la position extérieure de la Cemac, mais aussi à rétablir les principaux équilibres macroéconomiques. Le Comité de Politique Monétaire (CPM) tenu le 25 mars, a tablé sur un taux de croissance de 3,5% à fin 2024.

C’est une équipe un peu fébrile et alerte autour du nouveau gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) calme et confiant, qui est apparue à la presse sous-régionale ce 25 mars, au terme de la première session ordinaire du Comité de Politique Monétaire (CPM) de l’année 2024. Serein et parfaitement au fait des chiffres et des dossiers, Yvon Sana Bangui qui venait de présider cette instance pour la première fois depuis sa prise de fonctions à Yaoundé le 1er mars dernier, a déroulé sur les enjeux stratégiques de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) et pris quelques engagements qui structurent l’avenir immédiat de l’institut d’émission et ses défis à moyen et long termes. Notamment, au sujet de la règlementation des changes à laquelle il engage tous les acteurs économiques à se soumettre. « En annonçant ce nouveau mandat, je m’inscris totalement, avec les collaborateurs en charge de la réglementation des changes, dans l’optique de renforcer davantage le respect de celle-ci. Il y va de la stabilité de notre système monétaire », commence-t-il. Avant d’assurer, s’agissant de l’obligation de rapatriement des devises destinées à la remise en état des sites (fonds RES) en fin d’exploitation, que les discussions se poursuivent avec les industries extractives. « Toutes les parties prenantes, notamment nos États, se sont impliquées. Et c’est un processus qui est toujours en cours. C’est vrai que les datelines fixés n’ont pas été respectés, mais je vous l’ai dit, nous allons faire respecter la réglementation des changes. Il est question de l’intérêt de la communauté ».

Lire aussi : La Beac maintient inchangés ses taux directeurs pour la 4e fois d’affilée

Cette réglementation dispose, en effet en article 183 que : « dans les secteurs particuliers, notamment des hydrocarbures et des mines, en cas d’obligation légale ou contractuelle de constituer une dotation financière ou un fonds financier pour la réhabilitation d’un site en fin d’exploitation, la banque centrale peut ouvrir au nom de l’Etat concerné et de son contractant ou de l’exploitant, le cas échéant, des comptes en devises ou en Fcfa, afin d’y domicilier les ressources y afférentes ». Des sources autorisées parlent d’un pactole d’environ 5000 milliards de Fcfa en contre-valeur. Les modalités de rapatriement de ces fonds avaient été définies dans un règlement Cemac pris en 2021 et par une instruction de la Beac datant de 2022, mais les géants pétroliers anglo-saxons tels ExxonMobil, Marathon, Chevron ou encore Texaco, ont toujours freiné des quatre fers pour rapatrier à la Beac la totalité des réserves pourtant constituées.

L’argentier sous-régional est également revenu sur le dernier recrutement des agents d’encadrement supérieur organisé en 2022, et qui avait été suspendu après que l’ancien président du Conseil d’administration, ministre des Finances et du Budget de la République centrafricaine, Hervé Ndoba, a émis de sérieuses réserves sur « sa fiabilité » et « sa crédibilité ». L’ex-gouverneur, Abbas Mahamat Tolli, était accusé, entre autres récriminations, d’avoir favorisé la présélection de ses proches et ceux de certains dirigeants communautaires au terme du concours de recrutement organisé le 22 mai 2022. « Le dossier du concours est aussi en cours de traitement. Les instances ont commandé un audit, et nous sommes dans cette attente. Cet audit viendra mettre en exergue les insuffisances, les succès aussi puisqu’il n’y a pas eu que des points négatifs », assure le gouverneur, qui ajoute que « le sujet est d’autant plus important que la première richesse de la banque centrale c’est son personnel ». « C’est pour cela que nos instances de contrôle et de gestion s’attèlent à ce que les concours à la Beac soient transparents et que les candidats reçus soient les meilleurs ». Yvon Sana Bangui demande à la presse de prendre son mal en patience et assure qu’à la fin du processus, une communication sera faite. 

Une nouvelle dynamique

Après le climat de quasi-anarchie qui a régné au sein de la banque centrale, marqué notamment par un excès de zèle qui a poussé un membre du gouvernement, le directeur général du contrôle général, Eugène Blaise Nsom, en l’occurrence, à outrepasser ses compétences en « décrétant » la fin du mandat du gouverneur sortant le 06 février 2024, le nouveau gouverneur qui a une parfaite connaissance de cette institution au sein de laquelle il a fait l’essentiel de sa carrière et gravi tous les échelons en 19 ans – son dernier poste est celui de directeur central des systèmes informatiques -, annonce le retour de la sérénité. « Le personnel est confiant en ses dirigeants. Nous travaillons en parfaite collaboration, et je puis vous assurer que nous marquons un nouveau départ dans la franche collaboration, dans le respect mutuel et dans le professionnalisme. La Beac se porte bien et aujourd’hui nous allons consolider le personnel à être une famille qui poursuit le même objectif. Je suis là pour impulser une nouvelle dynamique pour qu’ensemble nous puissions faire rayonner notre institut d’émission commun à l’ensemble des Etats de la Cemac », assure-t-il. 

Lire aussi : Gouvernance : les détails du projet « G-A-P » de Sana Bangui à la BEAC

Au terme de la session du Comité de Politique Monétaire, la Beac prévoit du reste quelques contreperformances, marquées par une dégradation des indicateurs des finances publiques, avec notamment un solde budgétaire, hors dons, qui reviendrait de 0.0% du Pib en 2023 à -0,2% du Pib en 2024, et une contraction de l’excédent du compte courant dons officiels compris, qui reculerait de 3,5% du Pib en 2023 à 1,5% du Pib en 2024. La Beac anticipe également un léger repli des réserves de change de 2,7% à 6 699 milliards Fcfa à fin 2024, correspondant à un taux de couverture extérieure de la monnaie de 74,2% et des réserves en mois d’importations de biens et services à 4,3 en 2024 contre 4,8 en 2023. Cette légère baisse des réserves de change est liée à la hausse des importations suite au dynamisme des activités économiques. « En effet, il faut relever que les réserves de change sont largement au-dessus du seuil critique de trois mois d’importations des biens et services pour tous les pays du monde. Dans notre contexte, la Beac ne ménagera aucun effort pour une bonne mise en œuvre de la réglementation des changes afin d’amener tous les secteurs d’activité à se conformer aux dispositifs en vigueur et aussi à l’effet de conforter notre position extérieure », promet le gouverneur. Au terme des prévisions, poursuit-il, la Cemac devrait disposer de réserves de change supérieures au seuil de 5 mois recommandé pour les pays exportateurs de matières premières comme c’est le cas pour tous les pays de la sous-région.

Croissance du PIB

Néanmoins, les prévisions des services de la Beac sont globalement optimistes avec une croissance de 3,6% en 2024 contre 2% en 2023. Ceci en lien avec « le dynamisme observé aujourd’hui dans le secteur pétrolier et surtout la fermeté des activités non pétrolières, soutenues par la stratégie d’import-substitution », explique Yvon Sana Bangui. Non sans préciser que si ces prévisions venaient à se concrétiser, ce serait la toute première fois en près de 10 ans que le taux de croissance sous-régional dépasse 3%. « Que ce soit au niveau de la commission de la Cemac ou de la Beac, nous travaillons à diversifier nos économies aux fins d’atteindre ces objectifs. Le secteur non pétrolier sera tiré essentiellement par les entreprises du secteur brassicole, l’agriculture et les services marchands. Il faut relever aussi la bonne tenue des services financiers », conclut le gouverner. Un bémol tout de même : l’optimisme affiché aujourd’hui est à relativiser au regard de la persistance anticipée des tensions inflationnistes dans le monde.

Dans le but de juguler l’inflation, justement, le Comité de Politique Monétaire a décidé de maintenir inchangés le taux d’intérêt des appels d’offres à 5%, le taux de facilité de prêt marginal à 6,75%, le taux de facilité de dépôt à 0% et les coefficients des réserves obligatoires à 7% sur les exigibilités à vue et à 4,5% sur les exigibilités à terme, pour le premier semestre 2024.

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page