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Régulation financière: de nouvelles règles pour avoir accès aux devises

Selon la nouvelle réglementation implémentée par la Banque des Etats de l’Afrique centrale, l'ouverture d'un compte en devises dans la CEMAC au profit d'un résident, par exemple, n'est pas autorisée.

La Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) vient de publier la nouvelle réglementation relative à l’activité de change dans la CEMAC (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad). En parcourant ladite règlementation, l’on apprend que l’ouverture d’un compte en devises hors de la CEMAC est interdite aux personnes morales résidentes, à l’exception des établissements de crédit. Les résidents ici sont ceux qui vivent dans la sous-région ou qui ont leur centre d’intérêt économique prédominant dans la CEMAC.

Sont aussi concernés, ceux qui séjournent même de façon discontinue pendant plus d’un an dans l’un des pays de la sous-région ou ayant l’intention d’y exercer une activité économique pendant au moins un an, y compris les réfugiés. Toutefois, indique la BEAC, la Banque centrale peut autoriser une personne morale résidente à ouvrir un compte en devises hors de la CEMAC dans les conditions et modalités fixées par elle. Par la suite, la Banque centrale en informe le ministère en charge de la Monnaie et du Crédit.

le compte en devises ouvert dans la sous-région ne peut être crédité ni de versements en franc CFA, ni par le débit d’un compte en franc

Désormais, les comptes des personnes physiques résidentes ouverts à l’étranger doivent être déclarés à la Banque centrale. Aussi, l’ouverture d’un compte en devises dans la CEMAC au profit d’un résident n’est pas autorisée. Toutefois, la BEAC peut autoriser une personne morale résidente à ouvrir un compte en devises dans la CEMAC dans les conditions et modalités fixées par elle.

Enfin, le compte en devises ouvert dans la sous-région ne peut être crédité ni de versements en franc CFA, ni par le débit d’un compte en franc CFA. En outre, il ne peut présenter un solde débiteur. Les retraits de devises sur un compte de résident en devises pour la couverture de besoins locaux sont interdits.


>> Lire aussi – Commerce extérieur: alerte rouge sur les devises dans les banques camerounaises


Cette nouvelle réglementation de la BEAC vise à juguler la rareté des devises dans la zone CEMAC. Car les agents économiques se plaignent de ne pas pouvoir mener leurs activités, faute de liquidités. A cette préoccupation, la Banque centrale répond qu’il s’agit d’une pénurie entretenue artificiellement par les banques commerciales.

Effet à court terme

La rareté des devises est la suite naturelle de l’effondrement des réserves de change dans la Zone Cemac depuis la crise pétrolière de 2014-2016. De plus, la menace d’une dévaluation éventuelle du FCFA par rapport à l’euro a poussé bon nombre de personnes riches, y compris les banques commerciales à conserver leurs avoirs en devises (dollars, euro) plutôt qu’en FCFA

les transactions liées aux exportations de biens dont le montant est égal ou supérieur à 5 millions FCFA doivent être domiciliées auprès d’un établissement de crédit de la Cemac. Idem pour ce qui concerne les importations.

Cependant, analysent certaines experts, cette mesure de la Beac aura un effet à très court terme, car le problème de fond est la forte dépendance des pays de la zone Cemac aux importations et l’effondrement des revenus d’exportations desdits pays. Les experts proposent quelques mesures profondes, à savoir : la restriction des importations des biens et services qui peuvent être faits localement comme les produits textiles, les produits alimentaires, les produits issus du bois, l’audit des comptes …, l’interdiction des importations des biens de luxes lorsque l’argent provient de la Zone CEMAC, la transformation locale de certaines matières premières comme le bois et bien d’autres avant leur exportation, l’encouragement des échanges entre les pays de la Cemac…

Durcissement des règles pour l’importation de biens et le rapatriement des recettes

Selon la réglementation promulguée actuellement par la Banque centrale (Beac) de la sous-région, les transactions liées aux exportations de biens dont le montant est égal ou supérieur à 5 millions FCFA doivent être domiciliées auprès d’un établissement de crédit de la Cemac. Idem pour ce qui concerne les importations.

Les opérations de crédit-bail portant sur l’exportation d’équipements ou de matériels sont assimilées à des exportations à paiement différé et sont désormais soumises à l’obligation de domiciliation bancaire. Toute exportation de biens donne lieu à la souscription d’une déclaration d’exportation auprès de l’administration des douanes ou de l’entité tenant lieu et d’un engagement de change ferme qui oblige l’exportateur à rapatrier et céder les recettes afférentes dans les délais réglementaires applicables.

L’exportateur dispose d’un délai maximum de 150 jours, à compter de la date effective de l’exportation pour encaisser et rapatrier le produit des exportations résultant des ventes fermes. Ainsi, les recettes d’exportation des biens sont recouvrées et rapatriées par l’exportateur à travers sa banque domiciliataire par l’entremise de la Banque centrale. A la demande de l’exportateur, la banque domiciliataire peut procéder au règlement des remises commerciales et financières ou des retours de marchandises intervenus sur des exportations, sur présentation des pièces justificatives.

Pour ce qui est des importations de biens dans la Cemac, elles sont libres, à l’exception de l’or et des autres biens soumis à une réglementation spécifique. En outre, les Etats de la sous-région peuvent soumettre à des restrictions, l’importation de certains biens pour raison humanitaire, de santé, de sécurité, de sûreté ou environnementale.

A en croire la Banque centrale, « la plupart des établissements s’inscrivent en marge de la réglementation applicable», en s’illustrant par des «manquements qui entachent les opérations de transferts», et brillent par le «non-rapatriement des recettes d’importation par le canal de la Banque centrale». Et pourtant, au sortir du Sommet de crise des chefs d’Etats de la Cemac de décembre 2016, à Yaoundé, les chefs d’Etat des pays membres avaient prescrit la prise de mesures urgentes visant à arrêter la baisse drastique des réserves de change, qui exposait à une dévaluation du franc Cfa usité dans cette communauté.

Abbas Mahamat Tolli invite donc tous les agents économiques dont les demandes de transfert seraient rejetées par les banques, au motif de la rareté des devises, d’en informer la direction nationale de la BEAC de leur pays de résidence, avec tous les éléments justificatifs

Aussi, la BEAC avait-elle entrepris d’être plus rigoureuse sur les conditions des transferts internationaux des fonds par les banques, au grand dam des opérateurs économiques, qui étaient alors montés au créneau ; notamment au Cameroun, où le principal importateur de poissons se plaignait de ne plus pouvoir payer ses fournisseurs à l’étranger, afin d’approvisionner le marché

Devises : des sanctions planent sur les banques

Abbas Mahamat Tolli, le gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) a récemment fait une sortie au sujet des informations « infondées et totalement inexactes » relayées dans la presse, faisant état d’une rareté des devises dans la CEMAC (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad). Ceci du fait d’une politique de rationnement qui serait entretenue par la Banque centrale.

« Au quotidien, la BEAC met à la disposition des agents économiques, à travers les banques, les devises sollicitées dès lors que les dossiers soumis sont conformes aux exigences de la réglementation des changes. Celle-ci prescrit aux banques, en son article 34, un délai de deux jours ouvrés pour l’exécution des ordres remis par la clientèle, sous réserve que toutes les conditions de conformité à la réglementation des changes et au dispositif de lutte anti-blanchiment soient réunies », a déclaré le gouverneur.

Abbas Mahamat Tolli invite donc tous les agents économiques dont les demandes de transfert seraient rejetées par les banques, au motif de la rareté des devises, d’en informer la direction nationale de la BEAC de leur pays de résidence, avec tous les éléments justificatifs. Sur un ton menaçant, le gouverneur a déclaré : « La Beac se réserve le droit de mener toutes les actions nécessaires, en particulier l’application des sanctions prévues par la réglementation des changes en vigueur, à l’encontre des banques qui, par leur pratique, entraveraient la bonne réalisation des opérations internationales des agents économiques ».

Aux dires de M. Tolli, la Banque centrale dispose d’avoirs en devises permettant de couvrir largement les besoins des économies de la CEMAC. A preuve, ajoute-t-il, la stabilité extrême de la monnaie de la zone est confortable comme l’atteste son taux de couverture extérieure qui s’établit à plus de 62 %.

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