A la UneBusiness et Entreprises

En hausse dans la plupart des pays de la Cemac, le prix de la bière fait de la résistance au Cameroun

En raison de la hausse des prix des matières premières, des coûts de l’énergie, du transport et des charges fiscales contenues dans les lois de finances de plusieurs pays, le coût de la bouteille de bière a pris l’ascenseur au Congo, au Gabon, au Tchad. Ramant à contre-courant de cette conjoncture que vit le principal groupe brassicole de la sous-région, le Cameroun, malgré les pressions des opérateurs du marché, ne cède rien.

La pilule de l’augmentation du prix de la bière a été dure à avaler à Libreville au mois de février dernier. La Société des brasseries du Gabon (Sobraga) a dû s’expliquer face à la levée de boucliers des consommateurs, surpris par une hausse de 10 à 20% des prix de la bière dans le pays. De fait, apprend-on dans le communiqué publié le 07 février 2024 à cet effet, c’est à cause de la dégradation de la conjoncture internationale que le brasseur a été contraint d’opérer cette augmentation de prix de ses produits. 

Celle-ci, assure l’entreprise, se caractérise par la « hausse des prix des matières premières, de l’énergie et des transports » observée ces dernières années. Ce qui l’a amené « à rééquilibrer ses prix, afin de continuer à améliorer la qualité et la disponibilité de ses produits sur l’ensemble du territoire ».

La fièvre de l’augmentation des prix

Au Congo, les dirigeants des deux sociétés brassicoles du pays, Brasco et Bralico, ont revalorisé de 20% le prix de la bière en raison de la hausse des obligations fiscales des entreprises du secteur et de la hausse des matières premières. Cette décision a été prise en réaction à la volonté du gouvernement de revaloriser le prix du sac de ciment.Mais cette décision a été retoquée quelques jours plus tardpar le gouvernement, le ministre congolais du Commerce qualifiant l’initiative des brasseurs locaux, contraire à la loi qui réglemente les prix, les normes commerciales, la constatation et la répression des fraudes commerciales.

Au Tchad, si la filiale locale du groupe Castel, Brasseries du Tchad, agite les mêmes raisons pour augmenter ses prix, il y a qu’en plus de cette raison, elle attribue cette mesure aux dispositions de la loi de finances 2024, qui ont revu à la hausse certaines obligations fiscales sur les produits brassicoles. Du coup, depuis le mois de mars dernier, les prix ont augmenté à Ndjamena. 

En République centrafricaine, la brasserie Mocaf, filiale locale du groupe Castel, n’a pas encore procédé à l’augmentation de ses prix cette année. Néanmoins, le brasseur subit lui aussi les contrecoups de la hausse des prix du gasoil à la pompe, de la revalorisation de 30% des frais à payer au port sec et de ceux des prix du malt de 30%.

Dégradation de la situation macroéconomique mondiale, pandémie de Covid-19, ou encore la guerre en Ukraine ont conduit à une flambée généralisée des prix de l’énergie, des transports et des matières premières. Une situation qui impacte le secteur brassicole en zone Cemac qui doit, en plus de ces facteurs, faire face à la pression fiscale. Conséquence, le prix de la bière mousse au Congo, au Gabon en ainsi qu’au le Tchad. 

Le Cameroun fait de la résistance

Au Cameroun, en dépit du plaidoyer de la Cameroon association of alcohol producers (Capa), le gouvernement fait la sourde oreille. Pourtant, les producteurs d’alcool du Cameroun pointent du doigt, les nouvelles mesures fiscales contenues dans la loi des finances concernant le marquage fiscal des bières. Bien que le gouvernement justifie cette mesure par des raisons de contrôle et de protection des intérêts des industriels, les brasseurs constatent un accroissement des coûts de production, en plus de la conjoncture défavorable dans le secteur ces dernières années.

Pour obtenir l’augmentation du prix de la bière, les sociétés brassicoles excipent l’augmentation des tarifs de l’électricité aux entreprises de l’ordre de 30% depuis le 1erjanvier 2023. À titre d’illustration, pour faire face à l’explosion de la subvention des produits pétroliers à la pompe, le gouvernement a revalorisé les prix des carburants en février 2023, de 630 à 730 Fcfa pour le Super, et de 575 à 720 Fcfa pour le gasoil. En février 2024, les prix des produits pétroliers ont encore augmenté de 110Fcfa pour le Super et de 100Fcfa pour le gasoil. 

Pendant ce temps, la loi de finances 2023 a étendu la taxe spéciale sur les produits pétroliers au gaz industriel utilisé comme énergie d’appoint par les entreprises, face aux coupures incessantes d’énergie électrique observées dans le pays. Cette mesure imposait alors aux consommateurs du gaz industriel, approvisionnés par Gaz du Cameroun, de payer au fisc 70 Fcfa par mètre cube de gaz consommé. Au passage, et profitant de la situation, le gazier avait lui-même relevé ses tarifs de 20%.

Le plaidoyer des brasseurs

En dépit de l’ajustement de 10 Fcfa de cette taxe dans la loi des finances 2024, les patrons de l’industrie brassicole camerounaise, déplorent la suppression de l’abattement sur les droits d’accises pour les bières, et la réduction  de 60% de ceux des boissons gazeuses dans la loi éponyme. Ce qui a pour impact, selon l’association des producteurs d’alcool, d’augmenter leurs charges fiscales d’environ 12 milliards de Fcfa.

En sus de ces obligations fiscales en hausse, les entreprises brassicoles doivent également faire face à l’importation massive des matières premières, des emballages, des équipements et autres pièces de rechange. Une dépendance aux importations qui représente environ 50% du coût de production et les expose ainsi aux facteurs exogènes tels le conflit russo-ukrainien. Toute chose qui occasionne plus de 40 milliards de pertes annuelles en raison du blocage des prix selon un rapport du groupement inter patronal du Cameroun de 2022.

Malgré ce faisceau d’éléments, le gouvernement prône la paix sociale et maintient le dialogue avec les brasseurs pour une sortie de crise concertée sans douleur pour les consommateurs. Pour les entreprises brassicoles, après avoir demandé une augmentation de 50Fcfa en fin d’année dernière, aujourd’hui, leurs revendications portent sur une hausse de 100Fcfa qui devrait être consentie par le gouvernement pour un équilibre du secteur. 

«Les prix de la bière sont inchangés depuis 2019. Nous avons les seuls produits dont le prix n’a pas changé depuis quatre ans, malgré une inflation exacerbée depuis le Covid-19 et le conflit Russo-ukrainien avec ses conséquences néfastes sur le prix du fret maritime et le coût des matières premières. C’est un véritable tsunami inflationniste qu’on vit aujourd’hui (…) Nous ne pouvons pas continuer à avoir des prix bloqués d’un côté, et subir l’inflation de plein fouet de l’autre côté. Nous nous sommes engagés auprès du gouvernement à l’aider à lutter contre la vie chère. Je pense que toute la filière brassicole a parfaitement joué son rôle en maintenant les prix tels qu’ils sont. Mais, ça devient intenable», expliquait Stéphane Descazeaud, Dg de Boissons du Cameroun dans une interview publiée en 2023 dans nos colonnes.

Le 9 mars dernier, le Dg de Boissons du Cameroun s’est voulu plus précis sur la question de l’augmentation du prix de la bière. « (…) Quand vous augmentez de 100 Fcfa, l’Etat prend 50 Fcfa car les taxes sur la bière sont extrêmement élevées. Donc aujourd’hui, si nous voudrions récupérer 50 Fcfa qui seraient, je dirais le chiffre minimum que nous devrions récupérer compte tenu de toutes les hausses qu’on a subies depuis quelques années, il faudrait en réalité augmenter la bière de 100 Fcfa », explique le DG de Boissons du Cameroun. Pour lui, « il est temps de faire un geste d’une certaine manière aux producteurs pour s’assurer qu’ils vont continuer à investir et à produire de manière à satisfaire la demande et satisfaire le marché dans les années qui viennent ».

L’augmentation des prix de la bière est un mouvement mondial qui affecte la plupart des grands groupes brassicoles. En février dernier, le groupe danois Carlsbeg, brasseur de plusieurs marques a annoncé la revalorisation des prix de ses produits en raison de la hausse des intrants. Si les prix de certains produits comme l’orge ou l’aluminium, utilisé pour les canettes, ont diminué, ceux du sucre et du verre ont encore grimpé, a assurait le directeur général de Carlsberg lors d’une conférence de presse.

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page