Politiques Publiques

Yaoundé: le gouvernement débordé par la crise…de l’eau

Si Camwater est mis à l’index en raison de sa gestion pour le moins équivoque de la station de captage de Mbalmayo et des réseaux de transport et de distribution déclarés en grande partie vétustes, les pénuries d’eau inédites qui frappent la capitale mettent surtout en évidence une certaine inertie de l’Etat dans la conduite du Projet d’alimentation en eau de la ville de Yaoundé et ses environs, depuis 2017.

Les problèmes d’approvisionnement en eau potable persistent depuis plusieurs années à Yaoundé, mais ces difficultés ont atteint un pic depuis le mois de juillet dernier. En cause, des perturbations au niveau de la station de captage d’eau d’Akomnyada (Mbalmayo), qui fournissait jusque-là plus ou moins 130.000 mètres-cubes d’eau par jour à la capitale. La Cameroon Water Utilities (Camwater), l’entreprise publique en charge de la production et de la distribution de l’eau, qui procède désormais par un rationnement quitte à ce que certains quartiers restent au régime sec pendant des jours, voire des semaines entières, signale un « fonctionnement anormal des groupes électropompes?; la défaillance du fonctionnement automatique des groupes électropompes de captage?; la difficulté d’intervention sur les problèmes électriques?; la discordance des vannes en cas de coupure de courant?; la profondeur insuffisante de pose des canalisations d’aspiration?; la non-immobilisation des conduites d’aspiration au fond du fleuve?; la faible taille des mailles des crépines d’aspiration », etc.

Il s’agit, en effet, des mêmes dysfonctionnements diagnostiqués il y a plus de 10 ans et pour la correction desquels un investissement de 4 milliards Fcfa avait été consenti à partir de 2009. C’est les entreprises américaines General Electric et Environmental and Chemical Corporation qui avaient mené poussivement les travaux de remise à flot de cette station construite en 1985. Mais, depuis la livraison du chantier en 2017, la production n’a jamais été à la hauteur de la capacité installée, ce qui explique que les villes de Mbalmayo et Yaoundé qui sont desservies par cette infrastructure continuent de recevoir de l’eau au compte-gouttes. Au cours des dernières semaines, la production sur ce site a chuté à 80.000 mètres-cubes par jour, alors que la demande quotidienne dans la seule ville de Yaoundé est estimée à 350.000 mètres-cubes, selon les chiffres officiels datant de 2019. Descendu en catastrophe sur le site de la station, le 05 septembre dernier, le ministre de l’Eau et de l’Energie (Minee), Gaston Eloundou Essomba, pour qu’il n’y a pas eu de « problème majeur » depuis janvier 2022 sur cette infrastructure, a instruit le conseil d’administration de la Camwater de tout mettre en œuvre afin que la production de la station de captage d’Akomnyada soit relevée à 130.000 mètres-cubes sous huit jours.

Station d’eau de la Mefou

Il espère ainsi, grâce au concours des autres ouvrages, à l’instar de la station d’eau de la Mefou, construite à l’ouest de Yaoundé et opérationnelle depuis 2018, atteindre à nouveau une production journalière cumulée de 185000 mètres-cubes. En plus de la descente du Minee à Mbalmayo, une réunion interministérielle relativement cette crise de l’eau aiguë est annoncée le 12 septembre prochain sur le site d’Akomnyada. Le chef de division de la communication de Camwater, Emmanuel Atangana, indique que « cette assise va permettre de relancer la filière ultrafiltration de la station de production ». En instruisant le relèvement de la production d’Akomnyada sous huitaine, le ministre de l’Eau et de l’Energie minimise visiblement les aspects de la crise liés à la vétusté de l’infrastructure de production et de transport et semble omettre que la crise est structurelle. Dans un récent rapport, la Camwater pointe une démographie galopante sur fond d’extension de la ville et une explosion de la demande en eau. Le gouvernement aurait pourtant pu anticiper efficacement cette situation qui s’aggrave au moment même où le spectre d’une nouvelle épidémie de choléra plane sur capitale, si une certaine inertie ne s’était pas installée dans la conduite du Projet d’alimentation en eau de la ville de Yaoundé et ses environs à partir du fleuve Sanaga (Paepys), lancé en 2017.

Énorme retard

Selon le gouvernement, ce projet apportera à terme une production supplémentaire de 300.000 m3 extensibles à 400.000 m3 d’eau par jour à la capitale. Le montant total du financement du Paepys s’élève à 339 Fcfa. Dans le détail, la République populaire de Chine finance à 85% les travaux, les 15% restants représentant la contrepartie de l’Etat du Cameroun. Le 28 mars 2016, c’est-à-dire, peu avant le lancement du projet, l’ancien ministre de l’Eau et de l’Eau (Minee), Basile Atangana Kouna, lors d’une descente sur le terrain, avait annoncé que les premiers mètres-cubes du Paepys allaient être livrés à partir de la fin d’année 2019. Après ce premier rendez-vous manqué, son prédécesseur, Gaston Eloundou Essomba, a, en juillet 2021, annoncé pour fin 2022 la fin des travaux dont le taux de réalisation se situait alors à 78%. Alors que l’on s’achemine vers la fin de l’année et donc de la nouvelle échéance, il y a lieu de dire que même si sur le terrain le chantier est livré, la mise à niveau du réseau de distribution et l’extension qui s’imposent, elles, ne pourraient que difficilement être réalisées d’ici là.

La mise en route de ce pan du Paepys a pris un énorme retard, puisque ce n’est qu’il y a quelques jours que le ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat), Alamine Ousmane Mey, a annoncé avoir sollicité auprès d’Eximbank-Inde, un emprunt de 23 milliards Fcfa destiné au financement des travaux de construction d’un réseau tertiaire de 348 kilomètres et la réalisation de 29 248 branchements particuliers. De toute évidence, la crise de l’eau à Yaoundé a encore de beaux jours devant elle.

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